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Démarche de deprescription conduit par les pharmaciens à destination des patients atteints de cancer en soins palliatifs

Question évaluée : Les patients pris en charge en soins palliatifs présentent un risque élevé de polymédication et de prescriptions inappropriées (PIMs) notamment compte-tenu des objectifs thérapeutiques. Cette étude vise à (i) évaluer la prévalence des PIMs chez des patients cancéreux en soins palliatifs, (ii) mesurer l’impact des interventions de déprescription menées par des pharmaciens, et (iii) comparer l’efficacité des transmissions orale et/ou écrite des interventions effectuées.

Type d’étude : Étude prospective, monocentrique, menée sur 12 semaines entre mars et juin 2023.

Méthode :Les patients inclus avaient un pronostic de survie inférieur à 6 mois. Tous les patients bénéficiaient d’une conciliation médicamenteuse à l’entrée, suivie d’une recherche systématique des PIMS à l’aide des critères OncPal et du jugement clinique du pharmacien. L’impact économique de la démarche a été estimé en tronquant le cout du médicament pour un mois et un an.

Résultats : Au total, 48 patients ont été inclus (âge moyen de 70 ± 12,8 ans) avec une moyenne de médicaments consommés de 9,4 ± 3,4. Parmi les médicaments, 113 étaient des PIMs relevés lors de la conciliation médicamenteuse à l’entrée (25,2%). La déprescription a été proposée pour 113 médicaments, 98 (86,7%) grâce avec les critères OncPal, et avec un taux d’acceptation de 71,7% (81) au total.

Autres principaux résultats :

  • Moins de médicaments à l’entrée chez les patients venant d’établissement de soins palliatifs versus l’hôpital (p=0,01),
  • L’intervention du pharmacien permettait une réduction significative du nombre de médicaments (9,4 avant 7,7; p=0,01),
  • Taux d'implantation plus élevé pour les soins de fin de vie (83,3 %) que pour les hospitalisations de répit (30%; p<0,001) et de contrôle des symptômes (65,1%; p=0,04),
  • Les IPP et anti-H2 étaient les moins déprescrits, avec 26,7% d’acceptation (p<0,01).

Résultats non significatifs :

  • Il semblait y avoir moins de médicaments prescrits chez les patients admis pour des hospitalisations de répit (n=7,7) que pour les soins de fin de vie (n=9,7; p=0,37) ou les contrôles de symptômes (n=9,2; p=0,44)
  • Il semblait y avoir plus de PIMs prescrits chez patients admis en hospitalisations de répit (n= 3,2) que pour les soins de fin de vie (n=1,4; p=0,27) ou les contrôles de symptômes (n=1,6; p=0,42)
  • Pas de différence significative dans la mise en œuvre d’une déprescription après transmission verbale ou uniquement orale (72,2% 70,6%; p>0,05)

Économies : 948 € économisés sur 28 jours pour 48 patients.

Points forts :

  • Étude en conditions réelles quantifiant le rôle du pharmacien
  • Usage combiné du guide OncoPal et expertise clinique
  • Économies réalisées quantifiables

Points faibles :

  • Taille d’échantillon restreint.
  • Utilisation de la moyenne dans un petit échantillon sans vérification de normalité, la médiane aurait pu être plus pertinente.
  • Résultats présentés comme une tendance mais ne présentant pas de significativité statistique.
  • Impact qualité de vie non évalué
  • Variabilité possible du jugement clinique pouvant introduire un biais non mesuré

Conclusion/Implications en pratique :

La déprescription auprès de patients atteints de cancer et pris en charge en soins palliatifs, menée par un pharmacien, est faisable, particulièrement bien acceptée, et économiquement pertinente. L’étude n’a pas retrouvé de différence significative quant au mode de transmission le plus adapté, que ça soit verbale ou uniquement orale. Le guide OncoPal semble particulièrement utile en appui de la démarche du pharmacien clinicien.

Rédigé par Louis GAUTIER

D’après Ciarán McAdam et al. Pharmacist-led deprescribing interventions for cancer patients in a specialist palliative care setting; Support Care Cancer 33, 321 (2025), disponible en ligne sur https://doi.org/10.1007/s00520-025-09341-9

Le développement de stratégies de doses alternatives aux doses fixes pour le Pembrolizumab et le Nivolumab : une mesure éco-responsable ?

Question évaluée : Le passage d’un calcul de doses des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI), initialement en fonction du poids, à des doses fixes, ont fait l’objet de nombreux commentaires et critiques notamment sur le plan de l’impact économique sur nos systèmes de santé [1]. En revanche, l’hypothèse d’un impact écologique de ces choix n’a jamais fait l’objet d’une évaluation. Une équipe de l’Erasmus MC Cancer Institute de Rotterdam (Pays-Bas) s’est penché sur la question.

Type d’étude : étude descriptive, rétrospective et monocentrique. L’analyse s’est basée sur l’utilisation de la méthodologie d’analyse du cycle de vie du médicament, pour les deux ICI considérés, sur une période donnée.

Méthode :

  • Analyse du cycle de vie du pembrolizumab et du nivolumab de la production jusqu’à l’élimination des déchets,
  • Calculs des émissions de carbone pour les doses fixes et les doses adaptées au poids des deux ICI selon plusieurs schémas, incluant notamment des modulations d’intervalle de dose,
  • Étude de l’impact des stratégies de doses adaptées versus doses fixes sur les émissions de carbone associées au traitement à partir des données :
    • sur la prescription et l’utilisation des deux ICI recueillies dans les dossiers médicaux électroniques de l'hôpital et dans une base de données de la fondation néerlandaise des données hospitalières,
    • sur les émissions liées à la fabrication des médicaments, la consommation d’énergie de l'hôpital, le carburant pour la distribution des produits pharmaceutiques, le déplacement des patients et du personnel, l’élimination des déchets, les équipements médicaux utilisés et les conditionnements pour les préparations prêtes à être administrées.
  • Le critère de jugement utilisé était le dioxyde de carbone émis (CO2) par administration d’ICI (en cas de modulation posologique) et par intervalle de dose (pour les modulations impliquant  un espacement des administrations).

Résultats : Sur une année, 796 patients ont été traités par pembrolizumab ou nivolumab dans le centre (total de 4710 administrations) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022. Le traitement de ces 796 patients a entraîné une émission carbone cumulée de 445 tonnes de CO2e (émission moyenne de 94 kgCO2e par administration).

Pour le Pembrolizumab, l’application de stratégie de doses adaptées au poids toutes les 3 semaines (Q3W) a permis une réduction de -26% des eCO2 par administration vs. -21% en cas d’intervalle allongé (Q6W). La combinaison des deux stratégies permettant une réduction hebdomadaire du CO2 émis de -25%.

Pour le Nivolumab, l’application de stratégie de doses adaptées au poids a permis une diminution de -9% pour une administration Q2W, de -10% pour une administration Q3W et de -11% pour une administration mensuelle. La combinaison des deux stratégies permettant une réduction hebdomadaire du CO2 émis de -15%.

Tableau 1 : Émissions de Dioxyde de carbone par catégorie (kg de CO2 émis) pour chaque stratégie de dose

Points forts : L’utilisation des émissions de carbone par semaine de traitement comme mesure a facilité l’analyse comparative des différents intervalles de dosage.

Points faibles :

  • Aucune donnée provenant d’une évaluation des risques environnementaux disponible pour étudier les risques potentiels au cours de la phase d’élimination,
  • L’analyse du cycle de vie s’est concentrée sur la catégorie d’impact du changement climatique et en a exclu d’autres en raison de l’insuffisance de données,
  • Données extraites à partir d’un seul hôpital,
  • N’inclut pas les émissions de carbone liées au gaspillage potentiel de médicaments.

Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude originale met en évidence un autre type de bénéfice que  celui jusqu’ici mis en avant pour les ICI. Ainsi, l’impact  économique particulièrement important des doses fixes s’ajoute un impact écologique non-négligeable même si la littérature offre actuellement peu de comparaisons possibles. Compte-tenu de l’augmentation croissante du recours aux ICI, l’impact  prévisible de la révision des doses fixes devrait être encore plus important, à l’heure où certains auteurs suggèrent que des doses faibles de Nivolumab offriraient la même efficacité par exemple [2]. L’arrivée possible de formulations sous-cutanées et les perspectives de déploiement à grande échelle de l’administration à domicile sont d’autres perspectives à suivre.

Rédigé par Malissone VIARASAKD

D’après Malmberg R, et al. Effect of alternative dosing strategies of pembrolizumab and nivolumab on health-care emissions in the Netherlands: A carbon footprint analysis. Lancet Planet Health 2024;8(11):e915-e923

[1] Malmberg R, Zietse M, Dumoulin DW, Hendrikx JJMA, Aerts JGJV, van der Veldt AAM, Koch BCP, Sleijfer S, van Leeuwen RWF. Alternative dosing strategies for immune checkpoint inhibitors to improve cost-effectiveness: a special focus on nivolumab and pembrolizumab. Lancet Oncol. 2022 Dec;23(12):e552-e561. doi: 10.1016/S1470-2045(22)00554-X. PMID: 36455584.

[2] Gandhi KA, Shirsat A, Hj SK, Chavan A, Dicholkar P, Shah S, Menon N, Noronha V, Joshi A, Prabhash K, Patil V, Gota V. Pharmacokinetics and clinical outcomes of low-dose nivolumab relative to conventional dose in patients with advanced cancer. Cancer Chemother Pharmacol. 2024 Nov;94(5):659-668. doi: 10.1007/s00280-024-04697-x. Epub 2024 Jul 26. PMID: 39060628; PMCID: PMC11470857.

Pharmacocinétique en vie réelle du Tramétinib chez les enfants atteints de gliome de bas grade

Question évaluée : Le tramétinib est un inhibiteur de la protéine kinase MEK utilisé chez les enfants atteints de gliome de bas grade porteurs d’une mutation BRAF, soit via la forme commerciale MEKINIST® (hors-AMM) soit via un accès dérogatoire (solution buvable). La variabilité pharmacocinétique (PK) inter-individuelle connue des thérapies ciblées orales conjuguée à l’impact de l’alimentation, des potentiels co-médications, les problématiques de l’observance et le peu de données PK disponibles en pédiatrie ont conduit une équipe lyonnaise à mettre en œuvre un suivi thérapeutique pharmacologique (STP) pour ce médicament afin d’en évaluer l’exposition plasmatique individuelle en vie réelle.

 Type d’étude : Étude rétrospective monocentrique sur données PK de suivi thérapeutique pharmacologique.

 Méthode : Un prélèvement PK était effectué chez tous les patients traités par tramétinib lors de leur évaluation trimestrielle en hôpital de jour. L’estimation de la concentration résiduelle (Cmin), de l’exposition (AUC) et des différents paramètres PK individuels était réalisée à l’aide d’un modèle PK de population. Les chercheurs ont ensuite évalué l’exposition au tramétinib par rapport aux données pédiatriques disponibles (intervalle cible défini = 8-15 ng/mL). Enfin, ils ont recueilli des données d’efficacité et de toxicité afin d’explorer les potentielles relations PK-PD.

Résultats : 65 prélèvements ont été effectués chez 19 patients (moyenne 7,9 ans et 28,6 kg), dont 8 traités en association avec le dabrafénib (un anti-BRAF). La Cmin moyenne était de 8,82 ng/mL, avec 35,4% des prélèvements en dessous de l’intervalle cible 8-15 ng/ml et aucun enfant surdosé. Au regard de la Cmin cible adulte (≥10,6 ng/mL - mélanome), seulement 14% des prélèvements atteignaient ce seuil. Il existait une grande variabilité PK entre les enfants (min 3,95 - max 14,8 ng/ml) sans facteurs explicatifs (galénique, poids, âge, co-médication…). De plus, sur les 17 enfants évaluables, la variabilité intra-individuelle était également très marquée : de -25,4% à +31,0% avec 6 patients dont la clairance d’élimination variait de plus de 40% d’un prélèvement à l’autre. 84,2% des enfants ont présenté une toxicité reliée au traitement, principalement cutanée. Aucune relation entre les paramètres PK et la toxicité n’a pu être identifiée.

Points forts : Description de la PK de cet inhibiteur de proteine kinase en condition d’utilisation de vie réelle.

Points faibles : Méthodologie rétrospective avec un petit effectif – ces données n’ont finalement pas permis d’établir des recommandations de cibles PK chez l’enfant.

Conclusion/Implications en pratique : Il a été mis en avant une certaine variabilité PK et des niveaux d’expositions inférieurs à ceux retrouvés dans les études cliniques pédiatriques et dans la population adulte. En plus des entretiens pharmaceutiques permettant notamment de prévenir les risques d’interactions médicamenteuses et d’optimiser l’observance, le STP pourrait intégrer le parcours de soins des enfants traités par tramétinib.

Rédigé par Michael PHILIPPE

D’après Pagnot L, et al. Real-world pharmacokinetics of trametinib in pediatric low-grade glioma. Cancer Chemother Pharmacol. 2025 Feb 25;95(1):35.

Empreinte carbone d’une unité de production de chimiothérapie au sein d’une pharmacie hospitalière : vers une pharmacie plus écologique

Question évaluée :

L’Organisation Mondiale de la Santé estime que le changement climatique devrait entraîner environ 250 000 décès supplémentaires par an entre 2030 et 2050. Les effets du réchauffement climatique sur la santé ont été largement démontrés. Paradoxalement, l’impact du secteur de la santé sur le réchauffement climatique est tout autant considérable. D’après The Shift Project, en France, les émissions de GES issues du secteur de la santé représentent environ 49 millions de tonnes de CO2eq, soit plus de 8 % de l’empreinte carbone de la France, répartis sur différents postes. Bien que des travaux aient été entrepris dans différents domaines de la santé, à ce jour peu sont en lien avec une unité de production de chimiothérapies anticancéreuses. Quelques études ont été engagées quant à la réduction des déchets et du gaspillage médicamenteux avec, par exemple, la mise en place de stratégies d’arrondissement des doses, via notamment la mise en place de fonctionnalités au sein du dossier médical électronique, ayant permis de réduire la quantité totale de médicaments gaspillés lors de la préparation des doses. Pourtant, à l’instar des blocs opératoire et des centres de dialyse, ces unités sont très consommatrices de dispositifs médicaux, de médicaments (avec la particularité d’être des médicaments onéreux à empreinte carbone majorée), d’énergie, et génératrices d’une grande quantité de déchets. Dans ce contexte, il est apparu opportun aux auteurs de dresser un état des lieux de l'empreinte carbone d'une unité de production de chimiothérapie, pour permettre une évolution de des pratiques et mettre en place des actions d'amélioration afin de répondre aux enjeux globaux de développement durable au sein du secteur de la santé.

 Type d’étude :

Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique intégrant les données générées en 2022 au sein d’une unité de production des chimiothérapies ayant réalisée environ 51 000 préparations sur la période de l’étude.

 Méthode :

Le choix des items pour lesquels l’empreinte carbone a été évaluée a été fait dans le cadre d’un groupe de travail composé de pharmaciens hospitaliers, de préparateurs en pharmacie hospitalière et de la responsable développement durable de la cellule logistique et élimination des déchets. Pour chaque item, l'impact sur le réchauffement climatique a été mesuré en équivalent CO2 (par unité de poids). L’empreinte carbone des items suivants pour l’année 2022 a été déterminé :

  • Médicaments (déterminée par le facteur d’émission monétaire),
  • Dispositifs médicaux stériles et autres consommables à usage unique (utilisation de l’outil bilan produit®),
  • Energie (électricité générée par les appareils de l’unité extrapolée à un an,
  • Transport du personnel travaillant de l’unité (questionnaire donné au personnel de l’unité issu de l’ADEME),
  • Déchet produit par l’unité.

