Question évaluée :
L’Organisation Mondiale de la Santé estime que le changement climatique devrait entraîner environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050. Les effets du réchauffement climatique sur la santé ont été largement démontrés. Paradoxalement, l’impact du secteur de la santé sur le réchauffement climatique est tout autant considérable. D’après The Shift Project, en France, les émissions de GES issues du secteur de la santé représentent environ 49 millions de tonnes de CO2eq, soit plus de 8 % de l’empreinte carbone de la France, répartis sur différents postes. Bien que des travaux aient été entrepris dans différents domaines de la santé, à ce jour peu sont en lien avec une unité de production de chimiothérapies anticancéreuses. Quelques études ont été engagées quant à la réduction des déchets et du gaspillage médicamenteux avec, par exemple, la mise en place de stratégies d’arrondissement des doses, via notamment la mise en place de fonctionnalités au sein du dossier médical électronique, ayant permis de réduire la quantité totale de médicaments gaspillés lors de la préparation des doses. Pourtant, à l’instar des blocs opératoire et des centres de dialyse, ces unités sont très consommatrices de dispositifs médicaux, de médicaments (avec la particularité d’être des médicaments onéreux à empreinte carbone majorée), d’énergie, et génératrices d’une grande quantité de déchets. Dans ce contexte, il est apparu opportun aux auteurs de dresser un état des lieux de l'empreinte carbone d'une unité de production de chimiothérapie, pour permettre une évolution de des pratiques et mettre en place des actions d'amélioration afin de répondre aux enjeux globaux de développement durable au sein du secteur de la santé.
Type d’étude :
Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique intégrant les données générées en 2022 au sein d’une unité de production des chimiothérapies ayant réalisée environ 51 000 préparations sur la période de l’étude.
Méthode :
Le choix des items pour lesquels l’empreinte carbone a été évaluée a été fait dans le cadre d’un groupe de travail composé de pharmaciens hospitaliers, de préparateurs en pharmacie hospitalière et de la responsable développement durable de la cellule logistique et élimination des déchets. Pour chaque item, l'impact sur le réchauffement climatique a été mesuré en équivalent CO2 (par unité de poids). L’empreinte carbone des items suivants pour l’année 2022 a été déterminé :
- Médicaments (déterminée par le facteur d’émission monétaire),
- Dispositifs médicaux stériles et autres consommables à usage unique (utilisation de l’outil bilan produit®),
- Energie (électricité générée par les appareils de l’unité extrapolée à un an,
- Transport du personnel travaillant de l’unité (questionnaire donné au personnel de l’unité issu de l’ADEME),
- Déchet produit par l’unité.
Résultats :
Les médicaments étaient la principale source d'émissions de GES, suivis par le transport du personnel, les déchets issus de l’unité, les dispositifs médicaux stériles à usage unique, la consommation énergétique de l’unité (électrique), les équipements de protection individuelle et enfin les poches de diluants. L'empreinte carbone de l’unité sur le réchauffement climatique était de 51,7 tonnes d'équivalent en émission de CO2eq. Les médicaments étaient exclus de ce résultat. En effet, ces derniers représentaient à eux seuls plus de 18 179 tonnes d'équivalent en émission CO2. Dans le contexte actuel de promotion de la santé durable, cette étude pourrait aider à déterminer les leviers d'action visant à réduire les émissions de GES dans les unités de production des chimiothérapies anticancéreuses.
Points forts :
- Identification de 5 sources majeurs d’émission de GES par une unité de production de chimiothérapie anticancéreuse (correspondant à 7 items) à utiliser pour standardiser nos analyses entre unités de production :
- Le médicament,
- Le transport du personnel,
- Les déchets,
- Le matériel à usage unique,
- La consommation énergétique des appareils.
- Leviers d’actions simples à mettre en place et généralisables à l’échelle nationale en lien avec 2 sources d’émission de GES : les déchets (d’après les 5R de la gestion des déchets pour un hôpital « vert ») et le transport du personnel à repenser.
- Médicaments identifiés comme la source principale d’émission de GES :
- Peu de leviers d’actions à court terme et importance de la prévention primaire et du dépistage pour limiter le recours aux anticancéreux.
Points faibles :
- Reproductibilité (utilisation à l’avenir de logiciels professionnel),
- Limite du facteur d’émission monétaire pour le calcul de l’émission de GES de nos médicaments (pas de mise à disposition des ACV des médicaments par les industriels au moment de l’étude),
- Consommation énergétique de l’unité sous-estimée.
Conclusion/Implications en pratique :
Nos résultats mettent en évidence que le médicament était de loin la source d’émission de GES la plus importante, démontrant que les efforts individuels des unités ne suffiront pas à améliorer la situation, et que l'industrie pharmaceutique doit également agir sur les émissions attribuables à son secteur. Cependant, des leviers aisés à mettre en œuvre ont été identifiés et ne doivent pas être sous-estimés. La mise en place de ces derniers pourrait faire l’objet de recommandations nationales.
Rédigé par Marie KROEMER et Manon CHABANE
D’après Chabane M, et al. Carbon footprint of a chemotherapy production unit within a hospital pharmacy: Time for green pharmacy. J Oncol Pharm Pract 2025. Publication avancée en ligne le 24 février. Disponible en ligne sur https://doi.org/10.1177/10781552251318313