Résultats :

Les médicaments étaient la principale source d'émissions de GES, suivis par le transport du personnel, les déchets issus de l’unité, les dispositifs médicaux stériles à usage unique, la consommation énergétique de l’unité (électrique), les équipements de protection individuelle et enfin les poches de diluants. L'empreinte carbone de l’unité sur le réchauffement climatique était de 51,7 tonnes d'équivalent en émission de CO2eq. Les médicaments étaient exclus de ce résultat. En effet, ces derniers représentaient à eux seuls plus de 18 179 tonnes d'équivalent en émission CO2. Dans le contexte actuel de promotion de la santé durable, cette étude pourrait aider à déterminer les leviers d'action visant à réduire les émissions de GES dans les unités de production des chimiothérapies anticancéreuses.

Points forts :

  • Identification de 5 sources majeurs d’émission de GES par une unité de production de chimiothérapie anticancéreuse (correspondant à 7 items) à utiliser pour standardiser nos analyses entre unités de production :
    • Le médicament,
    • Le transport du personnel,
    • Les déchets,
    • Le matériel à usage unique,
    • La consommation énergétique des appareils.
  • Leviers d’actions simples à mettre en place et généralisables à l’échelle nationale en lien avec 2 sources d’émission de GES : les déchets (d’après les 5R de la gestion des déchets pour un hôpital « vert ») et le transport du personnel à repenser.
  • Médicaments identifiés comme la source principale d’émission de GES :
    • Peu de leviers d’actions à court terme et importance de la prévention primaire et du dépistage pour limiter le recours aux anticancéreux.

Points faibles :

  • Reproductibilité (utilisation à l’avenir de logiciels professionnel),
  • Limite du facteur d’émission monétaire pour le calcul de l’émission de GES de nos médicaments (pas de mise à disposition des ACV des médicaments par les industriels au moment de l’étude),
  • Consommation énergétique de l’unité sous-estimée.

 Conclusion/Implications en pratique :

Nos résultats mettent en évidence que le médicament était de loin la source d’émission de GES la plus importante, démontrant que les efforts individuels des unités ne suffiront pas à améliorer la situation, et que l'industrie pharmaceutique doit également agir sur les émissions attribuables à son secteur. Cependant, des leviers aisés à mettre en œuvre ont été identifiés et ne doivent pas être sous-estimés. La mise en place de ces derniers pourrait faire l’objet de recommandations nationales.

Rédigé par Marie KROEMER et Manon CHABANE

D’après Chabane M, et al. Carbon footprint of a chemotherapy production unit within a hospital pharmacy: Time for green pharmacy. J Oncol Pharm Pract 2025. Publication avancée en ligne le 24 février. Disponible en ligne sur https://doi.org/10.1177/10781552251318313

 

 

Hypoalbuminémie chez les patients atteints d’une leucémie aiguë lymphoblastique traités par méthotrexate haute dose : lien avec l’asparaginase et élimination

Question évaluée :

  • le lien entre l’hypoalbuminémie et le traitement par asparaginase, dans la prise en charge de patients pédiatriques atteints de leucémie aiguë lymphoblastique (LAL),
  • l’impact du niveau d’albumine sur la clairance, la toxicité et les complications consécutives à l’administration de méthotrexate haute dose (HD-MTX).

 Type d’étude : Il s’agit d’une étude descriptive, rétrospective et monocentrique. L’analyse se base sur des observations cliniques et l’analyse de valeurs biologiques sur une période donnée.

 Méthode :

Population : 51 enfants âgés de 1 à 17 ans, atteints de LAL et traités selon NOPHO ALL 2008, représentant un total de 325 administrations de HD-MTX entre juillet 2008 et décembre 2018 (posologie : 5 g/m2 par administration). Des groupes de patients ont été établis selon le niveau d’albumine sérique (ALB) observé avant l’administration de la première cure de HD-MTX (groupe A : ALB < 25 g/L ; groupe B : ALB entre 25-29 g/L ; groupe C : ALB entre 30-34 g/L ; groupe D : ALB ≥ 35 g/L).

Données collectées : données cliniques (avant et après administration de HD-MTX et d’asparaginase), biologiques, pharmacocinétiques (clairance d’élimination du méthotrexate) à partir des dossiers médicaux et gradation selon NCI-CTCAE v5.0

Critères de jugement : albumine sérique, pharmacocinétique du méthotrexate (méthotrexatémie, clairance, AUC), toxicité (clinique et biologique), temps d’élimination du MTX. L’analyse descriptive a exploré le lien entre administration d’asparaginase et survenue de l’hypoalbuminémie et la relation entre le niveau d’albumine sérique et les conséquences clinico-biologiques suite à l’administration d’HD-MTX.

Résultats :

Prévalence de l’hypoalbuminémie et lien avec l’asparaginase

Dans cette étude, 165 patients (50,7%) présentaient une hypoalbuminémie, dont 99 patients avec une albumine sérique < 30 g/L. L’hypoalbuminémie apparaît plus présente dans les phases d’administration de l’asparaginase (début de prise en charge thérapeutique, précédant les phases d’administration de méthotrexate). L’albumine sérique était significativement abaissée (<30 g/L) lorsque l’HD-MTX était administré dans les 2 semaines suivant le traitement par asparaginase.

Impact sur l’élimination du méthotrexate

Les patients des groupes A et B avaient une clairance d’élimination réduite du méthotrexate (sans retard d’élimination significatif), une exposition accrue à l’anticancéreux (AUC ≥ 1000 µM*h) et des concentrations plasmatiques plus élevées en fin de perfusion.

Toxicité

Les résultats montrent que les patients présentant une hypoalbuminémie de grade 2 (CTCAE v.5.0) étaient 2 fois plus susceptibles de présenter une stomatite après l’administration d’HD-MTX, en comparaison aux groupes C et D. Cette différence liée au niveau d’albumine est également notable dans l’étude de Bakarat S. et al (1). Bien que présent, l’impact sur de l’hypoalbuminémie sur la myélotoxcité était moins prononcé.

Le mécanisme de toxicité accrue dans ces groupes de patients avec hypoalbuminémie est probablement lié à une fraction libre de MTX plus élevée, entraînant une accumulation intracellulaire de l’antifolate et la formation de polyglutamates (augmentant la stase intracellulaire du produit). Cela semble cohérent avec l’observation de plus grandes expositions systémiques (AUC) chez ces patients.

Points forts :

  • L’analyse s’appuie à la fois sur la cinétique du méthotrexate haute dose, son lien avec l’asparaginase (qui impacte fortement cette cinétique) mais également les conséquences cliniques, détaillant la toxicité, par groupes de patients,
  • Cette étude présente une cohorte homogène, permettant d’évaluer précisément la cinétique du médicament (doses et protocoles pré- et post-administration homogènes),
  • Classer les patients par groupes selon l’albuminémie donne une indication sur le grade à partir duquel l’administration d’HD-MTX est particulièrement à risque (clinique et/ ou biologique). Cette étude met en évidence les recommandations pratiques associées pour ajuster le traitement (temporalité de l’hyperhydratation, administration d’albuminémie pour certains patients…).

Points faibles :

  • Le caractère rétrospectif de cette étude limite l’exactitude des données recueillies et la robustesse des conclusions (exhaustivité impossible dans le recueil des dossiers médicaux),
  • Certains facteurs confondants méritent d’être pris en compte. En effet, d’autres facteurs de risque connus peuvent augmenter le délai d’élimination du méthotrexate haute dose et accroître sa toxicité, mais ne sont pas inclus dans l’analyse.

 Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude met en évidence l’impact significatif de l’hypoalbuminémie (induite par l’asparaginase) sur la pharmacocinétique et la toxicité du méthotrexate haute dose chez les patients traités pour une LAL.

A partir d’une hypoalbuminémie de grade 2 (ALB < 30 g/L) le risque de toxicité est majoré (stomatite) et la distribution systémique du méthotrexate est modifiée, avec une exposition accrue, sans retard d’élimination significatif.

En pratique, chez les patients présentant un niveau d’albumine < 30 g/L, il semble prudent de réduire le risque d’atteindre une méthotrexatémie trop élevée. Cependant, la réduction des doses n’est pas une solution à retenir (non nécessaire avec l’hyperhydratation protocolaire, pas de délai d’élimination).

(1) Barakat S, Assem H, Salama M, Mikhael N, Chazli YE (2022) Is hypoalbuminemia a risk-factor for high-dose methotrexate toxicity in children with acute lymphoblastic leukemia? J Egypt Natl Canc Inst 34:17

 Rédigé par Margot VATTAIRE-HERVE

D’après S. Rex Christensen et al. Hypoalbuminemia in children with acute lymphoblastic leukemia: relation to asparaginase therapy and impact on high dose methotrexate elimination, Cancer Chemother Pharmacol. 2024 Dec;94(6):775-785. https://doi.org/10.1007/s00280-024-04713-0

 

Développement d’un score permettant de prédire l’intérêt du suivi thérapeutique pharmacologique chez les patients traités par anticancéreux oraux

Question évaluée : Les thérapies orales poursuivent leur dynamique de développement dans le domaine de l’oncohématologie. Ces médicaments sont développés à doses fixes alors qu’il existe une forte Variabilité Inter-Individuelle (VII). Le Suivi Thérapeutique Pharmacologique (STP) est un moyen de détecter et donc limiter ces VII. Il n’existe à ce jour aucune recommandation homogène sur la mise en œuvre du STP pour ces thérapies orales. Il y a donc un intérêt majeur, clinique et économique, à identifier les médicaments les plus à risques de VII et dont la pertinence d’un STP est la plus importante.

 Type d’étude : Validation de score sur une base bibliographique

 Méthode : Les médicaments étudiés (a minima avec autorisation de la Food & Drug Administration en septembre 2021) ont été choisies selon les critères d’inclusion :

  • VII pharmacocinétique (PK)
  • Faisabilité d’adaptation des doses
  • Existence d’une relation entre efficacité et concentration plasmatique (ERR)
  • Existence d’une relation entre toxicité et concentration plasmatique (ESR)
  • Index thérapeutique étroit
  • Administration répétée et chronique
  • Absence de marqueur clinique ou biologique facilement mesurable
  • Mesure fiable et reproductible dans le cadre de soins quotidiens

Les données ont été collectées auprès de la FDA, dans la littérature et dans les essais de phase 1, 2 et 3.

Le score final est issu d’un calcul de point selon les critères suivants :

  • Aire sous le courbe (AUC) et influence de l’alimentation sur la biodisponibilité
  • AUC et influence des inhibiteurs de la pompe à protons
  • Coefficient de variation de l’AUC
  • Linéarité ou non de la PK
  • Présence ou non de métabolites actifs
  • Demi-vie du médicament
  • Données sur ERR
  • Données sur ESR

Enfin, ce score a été validé avec une évaluation par validité externe (témoin négatif avec l’acétate d’abiratérone) et 6 médicaments non-anticancéreux.

Le score final est compris entre 0 et 100 points (pts). Plus ce score est élevé, plus un STP de la molécule est justifié et cliniquement pertinent.

Résultats : 67 médicaments ont été étudiés. L’Acalabrutinib a obtenu le score le plus faible (15 pts) et le Sunitinib le plus élevé (80 pts) ; le score médian était de 49 pts.

Points forts : Ce score est quantitatif et reproductible. Il a été validé avec des données cliniques comme le ESR et le ERR. La distribution des points suit une échelle normale, ce qui permet de différencier 3 catégories de candidats au STP.

Les scores obtenus ont été comparés avec des données de la littérature, qui confortent les résultats de cet article et l’importance ou non de la mise en œuvre d’un STP. La présence d’une évaluation par une validité externe est cliniquement pertinente.

Points faibles : Les sources des données varient selon la date d’approbation des médicaments (études de phase 1 pour les plus récentes, 2 et 3 pour les plus anciennes). Le score ne comprend aucun critère de variabilité intra-individuelle ; il ne prend pas en compte l’indication des médicaments, ni si ceux-ci sont utilisés en association ou en monothérapie.

 Conclusion/Implications en pratique : Cette étude doit inciter au développement du STP pour les médicaments ayant les scores les plus élevés, ce qui devrait améliorer la prise en charge des patients en tendant vers une médecine de plus en plus personnalisée. Elle donne des clés aux pharmaciens cliniciens, en lien avec leurs collègues des laboratoires de pharmacologie médicale, pour proposer la mise en œuvre du STP aux oncologues et hématologues notamment dans le cadre des accompagnements tripartites maintenant bien développés en France.

 Rédigé par Camille AVET-L’OISEAU et Anne TOULEMONDE

D’après Gueraud A et al. A Score to Predict the Clinical Usefulness ofTherapeutic Drug Monitoring: Application to Oral Molecular Targeted Therapies in Cancer. Clin Pharmacol Ther. 2024 Sep;116(3):678-689. https://doi.org/10.1002/cpt.3193

 

 

Évaluation de l’impact de la réforme de l’accès précoce sur l’accès à l’innovation en oncologie en France : analyse des indications, du nombre de patients traités et des coûts associés

Question évaluée : Entrée en vigueur en juillet 2021, la réforme de l’Accès Précoce (AP) en France vise à simplifier les procédures, accélérer l’accès aux médicaments innovants et garantir la soutenabilité financière du système de santé. Ce nouveau cadre a réduit les six voies du système d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à deux dispositifs : l’Autorisation d’Accès Précoce (AAP) et l’Autorisation d’Accès Compassionnel (AAC). La réforme a également modifié le parcours d’évaluation : alors que le système ATU impliquait uniquement l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute Autorité de Santé (HAS) intervient désormais également dans l’évaluation des AAP. Cette étude analyse les caractéristiques des autorisations délivrées via le dispositif d’AAP, ainsi que l’impact de la réforme en oncologie, en termes de nombre d’indications autorisées, de patients traités et de coûts de remboursement, par localisation tumorale.

 Type d’étude : Étude en deux étapes :

  • Analyse rétrospective longitudinale des indications soumises à l’évaluation de la HAS dans le cadre de l’AP.
  • Étude rétrospective longitudinale des données issues du Système National des Données de Santé (SNDS) sur les médicaments en oncologie avec un AAP administré à des patients hospitalisés.

 Méthode : Les demandes d’AAP soumises à la HAS entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2022 ont été identifiées ainsi que la méthodologie des essais cliniques supportant la demande d’AP. Leurs décisions d’autorisations ou de refus, ainsi que leurs justifications, ont été analysées. L’impact de la réforme a ensuite été évalué à partir des données SNDS, en examinant le nombre d’indications approuvées, le nombre de patients traités (en hospitalisation) et les coûts de remboursement associés, tant en onco-hématologie que pour les tumeurs solides.

Résultats : Sur 110 décisions publiées, 88 indications d'AAP (80%) ont été accordées par la HAS dans un délai moyen de 70 jours, dont 46 (52%) en oncologie (67% pour des tumeurs solides, 33% pour des hémopathies malignes). La majorité des indications autorisées étaient supportées par des essais randomisés de phase III (67%), tandis que les refus reposaient plus fréquemment sur des études non randomisées (57%). La survie globale était le critère principal dans 28% des autorisations accordées, contre aucune dans les demandes refusées, et 41% des autorisations d’AP accordées présentaient des données de survie globale (critère principal ou secondaire). Les données du SNDS montrent une forte augmentation du nombre de patients hospitalisés traités avec un médicament sous AAP en oncologie, passant de 3 137 en 2019 à 18 341 en 2022 (+484%), ainsi qu'une hausse du nombre d’indications, de 12 à 62 sur la même période. Les principales localisations concernaient l’onco-hématologie (n=17), le cancer du poumon (n=12), les cancers digestifs (n=9) et le cancer du sein (n=9). Parallèlement, les coûts de remboursement associés aux traitements sous AAP ont considérablement augmenté, passant de 42 à 526 millions d’euros (+1159%).

Points forts : Les autorisations d’AAP reposent principalement sur des études avec un haut niveau de preuve (essais de phase III), souvent accompagnées de données matures sur la survie globale. Il s’agit de la première étude utilisant les données du SNDS pour évaluer l’impact de la réforme de l’AP, mettant en évidence une augmentation notable du nombre de patients traités et des coûts de remboursements associés.

Points faibles : Les coûts de remboursement présentés ne reflètent pas la dépense finale pour l’Assurance maladie, en raison des remises appliquées par les laboratoires en fonction des ventes réalisées et du prix final négocié. Le périmètre est également limité aux patients hospitalisés bénéficiant d’un traitement en AAP et exclue le champ de la rétrocession. La réforme est également encore trop récente pour permettre une estimation précise de son impact à long terme.

 Conclusion/Implications en pratique : La réforme de l’AP a permis un accès rapide pour les patients à un nombre significatif d'innovations thérapeutiques, notamment en oncologie. Toutefois, un suivi régulier reste nécessaire pour analyser les décisions d’AP (approbations et refus), surveiller les données épidémiologiques et économiques, et garantir la soutenabilité financière du dispositif à long terme.

Rédigé par Tess MARTIN et Isabelle BORGET

D’après Martin T, et a. Impact of Early Access Reform on Oncology Innovation in France: Approvals, Patients, and Costs. BioDrugs. 2024 May;38(3):465-475. https://doi.org/10.1007/s40259-024-00658-1

Journée Saint-Louis 2014

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Les thèmes abordés:

La maladie résiduelle - Pr JM Cayuela

Observance et cancérologie - Dr Daouphars

Prise en charge du cancer du pancréas - Pr C. Louvet

Travaux SFPO (Référentiel suivi thérapeutique, Référentiel essais cliniques en cancérologie, Référentiel préparations thérapeutiques innovantes, Référentiel préparation des chimiothérapies, Impacto-2, Actualités internationales)

 

Patients âgés et traitements anticancéreux injectables : étude de faisabilité de la mise en place d’entretiens pharmaceutiques d’oncogériatrie dans un centre hospitalier

Question évaluée : La prise en charge médicamenteuse des patients âgés atteints de cancer est associée à de nombreux facteurs de risques de iatrogénie médicamenteuse pouvant avoir un retentissement important sur leur qualité de vie. Depuis avril 2022 (Décret no 2022-693), les établissements de santé doivent proposer aux patients âgés à risque ou en perte d'autonomie atteints de cancer, un traitement adapté à leur profil gériatrique. Pour cela, le dépistage de fragilités doit être systématiquement réalisé et si besoin, une prise en charge gériatrique personnalisée doit pouvoir être mise en place. De par son expertise, le pharmacien peut contribuer à limiter la iatrogénie médicamenteuse par la réalisation de bilans de médication, et donc sécuriser le parcours de soins de ces patients.

 Type d’étude : Étude interventionnelle relative à la mise en place d’entretiens pharmaceutiques d’oncogériatrie (EPOG) sur une période de six mois.

 Méthode : L'EPOG a été proposé aux patients de 65 ans et plus, pris en charge en hôpital de jour ou de semaine, débutant un protocole anticancéreux injectable et répondant à minima à un des critères suivants : polymédiqué (≥ 5 traitements de fond) et/ou identifié à risque de fragilité gériatrique (G8 ≤ 14). Les patients dans l'incapacité de participer à l'entretien ainsi que les patients institutionnalisés et/ou non ambulatoires ont été exclus.

Pour chaque EPOG, le pharmacien a effectué un bilan de médication et réalisé un entretien pharmaceutique permettant la recherche d’automédication, l'évaluation de l'autonomie du patient vis-à-vis de son traitement de fond, l'évaluation de ses connaissances concernant son protocole anticancéreux et la conduite à tenir pour prévenir/gérer les effets indésirables. A l’issue de l’EPOG, le pharmacien a orienté le patient vers d’autres professionnels de santé et soins de supports si nécessaire. Le compte rendu de l’EPOG était ensuite envoyé au médecin traitant et à la pharmacie de ville du patient. Les interventions pharmaceutiques (IP) proposées ont été analysées et leur potentiel impact clinique évalué par un binôme pharmacien/oncologue.

Résultats : Au total, trente patients ont bénéficié d’un EPOG (âge médian 76 ans ; 21 patients ayant G8 ≤ 14). Au cours de leur prise en charge, deux tiers des patients ont rencontré d’autres intervenants dont quatre après orientation par le pharmacien. Grâce à la réalisation des bilans de médication, au moins une IP a été faite chez 93 % des patients (en moyenne 3,5 par patient). La majorité des IP proposait des suivis thérapeutiques et des arrêts de traitement. Au total, 97 % des IP auraient un impact clinique positif dont 13 % un impact clinique majeur. Les principales classes médicamenteuses concernées par les IP étaient les analgésiques, les médicaments du diabète et les psycholeptiques.

Points forts : L’intégration d’un pharmacien hospitalier dans un parcours de soins dédié aux patients âgés fragiles en cancérologie apparait être une véritable valeur ajoutée. Le nombre important d’IP souligne l’intérêt de l’expertise pharmaceutique dans la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.

Points faibles : L’étude porte sur un faible échantillon de patients notamment en raison du manque de moyens humains (activité reposant sur un Docteur Junior en Pharmacie à temps partiel), matériels (absence de salle dédiée) et de difficultés organisationnelles. Malheureusement l’étude n’a pas permis d’évaluer le taux d’acceptation des IP par les médecins traitants.

 Conclusion/Implications en pratique : Les soins pharmaceutiques proposés semblent apporter une vraie valeur ajoutée dans la prise en charge des patients âgés en cancérologie. La prise en charge oncogériatrique pourrait être optimisée par la coordination d’intervenants multidisciplinaires sous la forme d’hôpitaux de jour.

 Rédigé par Manon MAUMUS & Caroline STREICHER

D’après Maumus M, et al. Patients âgés et anticancéreux injectables : étude de faisabilité de la mise en place d’entretiens pharmaceutiques d’oncogériatrie dans un centre hospitalier. Bulletin du Cancer. 2024 Sep;111(9):861-869. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2024.03.001

Impact du transport par drone sur la stabilité des anticorps monoclonaux pour le transport inter-établissement hospitalier

Question évaluée : La mise à disposition des médicaments anticancéreux entre différents hôpitaux est un défi majeur pour le pharmacien hospitalier qui doit s’assurer de la stabilité physico-chimique des médicaments transportés. Le transport par drone permet d’améliorer les temps entre la production et la livraison du médicament en limitant l’impact des limites des transports conventionnels. Le principe de cette étude menée par une équipe néerlandaise était d’évaluer l’influence du transport par drone sur la stabilité de flacons et de poches diluées d’anticorps monoclonaux.

 Type d’étude : Étude de stabilité physico-chimique

Méthode :

  • Caractérisation du transport par drone : type de drone, circuit emprunté, altitude, vitesse, accélération, distance parcourue.
  • Analyse de la stabilité physique :
    • Analyse de l’agrégation des anticorps par chromatographie d’exclusion de taille couplée à la spectrométrie de masse.
    • Analyse des particules par :
      • Inspection visuelle,
      • Blocage de la lumière,
      • Micro-flow imaging (MFI),
      • Dynamic Light Scattering (DLS),
      • Nanoparticle Tracking Analysis.

Trois conditions ont été imposées aux échantillons :

  • Contrôle négatif : anticorps dilués et flacons transportés en voiture (référence) + poches diluées et flacons non transportés, 2 poches de NaCl 0,9%.
  • Contrôle positif : stress thermique (1h, 500 rpm, 21°C)
  • Test : anticorps dilué après transport par drône.

Trois anticorps monoclonaux ont été testés : Blinatumomab (préparation très diluée), tocilizumab (besoin en urgence possible), daratumumab (administration à domicile envisageable).

Résultats : Comparaison Contrôle vs Tests : absence de différences significatives entre le contrôle et les poches/flacons testés, quelles que soient les conditions testées et les tests utilisés.

Points forts :

  • Étude originale, justification des anticorps étudiés,
  • Concentrations étudiées en cohérence avec les concentrations utilisées en pratique clinique,
  • Association de méthodes.

 Points faibles :

  • Étude monocentrique, mono-condition,
  • Étude de la stabilité physique uniquement,
  • Trajet en drone ne représente par le trajet réel des poches entre les hôpitaux,
  • Absence de t0, échelles des figures non adaptées, écart type importants,
  • Absence de tripliqué pour les poches/vials contrôles (n=1),
  • Absence de seuil de risque alpha, absence de p-value,
  • Pas de contrôle de la température dans le drone,
  • Pas de retrait de l’air dans les poches (source potentielle de dégradation),
  • Contrôle positif non présenté réalisé à température fixe,
  • Étude contenant/contenu nécessaire ?

Conclusion/Implications en pratique :

  • Absence d’impact du transport par drone pour les trois médicaments évalués,
  • Biais méthodologique nombreux nécessitant d’approfondir l’impact de ce mode de transport sur la stabilité des anticorps,
  • Évaluation des risques liés à ce mode de transport nécessaire

 Rédigé par Baptiste FULBERT

D’après Muhammed H, et al. Investigating the Impact of Drone Transport on the Stability of Monoclonal Antibodies for Inter-Hospital Transportation. Journal of Pharmaceutical Sciences, 2024; 7: 1816-1822. https://doi.org/10.1016/j.xphs.2024.04.002

 

 

Pertinence clinique d’une interaction impliquant l’association trifluridine/tipiracil et les transporteurs OCT2/MATE1

Question évaluée : L’association trifluridine/tipiracil est utilisée dans le traitement du cancer colorectal métastatique en monothérapie ou en association au bevacizumab. Cette association ne subit pas de métabolisme de phase 1 mais des études in vitro ont montré que tipiracil est substrat et inhibiteur du transporteur organique cationique OCT2 (au niveau proximal de la membrane basolatérale des tubules rénaux) et de la protéine d’efflux Multidrug and toxin extrusion protein MATE1 (au niveau de la bordure en brosse de ces mêmes cellules). La metformine est connue comme substrat OCT2/MATE1 et la cimétidine comme inhibiteur du couple OCT2/MATE1. L’équipe d’Erasmus aux Pays-Bas a souhaité étudier la pertinence clinique de ces interactions chez des sujets atteints d’un cancer colorectal métastatique.

 Type d’étude : Etude de pharmacocinétique clinique en trois phases

Méthode : Les patients inclus prenaient l’association trifluridine/tipiracile pendant 5 jours sur 7 (deux semaines sur 4) conformément à l’autorisation de mise sur le marché, avec une première série de prélèvements plasmatiques au jour 5. Lors de la reprise du traitement de J8 à J12 les patients consommaient en parallèle de la metformine 500 mg deux fois par jour du J8 au J14, avec prélèvements plasmatiques à J12 (trifluridine/tipiracil) et à J14 (metformine). Enfin, les patients prenaient à nouveau trifluridine/tipiracil de J1 à J5 avec prise concomitante de cimétidine 400 mg deux fois par jour et dernière série de prélèvements plasmatiques à J5. La survenue de effets indésirables était collectée et analysée comme critère de jugement de la pertinence clinique d’une éventuelle interaction médicamenteuse.

Résultats : Dix-huit patients ont été inclus. Il y avait une augmentation de l’exposition (moyenne géométrique de l’AUC) à trifluridine/tipiracil en association avec la cimétidine (+18% 97,5%IC[4,5-33,3] ; p<0,004). Aucune autre modification statistiquement significative n’a été retrouvée, qu’il s’agisse des autres paramètres trifluridine/tipiracil (Cmax et Tmax) ou de la concentration à l’équilibre mesurée de metformine (Css). La survenue d’effets indésirables n’était pas en faveur d’une pertinence clinique de l’inhibition du transport d trifluridine/tipiracil par la cimétidine.

Points forts : étude de pharmacocinétique clinque permettant d’apporter une réponse pratique à une question mettant en jeu les transporteurs, thématique beaucoup moins étudiée que pour les réactions de phase 1. Compte-tenu du fait que la cimétidine est le plus puissant inhibiteur connu du couple OCT2/MATE1, une interaction médicamenteuse par inhibition pour trifluridine/tipiracil n’est pas attendu en pratique.

 Points faibles : Tous les patients avaient une fonction rénale supérieure à 90 mL/min. Les patients insuffisants rénaux de stade 2 ou 3 présentent respectivement une surexposition à trifluridine/tipiracil de 31% et 43%, et les résultats de l’étude ne peuvent donc pas être extrapolés à cette population. On reste également dans l’attente d’une meilleure connaissance de la pharmacogénétique des transporteurs OCT2 et MATE1 car c’est un facteur de variation intrinsèque potentiellement important.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude de pharmacocinétique clinique permet de confirmer l’absence de pertinence clinique de cette interaction, et d’éviter aux patients diabétiques (8-18% des patients en oncologie) de se voir proposer des adaptations posologiques ou arrêts de traitement par metformine sans que la balance bénéfice / risque le justifie. Compte-tenu de l’utilisation de plus en plus rare des antihistaminiques H2 comme la cimétidine, cette interaction était en pratique très probablement peu rencontrée, tout du moins en France.

 Rédigé par Florian SLIMANO

D’après Guchelaar NAD, et al. The OCT2/MATE1 Interaction Between Trifluridine, Metformin and Cimetidine: A Crossover Pharmacokinetic Study. Clin Pharmacokinet 2024. Publié en ligne le 28 juin 2024. https://doi.org/10.1007/s40262-024-01390-3

 

États des lieux de la pharmacotechnie oncologique en France en 2021

Question évaluée : état des lieux des unités de reconstitutions/préparations dédiées à l’oncologie : locaux, équipements, contrôles, flux de production et tendances.

 Type d’étude : enquête professionnelle en ligne adressée aux pharmacies des établissements de santé français le 15 septembre 2021

 Méthode : questionnaire à 50 items à renseigner sur l’ensemble du périmètre de la pharmacotechnie :

  • Type d’Activité
  • Organisation des salles de production
  • Équipements et organisation de la production
  • Équipements et organisation des contrôles
  • Système qualité
  • Projet à court/moyen terme
    • Robotisation
    • Certification ISO
    • Équipement contrôle
    • MTI
  • Etc…

 Résultats :

  • L’Institut National du Cancer (INCa) a recensé 461 établissements autorisés pour la prise en charge du cancer en 2022. Au total 115 réponses obtenus sur l’ensemble du territoire national : 15 cliniques, 25 CHU, 51 CH, 19 ESPIC et 5 groupes hospitaliers ont répondu,
  • 1/3 des répondants a une activité forte avec plus de 30 000 préparations de chimiothérapies par an,
  • Parmi les répondants, 16 sont concernés par la gestion du circuit des MTI,
  • La production en dose standardisée est réalisée dans 25 établissements et surtout répandue chez les gros producteurs (> 30 000 préparations par an, n=17),
  • La recherche des contaminations chimiques reste un point à travailler sur le territoire. Moins de la moitié des établissements répondants ont des campagnes régulières de recherche des contaminations.

 Points forts : Cette enquête a permis de recueillir un nombre important de données exploitables concernant 115 établissements français de santé de typologie variée avec une bonne représentativité géographique. Elle montre une hétérogénéité importante des unités de production dans tous les domaines explorés. A travers cette description, chaque responsable d’unité de production de chimiothérapie peut comparer son organisation avec un panel représentatif

 Points faibles : Le choix a été fait de ne pas laisser de réponse à texte dans le questionnaire. Par conséquent il se peut que certaines réponses aient été omises par défaut de compréhension de la question

 Conclusion/Implications en pratique :

Cet état des lieux général des locaux, des équipements, de la sécurisation et des aspirations des pharmaciens responsables de production permet de mieux comprendre les problématiques et de pouvoir répondre au plus près aux attentes et interrogations des pharmaciens. Il présente également le dynamisme important de l’activités des unités de production avec 67 établissements qui ont déclaré avoir un projet de reconstruction de l’URC dans les 5 ans, 27 établissements avec un projet de développement d’une technique de contrôle et 32 avec un projet de dématérialisation. Au-delà de l’état des lieux que cette étude représente, les éléments de réponse vont permettre d’orienter les actions du groupe expert Pharmacotechnie de la SFPO.

Ce questionnaire sera envoyé de nouveau en 2024.

Rédigé par Nicolas CORMIER

D’après Nicolas Cormier, Catherine Devys & Romain Desmaris. Overwiew of compounding oncology pharmacy in France in 2021. Annales Pharmaceutiques Françaises 2024; 82(4):618-628. https://doi.org/10.1016/j.pharma.2024.02.004

Influence du transport par pneumatique sur la stabilité physico-chimique des anticorps monoclonaux

Question évaluée :

La mise à disposition des médicaments anticancéreux aux unités de soin peut faire appel à l’utilisation d’un système de transport pneumatique. Le pharmacien hospitalier a alors l’obligation de s’assurer de la stabilité physico-chimique des médicaments soumis à ce type de transport. Le principe de cette étude menée par une équipe française était d’évaluer l’influence du transport pneumatique sur la stabilité des poches d’anticorps monoclonaux à visée anticancéreuse préparés en unité centralisée de production des médicaments anticancéreux.

Type d’étude : Étude de stabilité physico-chimique

Méthodes :

  • Caractérisation du système pneumatique : localisation, type de cartouche utilisée, accélération,
  • Analyse de l’agrégation des anticorps par chromatographie d’exclusion de taille couplée à la spectrométrie de masse. Quantification des espèces de bas (fragments Fab- Fc,Fab) et de haut poids moléculaire (anticorps agrégés),
  • Analyse du Glycoprofil et des modifications post-traductionnelles par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse affectant en cas de modification la pharmacocinétique (ADME, biosimilarité, ADCC).
  • K- clipping/Oxydation/Pyro-Glu : élément de contrôle qualité de la structure, de la stabilité et de l’activité de l’anticorps,
  • Analyse des particules visibles et subvisibles par absorbance/comptage particulaire.

Trois conditions ont été imposées aux échantillons :

  • Contrôle négatif : anticorps non dilués dans un flacon verre,
  • Contrôle positif : stress thermique (20 jours à 50°C non dilués dans un flacon en verre),
  • Test : anticorps dilué après transport pneumatique.

Onze anticorps monoclonaux représentatifs de la classe ont été testés : atezolizumab, avelumab, bevacizumab, cetuximab, durvalumab ipilimumab, nivolumab, panitumumab, pembrolizumab, pertuzumab, trastuzumab.

Résultats :

Analyse de l’agrégation des anticorps par chromatographie d’exclusion sérique

  • Pour tous les anticorps, pureté de pic > 99,5 %,
  • Faibles taux d’espèces de bas et de haut poids moléculaire après un passage au STP,
  • Panitumumab et Bevacizumab : teneur + élevée en espèce de haut poids moléculaire (confirmé par la littérature)

Glyco-profile et modifications post-traductionnelles

  • Pour tous les anticorps, profil de glycosylation similaire après un passage au STP.

K-clipping / oxydation / pyroglutamate N-terminal (pyroGlu)

  • Rapport des chaines clippées similaire à la fois pour le test et le contrôle positif,
  • Modification oxydative dans la partie constante des anticorps observée pour le contrôle positif mais pas pour le test.
  • Aucune modification PyroGlu après passage au STP contrairement au stress thermique.

Analyse des particules visibles et subvisibles par absorbance/comptage particulaire

  • Absence de mousse visible (turbidité) confirmée par les mesures d’absorbances,
  • Nombre de particules subvisibles dans les normes de la pharmacopée européenne pour tous les anticorps monoclonaux.

Points forts :   

  • Analyse des principaux anticorps monoclonaux utilisés en pratique clinique = reflet fidèle des principaux anticorps préparés dans les établissements de santé,
  • Technique analytique choisie en fonction de l’objectif : HPLC/SEC/MS-MS plutôt que cartographie peptidique : plus rapide, mime d’avantage les conditions en pratique.

 Points faibles :

  • Absence d’évaluation des anticorps monoclonaux préparés en seringue,
  • Absence d’extrapolation complète à d’autres centres si les conditions pneumatiques diffèrent trop,
  • Étude nécessitant de nombreux moyens et donc difficilement reproductible pour répondre à la même question pour les autres anticorps monoclonaux, les anticorps monoclonaux conjugués ou bispécifiques notamment.

  Conclusion/Implications en pratique

  • Absence d’impact du transport pneumatique pour les onze médicaments évalués, y compris après 10 trajets,
  • Nécessité de retrait de l’air de la poche de solvant pour réduire l'interface air-liquide et minimiser les risques d'oxydation, ce qui peut constituer une modification des pratiques.

Rédigé par Baptiste FULBERT

D’après Coliat P, et al. Influence of pneumatic transportation on the stability of monoclonal antibodies. Scientific Report 2023;13(1):21875. https://doi.org/10.1038/s41598-023-49235-6

 

Matrice d’évaluation des risques liés à la prescription anticipée de médicaments anticancéreux injectables : retour d’expérience dans un centre européen de lutte contre le cancer

Question évaluée : La prescription d’anticancéreux injectables est une étape à risque pour les patients, mise en cause dans 50% des évènements indésirables évitables. Du fait de la croissance de l’activité ambulatoire d’administration d’anticancéreux injectables, la prescription anticipée, c’est-à-dire effectuée 48 à 24h avant administration, est de plus en plus démocratisée. Cette dernière permet notamment une préparation anticipée des traitements et donc un temps d’attente réduit pour les patients. Par définition, ces prescriptions peuvent donc être effectuées en l’absence des critères clinico-biologiques usuels, voire avant consultation médicale, non sans-risques.

Dans ce contexte, les auteurs de cette étude se sont intéressés aux risques associés à la prescription anticipée d’un hôpital de jour adulte oncologique, fort de vingt ans d’expérience dans cette pratique et accueillant plus de 100 patients/jour.

Type d’étude : Analyse de risque a priori.

Méthode : L'étude s'est déroulée de mai à octobre 2019. La méthode utilisée – the risk matrix approach (RMA) – s'inspire de l'Analyse des Modes de Défaillance, de leurs Effets et de leur Criticité (AMDEC). En premier lieu, un groupe de travail associant des pharmaciens, des médecins, des responsables qualité et gestion de risques, et des infirmières a été constitué. A l’issue de l’observation de deux sessions de prescription anticipée par un pharmacien, toutes les étapes du processus de prescription avancée ont ainsi été décrites. Pour chacune de ces étapes, des modes de défaillance potentiels (failure modes, FMs), leurs causes (C) et leurs conséquences (effects, E) ont été proposés. Un score de gravité (severity, S) a été attribué à tous les effets et une probabilité d'occurrence (O) à toutes les causes. Ces indicateurs S et O ont été utilisés pour construire une matrice de criticité brute (criticality index (CI) matrix). Enfin, l’évaluation de la maîtrise des risques (risk control, RC) de chaque défaillance a permis de construire une matrice de criticité résiduelle (residual criticality index (rCI) matrix).

Résultats : En considérant les 7 étapes inhérentes au processus de prescription anticipée à l'Institut Curie, un total de 14 modes de défaillance, 24 effets et 33 causes distinctes ont été répertoriés. Les combinaisons de ces derniers ont mis en évidence 61 situations à risques. L'étape « 4 - Vérification de la prescription » a généré le plus de modes de défaillance, c’est-à-dire un total de 10 (58%). Bien que la gravité des situations identifiées varie de « mineure » à « catastrophique », la gravité médiane a été classée comme « critique ». L’occurrence des situations allait de « très peu fréquente » à « très fréquente », avec une survenue médiane classée « occasionnelle ».

Parmi les 61 situations, 9 (15%) ont été classées comme présentant un indice de criticité brute « maximal », 18 (30%) comme présentant un indice de criticité brute « moyen » et 34 (55%) comme présentant un indice de criticité brute « négligeable ». La prise en compte des procédures de contrôle existants a permis de hiérarchiser les risques identifiés. En effet, seules 3 situations (5%) n'avaient pas de contrôles existants et la médiane des indices de criticité résiduelle a été classée « à surveiller ». Ainsi, trois situations (5%) ont été classées comme « nécessitant une intervention immédiate » ou « à traiter » (les absences d’ajustement de dose, les prescriptions multiples et les anomalies dans les données biologiques), 33 (54%) comme « nécessitant une surveillance » et 25 (41%) comme « acceptables ». Les étapes où des indices de criticité résiduelle maximal ont été trouvés sont les étapes « 3 - Vérification des données biologiques » et « 4 - Vérification de la prescription ».

En accord avec la littérature existante, il est rapporté dans cette étude que l’étape de vérification de la prescription représente 58% des modes de défaillance, 50% des situations avec un indice de criticité maximal et 67% des situations avec un indice de criticité résiduel "à traiter".

Points forts : Cette méthode d'analyse des risques a permis d'identifier de manières exhaustive les défaillances et les risques associés aux étapes de prescription anticipée au sein d’un hôpital de jour oncologique à forte activité. Chacune des situations présentant des indices de criticité brute et ou résiduelle élevés sont décrites dans le détail dans le corps de l’article. La connaissance de ces situations critiques par les cliniciens et les pharmaciens permet de gérer les risques associés, d’améliorer la sécurité des patients lors de l'administration d'anticancéreux injectables et donc d’optimiser la qualité des soins.

Points faibles : Du fait de la méthodologie retenue (RMA), l'étude présente des limites liées à son évaluation en interne et donc un biais d’appréciation, bien qu'elle ait été réalisée au sein d'un groupe de travail pluridisciplinaire expérimenté dans la pratique évaluée. Les résultats de l’étude peuvent être difficilement transposables à d’autres structures, mais les auteurs y décrivent une méthodologie standardisée qui peut tout à fait inspirer d’autres équipes.

Conclusion/Implications en pratique : La prescription anticipée de médicaments anticancéreux injectables semble être une pratique sûre pour les patients lorsqu'elle est associée à une gestion des risques et à une vigilance des plus attentives au cours de la validation pharmaceutique.

Rédigé par Ornella Tangila Kayembe et Alexandre Acramel

Acramel A et al. Advanced prescription of injectable anticancer drugs: Safety assessment in a European Comprehensive Cancer Centre using the risk matrix approach. Br J Clin Pharmacol. 2024. doi: 10.1111/bcp.16020

Comparaison de la sécurité clinique entre l’administration standard et l’administration à intervalles prolongés d’inhibiteurs de checkpoints : une étude de cohorte rétrospective en vie réelle

Question évaluée : 

Le schéma posologique à intervalles prolongés (extended interval dosing, ED) des anti-PD-1 ou des anti-PD-L1 a récemment été approuvé sur la base des résultats provenant d'un modèle pharmacocinétique prédisant un profil de bénéfices et de risques comparable à celui du schéma posologique standard (standard dosing, SD). Cette étude vise à comparer l'incidence et les facteurs de risque des effets indésirables graves liés à l’immunité (immune-related adverse event, irAE) de tout grade entre les schémas d’administration ED ou SD chez les patients traités par immunothérapie.

Rappel schémas posologiques :

  • Standard (SD) : une dose fixe de 240 mg toutes les 2 semaines pour le nivolumab, 200 mg toutes les 3 semaines pour le pembrolizumab et 10 mg/kg toutes les 2 semaines pour le durvalumab.
  • Intervalles prolongés (ED) : une dose de 480 mg toutes les 4 semaines pour le nivolumab, de 400 mg toutes les 6 semaines pour le pembrolizumab, et de 1500 mg toutes les 4 semaines pour le durvalumab.

Type d’étude 

Étude de cohorte rétrospective en vie réelle réalisée sur une période de deux ans dans deux centres d’oncologie en France.

Méthode :

  • Collection des données rétrospectivement et indépendamment dans les deux centres à partir des dossiers médicaux entre le 1er janvier 2019 et le 30 juin 2021.
  • Inclusion des patients :
    • ≥ 18 ans : ayant débuté un traitement par nivolumab, pembrolizumab ou durvalumab entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2020, associé ou non à des chimiothérapies ou thérapies ciblées, pour toute indication en adjuvant ou métastatique.

Les inhibiteurs de checkpoint étaient administrés selon le schéma SD ou ED en fonction du patient et de la décision médicale.

  • Critère de jugement principal :
    • Incidence des irAEs ≥ grade 3 selon le Common Terminology Criteria for Adverse Events (CTCAE) v5.0.
  • Critères de jugement secondaires :
    • Incidence de tout irAE, les facteurs de risque des irAEs et la réponse oncologique lors du dernier suivi documenté.
  • Analyse statistique :
  • Modèle de régression de Cox avec des covariables dépendantes du temps (schéma posologique SD et/ou ED, survenue de irAE de bas grade pendant la phase SD). Ajustement sur un modèle multivarié optimisant le critère d'information Bayésien de Schwartz.

Résultats : 

Description de la population :

686 patients inclus :

  • 63% (n = 430) recevaient un SD
  • 14% (n = 95) recevaient un schéma ED
  • 23% (n = 161) recevaient un schéma SD puis sont passés à un schéma ED au cours du suivi

300 patients étaient traités par nivolumab, 351 par pembrolizumab et 35 par durvalumab.

Description des irAEs : 34,6 % (n = 237) des patients ont présenté au moins un irAE de tout grade et 11,4 % (n = 78) ont présenté au moins un irAE grave de grade ≥ 3.

  • Groupe schéma SD : 117 patients (27%) ont présenté un irAE avec 46 patients (11%) de grade ≥ 3
  • Groupe schéma ED : 46 patients (48%) ont présenté un irAE avec 10 patients (11%) de grade ≥ 3
  • Groupe schéma SD puis ED : 74 patients (46%) ont présenté un irAE avec 10 patients (6%) de grade ≥ 3

Médiane de survenue des irAEs : 100 jours (42-210 jours).

Analyse principale :

Aucune différence significative n'a été trouvée entre les schémas SD et ED concernant le risque de irAE de grade ≥3 (Hazard ratio ajusté (HR) 1,40 ; IC à 95% 0,71-2,76).

Analyse secondaire :

  • Cette analyse suggère un risque accru de irAE tous grades confondus avec le schéma ED par rapport au schéma SD (HR ajusté 1,46 ; IC à 95 % 1,00-2,12 ; p = 0,047).
  • Préexistence d'une maladie auto-immune augmente l’incidence de irAE de grade ≥ 3 (HR 2,55 ; IC à 95% 1,53-4,27).
  • Cancer du rein était associé à un risque plus élevé de irAE de grade 3 (Odds Ratio (OR) 5,46 ; IC à 95% 1,48-20,21).

Absence de différence significative :

  • Utilisation concomitante d’un traitement immunosuppresseur (HR 1,17 ; IC à 95% 0,49-2,79)
  • Utilisation concomitante d’une chimiothérapie ou d’une thérapie ciblée (ITK, anti-BRAF ou anti-MAPK)
  • Utilisation concomitante de la radiothérapie (p = 0,47)

Effet protecteur de la survenue de irAE de grade ≥ 3 sur la probabilité de progression (OR = 0,43 ; IC à 95% 0,25-0,75).

Schémas ED et SD-ED également associés à une diminution de la probabilité de progression (respectivement OR = 0,41 ; IC à 95% 0,22-0,77 et OR = 0,15 ; IC à 95% 0,10- 0,25).

Points forts :

  • Exhaustivité des données collectées sur une période de 2 ans
  • Étude la plus importante à ce jour pour évaluer l'incidence des irAEs avec les inhibiteurs de checkpoint immunitaire entre les deux schémas posologiques ED et SD
  • N’étaient inclus que les patients nouvellement mis sous inhibiteurs de checkpoint (utilisateurs incidents) limitant ainsi les biais de sélection
  • Cette étude montre une incidence accrue de irAE en cas d'antécédents de pathologies auto-immunes, confirmant le fait qu’il s’agit d’un facteur de risque pour ces effets indésirables

Points faibles :

  • Les centres de cette étude sont tous les 2 à Montpellier : nécessité d’une validation externe pour généraliser les résultats obtenus
  • Les données sont exclusivement basées sur les dossiers médicaux : limite l'analyse aux informations enregistrées dans les dossiers (limitation des irAEs grade 1 et 2)
  • Absence de résultats individuels pour chaque inhibiteur de checkpoint étudié
  • Collecte des données effectuée par un professionnel de santé pour chaque centre sans validation croisée : risque de biais de classement des irAEs

Conclusion/Implications en pratique :

Les résultats de cette étude n’ont pas mis en évidence de risque accru de irAE grave en fonction du schéma posologique mis en place. D’avantage d’études sont nécessaires pour confirmer l’efficacité entre les deux schémas. Les équipes peuvent choisir en toute sécurité le schéma posologique approprié en fonction du profil du patient (état général, stade de la maladie, antécédents médicaux (auto-immunité)).

Rédigé par Marie-Charlotte Renaux Torres, Gaëlle Baroux, Clément Carbasse & Guillaume Sicard pour la Commission Junior de la SFPO

D'après J.Colard-Thomas et al. Comparison of clinical safety between standard versus extended interval dosing of immune checkpoint inhibitors: a real-world retrospective cohort study. ESMO Open 2023. doi: 10.1016/j.esmoop.2023.102070.

 

Plateforme Pharmacie Clinique

5-fluorouracile, capecitabine : dosage de l’uracilemie obligatoire avant tout traitement par des fluoropyrimidines

Depuis le printemps 2019, la recherche d'un déficit en dihydropyrimidine déshydrogénase (DPD) est obligatoire avant toute initiation d'un traitement anticancéreux par 5-fluorouracile ou capécitabine. En France, la recherche de ce déficit passe par le dosage de l'uracilémie (phénotypage).

Depuis 2020, aucun cas « évitable » de décès ou de mise en jeu du pronostic vital n’a été identifié chez des patients traités par une fluoropyrimidine et non dépistés pour le déficit en DPD. Une augmentation importante du nombre de tests de dépistage a également été observée, passant d’environ 6 500 tests annuels avant février 2018 à 65 000 en 2022. Les résultats de ce rapport portant sur l’année 2022 montrent que les données de pharmacovigilance issues de la notification spontanée sont rassurantes sur le rôle du dépistage systématique du déficit en DPD dans la prévention des effets indésirables toxiques des fluoropyrimidines.

Néanmoins des informations issues de travaux de recherche et de données de l’Assurance Maladie, suggèrent une application insuffisante des conditions de prescription et de délivrance. Aussi, la direction Générale de la Santé (DGS) a souhaité rappeler l'ensemble des obligations règlementaires en vigueur depuis 2019, à l'attention des médecins prescripteurs mais également des pharmaciens. Il est rappelé que ces derniers ne doivent en aucun cas dispenser (avec ou sans préparation) les fluoropyrimidines sans avoir connaissance d'un éventuel déficit en DPD.

DGS urgent

Note sur le site de l'Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de santé (ANSM)

 

6ème Journée de Pharmacie Clinique en Oncologie : révolution ou évolution du rôle de pharmacien clinicien et de son environnement ?

La 6ème journée dédiée à la Pharmacie Clinique en Oncologie aura lieu le vendredi 1 décembre 2023 à l’amphithéâtre de la Caisse d’Épargne de la Tour Incity à Lyon avec le soutien de la Société Française de Pharmacie Oncologique (SFPO), de la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC), de l'Association Nationale des Enseignants de Pharmacie Clinique (ANEPC) et de l'URPS Pharmaciens Auvergne-Rhône-Alpes.

Cette année, le thème sera "Révolution ou évolution du rôle de pharmacien clinicien et de son environnement ?"

A cette occasion, un appel à communication est organisé et les candidats peuvent soumettre leur résumé sur le site de l'évènement jusqu'au 6 novembre au plus tard.

Retrouvez l'ensemble du programme de cette Journée sur le site de l'évènement ou directement sur ce lien.

Lien vers le site internet

15ème congrès national des Soins Oncologiques de Support

Cette année l’Association Francophone des Soins Oncologiques de Support (AFSOS) revient avec une édition spéciale anniversaire. Cette 15ème édition se déroulera les 11, 12 et 13 octobre 2023 dans un format hybride (présentiel et virtuel) à Lille Grand Palais.

Nouveau cette année : au programme 3 temps forts ! Mercredi 11 octobre se déroulera en présentiel la 13ème journée annuelle de restitution des référentiels de l’AFSOS (JR-SOS), suivie de la conférence Grand Public destinée aux associations de patients, aux patients et à leurs proches.  S’ouvrira ensuite le congrès de l’AFSOS, jeudi 12 et vendredi 13 octobre en présentiel avec la possibilité de le suivre également à distance. Cette année les innovations thérapeutiques sont mises en lumière ! Plus de 600 professionnels mais aussi des associations et des partenaires issus de la cancérologie se rassembleront pour échanger sur les actualités en soins oncologiques de support.

Il y aura cette année une session commune AFSOS-SFPO le jeudi 12 octobre après-midi : "approches complémentaires validées dans les soins de support"

Plus d'infos sur le congrès de l'AFSOS et les modalités de participation.

19èmes Journées du Groupe de Pharmacologie Clinique Oncologique (GPCO)

 

Les 19èmes Journées du Groupe de Pharmacologie Clinique Oncologique (GPCO) se dérouleront du 16 au 17 novembre à Strasbourg.

Durant ces 2 journées, des orateurs de renommée internationale viendront présenter les dernières nouveautés dans le domaine de la pharmacologique clinique des tumeurs solides, mais aussi des hémopathies malignes. De nombreuses thématiques seront abordées autour de la révolution des CAR-T Cells, des immunothérapies, des anticorps conjugués, de la nanomédecine et bien d’autres encore. 

Programme et inscriptions

 

 

NEOFORDEX (dexamethasone) 40 mg : fin de la barre de sécabilité ! (à partir du mois de mai 2023)

En juin 2022, le Comité de Pharmacovigilance et d’évaluation des Risques des médicaments (PRAC) de l’Agence Européenne du Médicament (EMA) a décidé l'arrêt de commercialisation des comprimés de dexaméthasone 40 mg dans leurs formes sécables (NEOFORDEX®) des laboratoires Cell Therapies Research & Services (CTRS). Cette décision a été motivée du fait d'une stabilité pharmaceutique incertaine, après cassure, de la moitié de comprimé non-consommée et de sensibilité à l’humidité (la moitié restante devant être systématiquement et immédiatement éliminée).

Continuer la lecture de « NEOFORDEX (dexamethasone) 40 mg : fin de la barre de sécabilité ! (à partir du mois de mai 2023) »

Dossier du CNHIM 2023 XLIV, 1 – Chimio-embolisation des carcinomes hépatocellulaires

Le dernier dossier du CNHIM traite de la chimio-embolisation des carcinomes hépatocellulaires. La Chimio-embolisation (CHE) fait partie des stratégies thérapeutiques du carcinome hépato-cellulaire (CHC). Ces dernières années, il y a eu beaucoup d’évolution dans la prise en charge de cette tumeur, et malgré l’avènement de nouvelles thérapeutiques comme l’immunothérapie et la radio-embolisation, la CHE demeure le traitement de référence du CHC de stade intermédiaire BCLC B. Actuellement, il existe deux types de CHE : une technique qui utilise le lipiodol comme vecteur du cytotoxique (CHE lipiodolée ou C-TACE) et une autre technique qui fait appel à des des microparticules chargées ou DEB-TACE qui utilise des billes chargées au cytotoxique. Chacune de ces méthodes présente des avantages, mais aucune technique n’a montré significativement sa supériorité sur l’autre.

Ce Dossier du CNHIM propose une revue sur un plan pharmacologique, de ces deux grands types de CHE, ainsi que les médicaments essentiellement utilisés en France.

Il a été rédigé par une équipe du CHU de Dijon, coordonnée par le Pr Mathieu Boulin.

Arrêté du 21 février 2023 relatif au renouvellement et à l’adaptation des prescriptions par les pharmaciens exerçant en PUI

Cet arrêté était attendu par toute la profession, et devrait faire bouger les lignes, mais lesquelles ? En pratique, les pharmaciens hospitaliers (exerçant en PUI) pourraient donc mettre en œuvre des renouvellements et adaptation de prescriptions sous protocole institutionnel.

Lire l'arrêté

Le modèle-type de protocole local a été publié sur le site du Ministère de la Santé et de la Prévention.

Stabilité d’une solution de Cabazitaxel zentiva après ouverture et en solution diluée.

 

 

Le cabazitaxel est un antinéoplasique, indiqué, en association avec la prednisone ou la prednisolone, pour le traitement des patients adultes atteints de cancer de la prostate résistant à la castration précédemment traité par du docétaxel.
L'objective de cette étude est d'évalué la stabilité du générique du laboratoire Zentiva, après ouverture et diluée dans trois types de poches pour perfusions, Nacl 0.9% ou G5%, entre 0.1 et 0.26mg/ml, dans deux condition de conservations (2-8°C, 25°C).

Au final, la solution de Cabazitaxel Zentiva® diluée à 0,1 et 0,26 mg/mL dans du NaCl 0,9% ou dans du G5% est physiquement et chimiquement stable pendant 28 jours à 2-8°C dans les poches de perfusion Freeflex® ou 25°C dans les poches de perfusion Viaflo® et Easyflex®, permettant une préparation à l'avance.

https://www.stabilis.org/Bibliographie.php?IdBiblio=4710

 

Etude de la stabilité d’un biosimilaire du Bevacizumab dans les flacons et après dilution dans du NaCl 0.9% en poche de polyoléfine

Le Bevacizumab a été commercialisé pour la première fois en 2005. Sa stabilité a été depuis largement étudiée.

L’arrivée des nombreux biosimilaires sur le marché a remis en question ces stabilités et l’organisation au sein des unités de reconstitution.

L'objectif de cette étude est d'étudier la stabilité du Bevacizumab biosimilaire Alymsys® commercialisé par le Laboratoire Zentiva en flacons prêts à l’emploi à une concentration de 25 mg/ml et après dilution pour des concentrations finales de 1,4 et 16,5 mg/mL et conservation dans des poches de polyoléfine à 4°C ainsi que dans les flacons après ouverture conservés à 4°C. En parallèle, a été
étudié l’impact d’une excursion de la température de conservation à 25°C pour les poches pendant 3 jours et pour une conservation du flacon avant ouverture à
température ambiante.

En conclusion, le Bevacizumab biosimilaire Zentiva peut être conservé en flacons à 25mg/ml après ouverture pendant 60 jours à 4°C, à l’abri de la lumière, ainsi qu’après dilution en conditions stériles dans du NaCl 0,9% en poches de polyoléfine aux concentrations usuelles de 1,4 et 16,5 mg/ml pendant 90 jours à +4 °C à l’abri de la lumière sans altération notable. L’excursion transitoire de température (3 jours à 25°C) pour les poches ne remet pas en cause non plus l’intégrité du Bevacizumab biosimilaire Zentiva. En ce qui concerne les flacons avant ouverture (à 25 mg/ml) ils
peuvent être conservés 15 jours à température ambiante, à l’abri de la lumière.

 

https://www.stabilis.org/FichesBiblio/4714.pdf

Stabilité d’une solution de Daratumumab SC en seringue

 

Chez les patients atteints de myélome multiple, la formulation sous-cutanée (SC) du daratumumab (DARZALEX® solution injectable à 1800 mg) est de plus en plus utilisée à la place de la forme IV en raison de problèmes de praticabilité (dose fixe, temps d'application court).  Ce n'est que récemment que le fabricant (Janssen-Cilag International NV) a spécifié la stabilité physicochimique du Daratumumab SC en seringues pendant 24 heures à 2-8 °C à l'abri de la lumière et 12 heures à température ambiante (15-25°C).
Le but de l'étude était de déterminer la stabilité physico-chimique à long terme de la solution injectable DARZALEX® 1800 mg prête à l'emploi dans différents types de seringues à différentes températures (2-8°C, 22+/-2°C) sur une période de 28 jours.

 

Au final, les préparations de daratumumab SC prêtes à l'emploi (solution injectable DARZALEX® 1800 mg) sont physico chimiquement stables dans des seringues (BD Plastipak 20 mL, B.Braun Perfusor® 50 mL) pendant au moins 28 jours lorsqu'elles sont conservées entre 2-8°C ou à température ambiante (22±2!C) à l'abri de la lumière. Pour des raisons microbiologiques, le stockage entre 2-8°C est recommandé.

https://www.stabilis.org/Bibliographie.php?IdBiblio=4711

Stabilité d’une suspension d’azacitidine 25mg/ml en seringue polypropylène

L'azacitidine est un analogue nucléosidique de la pyrimidine dont la stabilité dépend de la température. De nombreuses publications ont étudié la stabilité de ce médicament avec des résultats discordants . Le but de ce travail est d'étudier la stabilité de suspensions d'azacitidine dans différentes conditions pour
prévoir une préparation à l'avance. L'utilisation de spike ChemoClave® Spike a également été testé.

Au final, les suspensions d'azacitidine 25 mg/mL reconstituées
avec de l'EPPI réfrigéré étaient chimiquement stables :

  • 4 jours entre 2–8 °C quel que soit le stockage des flacons (2-8°Cou température ambiante),
  • 2 h à température ambiante.
    Un stockage des suspensions d'azacitidine 25 mg/mL dans des seringues préparées avec de l'EPPI à −20 °C a été validée jusqu'à 28 jours, permettant une préaparation à l'avance. L'utilisation de spike ChemClave a également été validé.

https://www.degruyter.com/journal/key/pthp/html#latestIssue

9ème Monaco Age Oncologie

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le 9ème Monaco Age Oncologie aura lieu les 23 et 24 mars 2023 au Monter-Carlo Congress Centre.

Ce congrès multidisciplinaire sera l’occasion de réunir en présentiel plus de 600 professionnels de santé souhaitant se rencontrer et échanger sur l’évolution et les progrès dans le domaine de l’oncogériatrie.

Programme, informations : Monaco Age Oncologie – MONACO (mao-monaco.org)

7èmes Journées Scientifiques Immunité et Cancer – JSIC

Nous avons le plaisir de vous annoncer que les 7èmes JSIC auront lieu les 30 et 31 Janvier 2023 en format hybride : une journée digitale et une journée présentielle au Palais des Congrès d'Issy-les- Moulinaux.

Ce congrès  sera l'occasion de réunir les professionnels de santé souhaitant échanger sur l'évolution et les progrès dans le domaine de l'immuno-Oncologie.

Programme, informations : www.jsic.fr

5ème Journée de Pharmacie Clinique en Oncologie : les innovations dans les parcours de soins oncologiques : accessibles à tous ?

La 5ème journée dédiée à la Pharmacie Clinique en Oncologie aura lieu le vendredi 2 décembre à l'Institut du Cancer Avignon-Provence Sainte Catherine avec le soutien de la Société Française de Pharmacie Oncologique (SFPO), de la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC) et de l'URPS Pharmaciens Provence-Alpes Côte d'Azur.

Cette année, le thème sera "Les innovations dans les parcours de soins oncologiques : accessibles à tous ?"

A cette occasion, un appel à communication est organisé et les candidats peuvent soumettre leur résumé sur le site de l'évènement jusqu'au 4 novembre au plus tard.

Retrouvez l'ensemble du programme de cette Journée sur le site de l'évènement ou directement sur ce lien.

Lien vers le site internet : www.jpco2022.fr

9ème Monaco Age Oncologie

Nous avons le plaisir de vous annoncer que le 9ème Monaco Age Oncologie aura lieu les 23 et 24 mars 2023 au Monter-Carlo Congress Centre.

Ce congrès multidisciplinaire sera l'occasion de réunir en présentiel plus de 600 professionnels de santé souhaitant échanger sur l'évolution et les progrès dans le domaine de l'oncogériatrie.

Programme, informations : Monaco Age Oncologie – MONACO (mao-monaco.org)

Formulation et stabilité d’une crème à base d’erlotinib.

Des études récentes ont mis en évidence le bénéfice de la réorientation d'un traitement par Erlotinib oral dans certaines maladies cutanées rares telles que le syndrome d'Olmsted. L'utilisation d'un traitement cutané topique d'Erlotinib au lieu des comprimés actuellement disponibles peut être intéressante pour traiter les troubles cutanés tout en réduisant les effets systémiques indésirables et l'exposition. Un procédé pour préparer une crème d'Erlotinib à 0,2% a été développé et la formulation a été optimisée pour améliorer la stabilité dans le temps. L'extraction de l'Erlotinib des comprimés était incomplète avec le Transcutol, alors que le diméthylsulfoxyde (DMSO) a permis une récupération à 100 %. Au cours des études préliminaires, l'Erlotinib s'est avéré sensible à l'oxydation et au pH acide en solution et lorsqu'il est ajouté à des crèmes sélectionnées (c'est-à-dire Excipial, Nourivan Antiox, Pentravan et Versatile). Les résultats ont également montré que l'utilisation de DMSO (5 % v/w), d'un pH neutre, ainsi que d'un agent topique contenant des substances antioxydantes (Nourivan Antiox) étaient des facteurs clés pour maintenir la concentration initiale d'Erlotinib. La formulation de crème proposée à pH neutre contient une quantité homogène d'Erlotinib et est stable pendant au moins 42 jours à température ambiante dans la crème Nourivan aux propriétés antioxydantes.

https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35164335/


Stabilité d’une suspension orale de Ruxolitinib

Le ruxolitinib, utilisé chez les enfants atteints de maladie aiguë du greffon contre l'hôte (GVH) réfractaire aux stéroïdes, est actuellement disponible dans le commerce uniquement sous forme de comprimés pour adultes. Pour la population pédiatrique, une suspension orale serait une formulation plus adaptée. L'objectif de cette étude était de développer des suspensions orales composées de ruxolitinib à 2 mg/mL en utilisant des comprimés commerciaux dans excipient liquide (Inorpha) et de mesurer sa stabilité à la fois à température ambiante et à 4°C. La stabilité chimique des suspensions contenant du ruxolitinib a été évaluée pendant 60 jours en fonction du pH, de la dégradation et de la teneur en médicament. La stabilité physique de la suspension médicamenteuse a été évaluée par l'aspect visuel et l'odeur. La concentration restante de ruxolitinib de la suspension était d'au moins 95 % de la concentration initiale après 60 jours aux deux températures. Le pH, la couleur et l'odeur des suspensions tout au long de l'étude sont restés inchangés au cours de l'étude.

Ruxolitinib in children with steroid‐refractory acute graft‐versus‐host disease: Aretrospective multicenter study of the pediatric group of SFGM‐TC - Laisne - 2020 - Pediatric Blood & Cancer - Wiley Online Library

Congrès de la Société Francophone d’Onco-Gériatrie : Joint Session avec la SFPO

Le prochain congrès de la Société Francophone d'Onco-Gériatrie aura lieu à Lyon les 22, 23 et 24 novembre 2022. A cette occasion est notamment programmée une Joint Session avec la SFPO dans l'esprit de la dynamique initiée et ayant pour thème "Optimisation thérapeutique de la patiente âgée atteinte de cancers"

Nous vous invitons par ailleurs à soumettre vos communications sur le thème de l'onco-gériatrie jusqu'au 18 septembre prochain.

Comptant sur votre présence à cet évènement !

Lien vers le site du congrès : https://www.congres-sofog.com/

Stabilité de l’Idarubicine à 4mg/ml en seringue polypropylène entre 2-8°C

L'idarubicine est un cytotoxique couramment utilisé en hématologie. En raison de ses propriétés lipophiles relatives, cette anthracycline est également utilisée dans la chimioembolisation transartérielle dans le cadre du traitement du carcinome hépatocellulaire. Cette chimioembolisation nécessite une réduction du volume injecté pour limiter la diffusion systémique et les effets secondaires. Le but de cette étude était de déterminer la stabilité d'une solution aqueuse concentrée d'idarubicine à 4mg/ml, conservée dans des seringues en polypropylène entre 2 °C et 8 °C.

Cette étude publié dans Journal of Pharmaceutical and Biomedical Analysis a démontré 7 jours de stabilité après stockage entre 2-8°C.  Cette conservation est suffisamment longue pour anticiper la préparation des médicaments et facilite l'organisation des zones de production.

Stability of a high-concentrated aqueous solution of idarubicin stored in a polypropylene syringe for transarterial chemoembolization - ScienceDirect

De nouvelles formations Oncoteach disponibles !

Psycho-oncologie, stabilité des médicaments, ou accompagnement des pharmaciens d'officine pour la conduite des entretiens anticancéreux : Oncoteach renforce son offre de formation et propose de nouvelles sessions et thématiques pour les prochaines semaines à destination des professionnels de santé.

Les programmes proposés sont tous validés par les pôles scientifiques et pédagogiques d'Oncoteach. Les concepteurs et intervenants sont choisis pour leur expertise et leur expérience de terrain dans le domaine de la pharmacie oncologique.

Le catalogue est disponible en ligne : Formations Oncoteach - Oncotask et toujours la possibilité de formation sur demande adaptée à vos besoins.

Prochaine Conférence Européenne de Pharmacie Oncologique : participez et soumettez vos travaux !

La 5ème édition de l’ECOP, organisée par la Société Européenne de Pharmacie Oncologique (ESOP) aura lieu du 30 juin au 2 juillet 2022 à Hambourg (Allemagne).

Cette cinquième édition sera l'occasion de réunir l'ensemble des pharmaciens européens et également des autres continent autour de la pharmacie oncologique. Le programme scientifique est riche, autour de problématiques diversifiées telles que la pharmacotechnie, l'automatisation, la stabilité des médicaments, les organisations hospitalières, la pharmacie clinique oncologique, les médicaments de thérapie innovante ou encore les thématiques cliniques et médico-économiques avec des leaders européens. Des sessions communes avec des sociétés savantes européennes sont prévues en pédiatrie, gériatrie, soins de support. De nombreux workshop dédiés plus particulièrement à la formation sont organisés.

Une large part du congrès est dédiée aux communications orales et affichées (posters et spotlights sessions) afin de mettre en lumière les travaux des jeunes collègues à travers le monde. L'appel à communication sera clôturé au 4 avril 2022.

L'ESOP est une société savante dont la SFPO est le représentant français. En tant que membres de la SFPO, vous êtes membres de droit de l'ESOP et bénéficiez, à ce titre, de frais d'inscription réduits.

En vous espérant très nombreux à ce rendez-vous incontournable de la pharmacie oncologique internationale ! 

Pour toute information complémentaire, vous pouvez contacter Christophe Bardin (christophe.bardin@aphp.fr), qui est responsable du comité scientifique pour cette édition.

Retrouvez également le programme ainsi que l'appel à communication.

DIU d’Onco-Pharmacologie

Sorbonne Université propose tous les ans un diplôme inter-universitaire d'Onco-Pharmacologie dédié à la pharmacologie des antitumoraux.

Les cours ont lieu pendant deux semaines sur le mois de mars, puis quatre séances de travaux dirigés + examen en mai.

Les objectifs de la formation sont disponibles en ligne. ainsi que le programme pour cette année.

Pour tout renseignement et inscriptions : keyvan.rezai@curie.fr

15ème Biennale Monégasque de Cancérologie

La 15ème édition de la Biennale Monégasque de Cancérologie se déroulera du  mercredi 26 au samedi 29 janvier 2022 au Grimaldi Forum de Monaco.

Sous la présidence scientifique du Professeur Xavier Pivot – Directeur Général de l'Institut de Cancérologie Strasbourg Europe – ce congrès multidisciplinaire sera l’occasion, pour l’une des premières fois depuis quelques mois, de réunir en présentiel plus de 1300 professionnels de santé souhaitant se rencontrer et échanger sur l’évolution et les progrès dans le domaine de la cancérologie.

A cette occasion, la SFPO parraine cet évènement marquant de la cancérologie francophone et participe activement à l'animation de sessions du congrès spécialement dédiées à la Pharmacie Oncologique.

Pour la cinquième fois consécutive, un Appel à Candidature est lancé pour récompenser- à travers le Prix Michel Hery - 3 jeunes chercheurs afin de leur apporter un soutien financier dans leurs recherches et travaux sur le sujet.

Vous pouvez encore vous inscrire sur le site de l'évènement www.biennalecancerologie.org et y retrouver l'ensemble du programme scientifique, également disponible directement ci-après : https://biennalecancerologie.org/2022/wp-content/uploads/2021/12/BMC2022_ProgPrelim_37Web.pdf

DU de Coordination en établissements et en réseaux en cancérologie

L’École doctorale des sciences du cancer, l'Université de Paris Saclay et Gustave Roussy propose à la rentrée un Diplôme d'Université de Coordination en établissements et en réseaux en cancérologie.

Les objectifs de la formation sont :

- de proposer aux professionnels de santé, voulant s’orienter vers une activité de coordination, la formation complémentaire nécessaire, tant au plan théorique que pratique.
- d'apporter des connaissances sur les acteurs et les organisations du système de santé français.

Plus d'informations

Améliorer le temps d’attente des patients en hôpital de jour de cancérologie : retour d’expérience d’un centre anticancéreux américain

Question évaluée : La majorité des patients reçoivent un traitement anticancéreux injectable en hôpital de jour (HDJ) de cancérologie. Ce type d’hospitalisation est bénéfique d’un point de vue économique et de qualité de vie, mais nécessite une organisation rigoureuse avec l’ensemble des acteurs pour limiter le temps d’attente des patients. Face à l’augmentation de leur activité, une équipe américaine a mis en place différentes solutions pour améliorer le temps d’attente des patients dans un centre anticancéreux du Nouveau-Mexique.

Type d’études : Étude prospective « avant-après » mise en place d’une intervention.

Méthodes :  Service de 40 chaises plus 12 lits pour l’accueil des patients. Les deux périodes d’observation étaient de 9 mois. Dans la phase pré-intervention, le fonctionnement de l’HDJ était conventionnel avec consultation médicale à l’arrivée du patient puis prise en charge à l’HDJ avec confirmation du OK chimio par l’infirmière auprès de la pharmacie en charge de la préparation des médicaments injectables. L’intervention était multiple avec :

  • Triage des patients prioritaires par l’infirmière pour le déclenchement des préparations,
  • Acheminement des préparations par un préparateur/magasinier au lieu du pharmacien responsable de la préparation des médicaments,
  • Les prémédications étaient mises à disposition des infirmières du service par un automate de dispensation,
  • Mise en place d’une messagerie sécurisée pour la résolution rapide de tout problème dans le circuit du patient/médicament (clarification, signature manquante, …)

L’objectif principal de l’étude était la réduction du temps d’attente de 30%, considéré comme le temps entre l’arrivée du patient à l’HDJ et le début de l’administration des prémédications. L’objectif secondaire était l’amélioration de la satisfaction des patients de 20%, à travers l’utilisation du Press Ganey Score.

Résultats :

  • Objectif principal : diminution du temps d’attente moyen des patients de 17,63 minutes (58,14 min avant / 40,51 min après intervention) soit -43,51%.
  • Objectif secondaire : satisfaction des patients s’est améliorée de 8,91 points (passant de 76,23 à 85,14% après intervention soit +11,69%).

Points forts :

  • La mise en place d’interventions multiples
  • Le recueil de la satisfaction des patients indépendamment du bénéfice sur le temps d’attente

Points faibles :

  • La mise en place d’interventions multiples est aussi une faiblesse car ne permet pas d’identifier le bénéfice de telle ou telle mesure. La transposition de cette étude ne peut se faire qu’en intégrant toutes les interventions,
  • Biais de confusion : le délai entre le début de la prémédication et de la première chimiothérapie n’a pas été pris en compte, alors même que le système de mise à disposition automatisé des prémédications crée un double circuit virtuel,
  • Bras contrôle historique,
  • Peu de détails sur la première expérimentation arrêtée en cours d’étude.

Conclusion/implications en pratique : Cette étude rapporte des propositions intéressantes d’amélioration du temps d’attente des patients comme l’implémentation d’une messagerie sécurisée instantanée, comme cela se développe aussi en France. En revanche, on peut s’interroger sur la proposition de remplacer le pharmacien en charge de l’acheminement des chimiothérapies injectables par un préparateur en pharmacie/magasinier.

Imman ABDELOUAHAB & Salma BENSLIMANE

D’après Hashemi-Sadraei N, et al.: Improving Outpatient Infusion Clinic Wait Times at a Comprehensive Cancer Center. JCO Oncol Practice 2021. Publication avancée en ligne le 17 juin. DOI: 10.1200/OP.21.00118

13ème Congrès de l’AFSOS

L’Association Francophone des Soins Oncologiques de Support (AFSOS) organise comme chaque année son congrès national. Cette 13ème édition se déroulera les 7 et 8 octobre 2021 dans un format alliant le présentiel au Palais Brongniart à Paris et le virtuel grâce à la retransmission live de certaines sessions. La SFPO parraine cet évènement national pour les soins oncologiques de support.

Le congrès national de l’AFSOS est le rendez-vous de référence de tous les professionnels impliqués en cancérologie qui veulent comprendre et échanger sur les pratiques d’aujourd’hui et de demain.

Vous trouverez en lien le programme du congrès.

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Interactions médicamenteuses des nouveaux inhibiteurs de tyrosine kinase utilisées dans le traitement de la leucémie aigüe myéloïde

Question évaluée : De nouveaux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) viennent compléter l’arsenal thérapeutique de la Leucémie Aigüe Myéloïde (LAM) au côté des régimes conventionnels de chimiothérapies anticancéreuses. Ces ITK sont associés à des interactions médicamenteuses (IAM) pouvant entrainer une toxicité importante ou une perte d’efficacité. L’objectif de cette revue conduite par une équipe espagnole est d’analyser la pertinence des interactions de 7 molécules utilisées dans le traitement des LAM : Venetoclax, Glasdegib, Midostaurine, Quizartinib, Gilterinib, Enasidenib et Ivosidenib.

Type d’étude : Revue systématique de la littérature.

Méthode : Recherche bibliographique dans des bases de données selon les recommandations (PRISMA) : Medline, Embase, Cochrane, Web of Science, DARE, ASCO, ASH, EHA.

Résultats :
• Venetoclax (inhibiteur de BCL-2) : métabolisé par le CYP3A4, sensible aux inducteurs et inhibiteurs puissants de cette enzyme. Cette molécule est inhibitrice des transporteurs P-gp et BCRP modifiant la cinétique de leurs substrats telle que la digoxine.
• Midostaurine (inhibiteur de multikinase, principalement FLT3 et KIT) : faible biodisponibilité (30%) car important effet de premier passage hépatique. La midostaurine est métabolisée par les CYP3A4 et est un inhibiteur faible de cette enzyme. Il s’agit d’un inhibiteur de transporteurs tels que la P-gp, BCRP et OATP suggérant un potentiel effet sur les substrat de ces transporteurs.
• Quizartinib (inhibiteur de FLT3) : métabolisme assuré par le CYP3A4 causant des interactions avec les inducteurs/inhibiteurs forts et modérés de cette enzyme. Cette molécule est également responsable d’un allongement de l’intervalle QT à l'électrocardiogramme d’autant plus si elle est associée à un autre médicament allongeant le QT et inhibiteur du CYP3A4.
• Gilteritinib (inhibiteur de FLT3) : métabolisé par le CYP3A4 sensible à la co-administration d’inducteurs puissants du CYP3A4. Le gilteritinib est également un inhibiteur puissant de transporteurs comme la P-gp, MATE1 et OCT2 générant des interactions avec leurs substrats.
• Enasidenib (inhibiteur de IDH2) : son métabolisme implique de nombreuses isoformes du CYP450 (1A2, 2B6, 2C9…) et UGT (1A1, 1A3…). Aucune interaction significative n’a été relevée lors de l’administration d’inhibiteurs ou inducteurs forts du CYP450. L’enasidenib est inhibiteur de l’UGT1A1, de la P-gp et de BCRP générant des interactions avec les substrats de ces transporteurs.
• Ivosidenib (inhibiteur de IDH1) : une réduction de dose est nécessaire lorsqu’il est administré avec un inhibiteur puissant du CYP3A4. L’ivosidenib est également inhibiteur de plusieurs CYP générant des interactions avec leurs substrats et des contre-indications avec ceux dont la marge thérapeutique est étroite.
• Glasdegib (inhibiteur de la voie Hedgehog) : métabolisé majoritairement par le CYP3A4. Cette molécule peut également provoquer un allongement de l’intervalle QT notamment en association à d’autres molécules allongeant le QT (d’autant plus si elle sont inhibitrices du CYP3A4).

Points forts :
- Vue d’ensemble des interactions documentées des ITK indiquées dans la LAM,
- Application aux IAM fréquemment retrouvées chez des patients atteints de LAM,
- Étude des interactions impliquant de nombreuses voies de métabolisme.

Points faibles :
- Manque d’informations selon l’âge ou les fonctions organiques (rénale et hépatique) des patients

Conclusion/Implications en pratique :
Cette revue de la littérature apporte des éléments d’aide à la décision dans l’analyse des interactions médicamenteuses des ITK indiqués dans la LAM.

Rédigé par Samy HOUARI

Megías-Vericat JE, Solana-Altabella A, Ballesta-López O, Martínez-Cuadrón D, Montesinos P. Drug-drug interactions of newly approved small molecule inhibitors for acute myeloid leukemia. Ann Hematol. 2020; 99(9): 1989-2007

Les antihistaminiques H2 n’apportent rien dans la prémédication des réactions d’hypersensibilité liés au paclitaxel

Question évaluée : Du fait du risque de réactions d’hypersensibilité (RHS) potentiellement graves durant l’administration de paclitaxel, le résumé des caractéristiques du produit (RCP) recommande une prémédication associant un corticoïde, un antihistaminique H1 et un antihistaminique H2 (ranitidine ou cimétidine). Le rationnel du recours aux anti-H2 émane des protocoles historiques de prévention des RHS lié aux produits de contraste et le rationnel pharmacologique est pour le moins controversé [1]. Une équipe néerlandaise a conduit une étude clinique afin d’apporter une réponse rigoureuse à la plus-value des anti-H2 dans la prévention des RHS au paclitaxel. L’objectif principal était l’incidence des RHS de grade ≥ 3 avec ou sans anti-H2 dans la prémédication.

Type d’étude : étude prospective monocentrique comparative non-randomisée

Méthode : Tous les patients ayant reçus entre 2 et 6 administrations de paclitaxel ont reçu la triple prémédication (entre octobre 2018 et avril 2019) ou la double prémédication sans anti-H2 (entre avril et décembre 2019). Les principales données recueillies étaient la localisation tumorale, l’antécédent de consommation d’antiallergiques et la survenue d’une RHS (tous grades ou ≥ 3)

Résultats : La population totale (n=366 patients) était majoritairement féminine (60,4%), avec des cancers de l’œsophage (42,1%), du sein (32,5%), du poumon (8,7%) et gynécologiques (7,9%). La moitié (n=183) a reçu une triple prémédication avec ranitidine, et l’autre moitié sans ranitidine (uniquement corticoïde et anti-H1). Les principaux résultats sont :

  • Incidence RHS grade ≥ 3 : 8 (4,4%) versus 3 (1,6%) dans le groupe avec et sans ranitidine, respectivement (réduction risque absolu 2,7% ; [IC90% -6,2 ;+0,1]),
  • Incidence RHS tous grades : 37 (20%) versus 22 (12%) dans le groupe avec et sans ranitidine, respectivement. La prémédication sans ranitidine apparaissait non-inférieure sur l’incidence des RHS tous grades (différence -8,2% ; IC95% [-15,0 ;-1,4] ; p=0,046),
  • En analyse multivariée, les patients respectivement de sexe masculin (p=0,042) et recevant une prémédication sans ranitidine (p=0,043) semblaient à risque moindre de RHS (tous grades),

Points forts :

  • Étude comparative prospective ayant inclus un nombre important de patients.

Points faibles :

  • Étude non-randomisées avec deux groupes suivis sur deux périodes différentes (mais proches)

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude confirme l'hypothèse formulée [1] et démontre l’inutilité a minima des anti-H2 dans la prémédication du paclitaxel. Les auteurs suggèrent le retrait des anti-H2 de tous les protocoles de prémédication du paclitaxel et appellent de leurs vœux la suppression de la mention dans les RCP du paclitaxel. Au-delà du bénéfice thérapeutique de ce retrait (les anti-H2 sont également associés à la survenue de RHS, expliquant potentiellement les résultats), les auteurs rappellent par ailleurs que même si le cout unitaire des anti-H2 est très faible, leur administration systématique chez tous les patients recevant du paclitaxel constitue un montant non-négligeable.

Rédigé par Florian SLIMANO et Pierre COLIAT

D’après Cox JM, et coll. The added value of H2 antagonists in premedication regimens during paclitaxel treatment. Br J Cancer 2021. Publication avancée en ligne le 24 mars. DOI: 10.1038/s41416-021-01313-0

[1] Slimano F, Coliat P, Perrotin J.-M, et al. Is antihistaminergic H2 really usefull in prevention of hypersensitivity induced by paclitaxel? Support Care Cancer 2016; 24(11): 4475-4477.

Amélioration de la survie dans les cancers traités par ibrutinib à l’aide d’un programme de soins pharmaceutiques : une étude de cohorte observationnelle

Question évaluée : Les traitements par ibrutinib augmentent la survie des patients atteints d’hémopathies malignes à cellules B. Une importante part des arrêts de traitement ont montré être dus à des toxicités. Cette étude vise à évaluer l'impact d'un programme de soins pharmaceutiques sur l'efficacité et la tolérance de l'ibrutinib.

Type d’étude : Étude observationnelle, prospective et monocentrique.

Méthode : L’étude est menée dans un centre où les patients peuvent être intégré, sur décision de leur hématologue, dans un parcours de soins intensifié par rapport au parcours de soins courant. Ce parcours, appelé programme de soins pharmaceutiques (PCP), est mené par des pharmaciens cliniciens spécialisés en oncologie qui coordonnent les différents axes du programme : éducation des patients pour la gestion des toxicités, surveillance de l'observance, interventions pour réduire les interactions médicamenteuses et coordination du lien ville-hôpital. L’étude analyse l’ensemble des patients du centre ayant reçu de l’ibrutinib sur une période donnée. Les auteurs s’intéressent à des critères de tolérance, d’observance et de survie en comparant les patients ayant bénéficié de ce programme aux patients ayant reçu des soins courants.

Résultats : Entre février 2014 et mai 2017, l’étude a inclus 155 patients, dont 42 (27%) qui ont bénéficié du programme et 113 (73%) ayant eu un parcours de soins habituel. La survie sans progression à 30 mois était significativement supérieure dans le groupe programme (p = 0,002). L'effet du programme a été bénéfique en termes de survie globale (p = 0,004) ainsi que sur le temps à l'échec du traitement (p = 0,0005). Les événements indésirables de grade 3 ou plus sont survenus plus fréquemment chez les patients du groupe de soins habituels (15%) que dans le groupe programme (8%).

Figure 1. Comparaison des temps à l'échec du traitement. L'analyse de Kaplan-Meier montre la probabilité du délai avant échec dans le groupe PCP (Pharmaceutical Care Program) par rapport au groupe témoin. Le délai médian avant l'échec du traitement n'est pas atteint à 30 mois dans le groupe PCP par rapport à un délai médian de 27 mois dans le groupe contrôle. A 6 mois, 90% des patients du groupe PCP étaient toujours traités, contre 60% dans le groupe de soins habituels

Points forts :

L’étude s’intéresse à des indicateurs cliniques : survie sans progression, temps à l’échec du traitement, survie globale.

Points faibles :

  • Répartition non randomisée entre les groupes : nécessité d’appariement par un score de propension
  • Étude monocentrique

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude montre qu’un programme de soins pharmaceutiques fournit un environnement personnalisé pour le suivi ambulatoire et le contrôle des principaux risques associés aux agents anticancéreux oraux. L’utilisation d’indicateurs de survie habituellement utilisés dans les études interventionnelles de cancérologie montre qu’un impact d’une telle organisation peut être étudié et valorisé sous cet angle. La coordination du traitement par ibrutinib par les pharmaciens cliniciens entraîne dans cette étude monocentrique une amélioration significative de la survie et une meilleure tolérance que les soins habituels.

Rédigé par Jérémie ZERBIT

D’après Zerbit J, et coll.: Improved time to treatment failure and survival in ibrutinib-treated malignancies with a pharmaceutical care program: an observational cohort study. Ann Hematol 2020; 99(7): 1615-1625

Réduire le délai de mise à disposition des traitements anticancéreux injectables en hôpital de jour d’oncologie

Question évaluée : La prise en charge médicamenteuse des patients en hôpital de jour de cancérologie nécessite une organisation avec la pharmacie pour la préparation des médicaments. La réduction des délais d’attente justifie des expérimentations permettant de réduire le délai de mise à disposition des traitements d’une part, et de limiter les risques de saturation des capacités de production d’autre part. Une équipe américaine a évalué la mise en place d’un dispositif d’anticipation de la préparation des anticancéreux injectables sur le temps de mise à disposition

Type d’étude : Étude de type « avant-après » mise en place du dispositif.

Méthode : Étude conduite durant 10 mois. La figure ci-dessous a été créée à partir de l’article. Afin de minimiser les potentielles pertes financières, l’inclusion des spécialités au sein de l’étude a été réalisée sur la base des trois critères suivants : médicament à faible coût, fréquence d’utilisation élevée et stabilité physico-chimique compatible avec une péremption supérieure à 30 heures.

  • Période n°1: Observation de 4 mois puis pause de 2 mois,
  • Période n°2: Période de mise en place et d’évaluation du dispositif.
    • Celle-ci a été découpée en 2 phases successives de 2 mois chacune :
      • Phase I : anticipation de 4 médicaments seulement dans un premier temps, tous préparés manuellement avec un faible volume de préparation (n = 48),
      • Phase II : anticipation de 14 médicaments dont certains préparés avec un automate dédié, nombre plus important de médicaments (n=489).

Figure 1 : Schéma descriptif du design de l’étude

Lors des deux périodes étaient recueillis : nombre de préparations effectuées, délai de mise à disposition entre le « OK chimio » et l’arrivée du médicament dans le service. Lors des phases I et II, la validation pharmaceutique des prescriptions et la préparation des anticancéreux injectables s’effectuait la veille de la convocation du patient. Il y avait une vérification supplémentaire par le pharmacien au moment de la libération de la préparation le jour même par soucis de sécurité.

Résultats : Il y a eu une augmentation de la production globale des anticancéreux injectables entre les deux parcours, de 7 720 à 10 290, respectivement. Sur un total de n=686 préparations étudiées (n=48 en parcours n°1 et n= 489 en parcours n°2), n=537 ont été dispensé et administrées au patient et n=149 ont été jetées, soit une perte de 21,7%.

En matière de délai de mise à disposition :

  • diminution d’un délai médian de 45 à 24,2 minutes, soit une réduction de 46,2% (20,8 min) du temps médian pour les préparations anticipées,
  • diminution du temps médian de mise à disposition de 44 à 40 minutes pour les médicaments non-inclus dans le dispositif d’anticipation, soit une amélioration de 9,5% (4 min).
  • augmentation non-significative du pourcentage de préparations jetées, de 0,85% à 2,9%.

Points forts :

  • Malgré une augmentation du volume global de préparation entre les deux périodes, le dispositif a tout de même permis une amélioration du temps médian de mise à disposition.

Points faibles :

  • Pas de surcoût chiffré des pertes de médicaments non administrés et les moyens humains supplémentaires mis en place,
  • L’étude ne mentionne pas l’exhaustivité de l’anticipation pour les médicaments sélectionné et ne décrit pas la méthode (supposée) de sélection des préparations à anticiper,
  • Pas de mesure du délai d’attente global du patient depuis son admission, et jusqu’à sa sortie d’hospitalisation,
  • Le module informatique de gestion des préparations anticipées ne permettait pas le contrôle par les pharmaciens le jour même avec une charge supplémentaire de travail et un risque paradoxal d’allongement du temps de mise à disposition,

Conclusion/Implications en pratique :

Méthode intéressante mais assez classique d’anticipation des préparations avec un bénéfice mesuré en temps médian similaire aux expérimentations déjà publiées. Le vaste chantier de l’anticipation des préparations ou du OK chimio médical (deux systèmes non-exclusifs) mérite dorénavant des approches plus complexes qui pourraient notamment faire appel à l’intelligence artificielle. Une notion systématique de cout (relatif et absolu) semble également indispensable pour convaincre les directions hospitalières dans la mise en place de ces dispositifs.

Rédigé par Julien STEVENIN

D’après Blackmer J, et coll .: Leveraging advanced preparation of oncology medications: Decreasing turnaround-times in an outpatient infusion center. J Oncol Pharm Pract 2020. Publication avancée en ligne le 24 septembre. DOI: 10.1177/1078155220960222

Application de la méthode AMDEC aux préparations de chimiothérapies.

Question évaluée : Le principe de cette étude menée par une équipe espagnole était d’évaluer l’application de la méthode « AMDEC » (Analyse des Modes de Défaillance, de leurs effets et de leur Criticité) au circuit des préparations de chimiothérapies anticancéreuses. L’objectif était de permettre l’identification des étapes à risques d’erreur dans le circuit de préparation ainsi que le développement correctif de stratégies limitants ces erreurs.

Type d’étude : Etude d’analyse des risques a priori.

Méthode : L’étude a été menée sur 1070 lits d’un hôpital universitaire de Madrid. Il a été choisi d’appliquer la méthode AMDEC au processus de préparation des chimiothérapies. Une équipe multidisciplinaire a été constituée avec cinq pharmaciens hospitaliers, un infirmier et un consultant spécialisé dans l’analyse des risques. Le groupe de travail a établi une cartographie des risques en vue de leur classification selon leur criticité attendue (fréquence 1-4 x gravité 1-4).

En cas de score de criticité ≥ 8, une analyse des risques était conduite et chaque défaillance identifiée faisait finalement l’objet d’un plan d’action. L’ensemble des mesures prises a fait l’objet d’un suivi dans le temps.

Résultats : Neuf défaillances potentielles ont été identifiées, tout au long du processus de préparation (Table 2 de l’article).

Les mesures proposées étaient principalement basées sur la mise à jour des procédures opérationnelles permanentes, d’un système de contrôle par QR code et d’une balance pour les contrôles gravimétriques complémentaires. Enfin, l’addition d’un double contrôle visuel a permis de réduire les risques associés aux contrôles des solvants et volumes de PA.

Au total, le score additionné de criticité a été réduit de 52% après l’application de la méthode AMDEC et la mise en place des plans d’action.

Points forts :

  • Méthodologie d’analyse des risques a priori

Points faibles :

  • La réduction du score total de criticité est en deçà de ce qui est publié
  • QR code non présents sur tous les flacons de chimiothérapie.
  • L’étude a été soutenue par les laboratoires commercialisant le système gravimétrique, ce qui rend la discussion de l’article possiblement subjective

Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude donne un bon fil conducteur pour les équipes qui souhaiteraient déployer une démarche similaire.

Rédigé par Audrey DURAND et Ayman HASOUN-NAJAR.

D’après Pueyo-Lopez C, et al.: Healthcare failure mode and effect analysis in the chemotherapy preparation process. J Oncol Pharm Pract 2020. Publication avancée en ligne le 30 septembre. DOI: 10.1177/1078155220962189

Influence du lait de vache sur la résorption d’erlotinib : étude pharmacocinétique

L’erlotinib est un inhibiteur de tyrosine kinase indiqué entre autres dans le cancer bronchique non à petites cellules avec mutation de l’Epidermal Growth Factor Receptor (EGFR). La biodisponibilité de l’erlotinib est fortement dépendante du pH gastrique (résorption optimale pour un pH~1). De plus, le médicament étant fortement lipophile, sa résorption est augmentée si le traitement est pris avec un repas riche en graisses [1]. 

En dehors de l’utilisation d’eau, les boissons type cola [2] et jus d’orange ont été évaluées pour la prise du traitement mais posent un problème nutritionnel. Quelles sont les alternatives pour nos patients ? 

Question évaluée : Étude pharmacocinétique (PK) sur l’évaluation de l’absorption de l’erlotinib avec la prise de lait de vache +/- un inhibiteur de pompes à protons (IPP) (esomeprazole). 

Type d’étude : Étude pharmacocinétique clinique contrôlée, randomisée en cross-over réalisée à l’Erasmus MC cancer Institut (Rotterdam, Pays-Bas). 

Méthode :  

Répartition des patients en deux groupes : erlotinib et erlotinib + IPP. L’esomeprazole 40 mg était pris 3h avant la prise d’erlotinib (activité max). 

Design en deux phases : 

  • Prise erlotinib pendant 7 jours avec 250 mL d’eau ou lait de vache avec 3,9 % de graisses (taux le plus haut dans le commerce). La prise de traitement était fixée à 7 jours pour atteindre la concentration à l’équilibre,
  • Hospitalisation pendant 24h pour réaliser l’analyse PK,
  • A J8, switch de chaque groupe sur l’autre boisson de prise d’erlotinib (eau ou lait). Nouvelle journée de suivi PK à J14. 

L’objectif principal était de déterminer la différence relative entre l'aire sous la courbe (AUC) d'erlotinib avec du lait (AUClait) et de l'eau (AUCeau) pour un même patient. 

Résultats : L’AUC d’erlotinib ne change pas lors de la prise de lait de vache ou d’eau, probablement car le % de gras n’est pas assez important. Le lait diminue les variabilités inter-individuelles. En revanche, comme déjà étudié par avant, l’administration d’un IPP diminue l’absorption de l’erlotinib quel que soit le véhicule de prise d’erlotinib (diminution de l’AUC de 47 % et de la Cmax de 56 %. 

Pas de différence de toxicité observée dans les deux bras. 

Points forts :  

  • Étude pharmacocinétique randomisée. 
  • Absence de risque de surdosage avec l’utilisation de lait de vache. 
  • Confirmation de l’impact négatif des IPP (dont esomeprazole) sur l’absorption de l’erlotinib 

Points faibles :  

  • Il existe une grande variabilité interindividuelle dans chaque groupe, nécessitant d’autres études. L’utilisation du lait de vache malgré son caractère lipidique ne permet pas de palier à l’impact des IPP sur la résoprtion
  • Étude avec un petit échantillon (29 patients) et monocentrique.              

Conclusion/Implications en pratique :  

Le recours au lait de vache n’entraine pas d’interaction médicamenteuse. Il est donc possible de l’utiliser en toute sécurité pour la prise du traitement anticancéreux en alternative à l’eau. Ces données peuvent être mises en application dans nos pratiques quotidiennes dans le cadre du rôle important dans l’accompagnement des patients, via la conciliation médicamenteuse et les consultations de suivi conduites par les pharmaciens.

Rédigé par Clément CARBASSE 

D’après Veerman GDM et coll.: Influence of Cow’s Milk and Esomeprazole on the Absorption of Erlotinib: A Randmized, Crossover Pharmacokinetic Study in Lung Cancer Patients. Clin Pharmacokinet 2020. Publication avancée en ligne le 17 juin. DOI: 10.1007/s40262-020-00910-1

[1] Veerman GDM, et al. Clinical implications of food-drug interactions with small-molecule kinase inhibitors. Lancet Oncol. 2020;21(5):e265–79. 

[2] Influence du Coca-Cola sur l’absorption de l’erlotinib chez les patients avec un cancer bronchique non à petites cellules : https://sfpo.com/blog/2016/01/27/oncopharmactu-article-1/ 

Sécurité d’administration d’une perfusion de daratumumab en 90 minutes

Question évaluée : Le daratumumab est le premier anticorps monoclonal anti-CD38 bénéficiant de l’autorisation de mise sur le marché dans l’indication du myélome multiple réfractaire et/ou en rechute. Les réactions liées à la perfusion sont fréquentes durant la première et la deuxième perfusion. Les données recueillies des essais cliniques de phase III, indiquent une fréquence de réactions liées à la perfusion de 40 % lors de la première perfusion et 2 % pour la deuxième perfusion. A partir de la troisième perfusion, le risque devient inférieur à 4 %. D’après les recommandations en vigueur, la durée de perfusion à partir de la deuxième perfusion est de 210 minutes. L’objectif principal de cette étude est d’évaluer la tolérance d’un protocole d’administration rapide du daratumumab sur 90 minutes à partir de la troisième perfusion. L’objectif secondaire est de vérifier le bon usage du daratumumab au regard des recommandations du produit et du nouveau protocole d’administration.

Type d’étude : Etude observationnelle prospective monocentrique.

Méthode : Un protocole d’administration rapide du daratumumab en 90 minutes a été validé conjointement entre les hématologues et les pharmaciens à partir de la troisième perfusion. Le débit d’administration est de 200 mL/h durant les 30 premières minutes, puis en l’absence de réaction, augmentation à 400 mL/h jusqu’à la fin de la perfusion soit une durée de perfusion globale de 90 minutes pour un volume total de 500 mL. Tous les patients ayant bénéficié d’une perfusion rapide en 90 minutes entre le 1er avril 2019 et le 31 mai 2019 ont été inclus dans cette étude. Pour s’assurer de l’absence de réaction liée à la perfusion, les principaux paramètres pouvant faire évoquer une réaction ont été collectés pour chaque patient (tension artérielle, saturation en oxygène, température) avant la perfusion et toutes les 15 minutes jusqu’à 30 minutes après la fin de la perfusion. Les médicaments utilisés en prémédication ont également été relevés pour chaque perfusion réalisée.

Résultats : Un total de 25 patients ont reçu une perfusion de daratumumab selon le protocole d’administration rapide en 90 minutes, pour un total de 53 perfusions. Quatre patients ont présenté une réaction liée à la perfusion de grade 1 (n=2 hypertension artérielle de grade 1 et n=2 hypotension artérielle de grade 1) et cinq patients ont rapporté être fatigué dans les suites de la perfusion. Ces réactions étaient transitoires et la tension artérielle est revenue à la normale en moins de 15 minutes sans intervention. Concernant la prémédication, elle a été relevée comme conforme pour l’intégralité des patients inclus dans l’étude. Des comorbidités ont été relevées pour 10 patients dont 7 présentaient une hypertension artérielle et 3 une fibrillation auriculaire. Aucun des patients ne présentait de pathologie respiratoire.

Points forts :

  • Étude prospective sur des données en vie réelle
  • Peu de données dans la littérature sur l’administration du daratumumab selon un protocole de perfusion rapide

Points faibles :

  • Faible cohorte de patients inclus, résultats à confirmer sur un échantillon plus important

Conclusion/Implications en pratique : En l’absence de réactions liées à la perfusion de grade supérieur ou égal à 2 et en accord avec les résultats de tolérance et de bon usage obtenus dans notre étude, le protocole d’administration rapide en 90 minutes a été validé. La réduction de la durée de perfusion s’accompagne d’une diminution de l’attente des patients et d’un gain de temps infirmier nécessaire au monitoring estimé à 45 minutes. L’arrivée prochaine du daratumumab en administration sous cutanée devrait permettre une diminution supplémentaire du temps d’attente pour le patient ainsi que du temps infirmier permettant une amélioration de la qualité de vie et une diminution des coûts relatifs à l’hospitalisation.

Rédigé par Jeffrey LOMBARDI, Amélie CRANSAC et Pauline GUENEAU

D’après Lombardi et al.: Safety of ninety-minute daratumumab infusion. J Oncol Pharm Pract 2020. Publication avancée en ligne le 30 août. doi: 10.1177/1078155220951231.

Contamination externe des flacons d’anticancéreux provenant d’un fournisseur canadien

Question évaluée : Le but de cette étude est d'évaluer la contamination externe (CE) des flacons contenant des médicaments anticancéreux à l'occasion de leur réception par les pharmacies hospitalières.

Type d’étude : Étude transversale menée entre janvier et mars 2018.

Méthode : L’étude est menée dans quatre hôpitaux canadiens. Neuf références de médicaments anticancéreux, formes orales ou injectables, ont été étudiées : cyclophosphamide, docétaxel (DOC), 5-fluorouracile (5-FU), gemcitabine (GEM), ifosfamide (IFO), irinotécan, méthotrexate (MTX), paclitaxel et vinorelbine (VIN). Les échantillons étaient prélevés par le personnel de la pharmacie à l’aide de lingettes (6 x 8 cm)  humidifiées avec 1 mL de solution d'échantillonnage (10 % de méthanol et 90 % de 5 mmol/L d'acétate d'ammonium). Une seule lingette était utilisée pour cinq flacons de la même dose, du même lot et fabricant. Les extractions obtenues étaient analysées pour détection et quantification par chromatographie liquide ultra-performante couplée à un spectromètre de masse en tandem (UPLC-MS-MS) avec une colonne C18 Acquity UPLC HSS T3.

Résultats : Vingt-et-un prélèvements ont été effectués sur 105 flacons dont une majorité d’injectables (95 %). Une CE était détectée sur 71 % des échantillons (n = 15). La valeur la plus élevée de CE était sur les flacons de GEM à 292 ng. Aucun des échantillons n'était positif pour le DOC, le 5-FU, l'IFO et la VIN. Parmi les 21 prélèvements, 6 ont été réalisés directement sur des flacons avec un film plastique, dont 83 % étaient positifs (maximum 17 ng/flacon). La CE croisée avec d’autres anticancéreux a concerné 16 échantillons (76 %). La GEM et le MTX étaient les médicaments les plus fréquemment mesurées sur d'autres flacons d’anticancéreux.

Points forts :

  • Étude multicentrique analysant plus de 100 flacons.
  • Analyse à la fois de flacons nus et protégés par un film plastique.
  • Liste exhaustive des CE des formulations disponibles au Canada en 2018.

Points faibles :

  • Toutes les formulations n’étaient pas été disponibles pendant la période de l’étude.
  • Une seule lingette a été utilisée pour cinq flacons du même lot. La précision de la proportion d'échantillons contaminés aurait été plus fiable si une lingette par flacon avait été utilisée.
  • Les différences entre les types de flacons, d'emballages, ou la quantité de principe actif dans le flacon n’ont pas été prises en compte.

Conclusion/Implications en pratique : Dans cette étude, la majorité des lots échantillonnés était contaminée dès leur réception par les centres hospitaliers. Ces résultats confirment la nécessité d'exigence d'un haut niveau de protection du personnel, notamment pour les travailleurs de porter des gants lors de la réception et du déballage des anticancéreux. Le nettoyage des flacons qui sont reçus à la pharmacie hospitalière pourrait également contribuer à réduire cette CE avant leur stockage.

Rédigé par Antoine FAUCHERON

D'après Hilliquin D & Bussières J-F. External Contamination of Antineoplastic Drug Containers From a Canadian Wholesaler. J Oncol Pharm Pract 2020; 26(2): 423-427.

Considérations économiques dans l’optimisation de l’utilisation des immunothérapies anticancéreuses

Ce que l’on sait sur le sujet et ce que l’étude chercher à évaluer : Le nivolumab et le pembrolizumab ont largement amélioré le traitement et la survie des patients traités pour un mélanome de stade avancé. Récemment, ces deux immunothérapies ont reçu l'autorisation pour un schéma posologique à dose fixe à la place d'une dose poids. L'objectif de cette étude était d'évaluer le surcoût d'un schéma posologique à dose fixe dans un pays européen et d'explorer les conséquences de différents schémas à dose fixe sur ce surcoût.

Type d’étude : Étude d'impact budgétaire

Méthodologie : Tous les patients traités par nivolumab ou pembrolizumab pour un mélanome au  CHU de Reims entre 2015 et 2018 ont été inclus. Pour chaque patient, le poids et le nombre de cycles d'immunothérapie ont été collectés. Trois scénarios ont ensuite été testés : un schéma basé sur une dose poids, un schéma basé sur une dose fixe toutes les 2 ou 3 semaines et un schéma basé sur une dose fixe toutes les 4 ou 6 semaines selon le médicament. Le calcul des coûts a pris en compte le prix d'une hospitalisation de jour et le prix au milligramme en France.

Résultats : Au total, 37 patients traités par nivolumab et 128 patients traités par pembrolizumab ont été inclus avec un poids moyen de 71 kg et 75 kg  respectivement.

Avec 6 cycles en moyenne, les schémas à dose fixe de nivolumab toutes les 2 et 4 semaines entrainent respectivement un surcoût de 1678,32€ et 498,87€, en comparaison à un schéma avec une dose poids. Pour le pembrolizumab, avec 8 cycles en moyenne, les schémas à dose fixe toutes les 3 et 6 semaines entrainent respectivement un surcoût de 10 516€ et 8943,40€. Le tableau ci-après résume les surcouts selon la fréquence d'administration du nivolumab et du pembrolizumab :

Points forts :

  • Analyse d'impact budgétaire avec des données de vie réelles

Points faibles :

  • Étude rétrospective
  • Le coût de préparation du produit et les coûts liés au transport du patient ne sont pas pris en compte

Conclusion & Implications en pratique :

Le poids moyen des patients français dans l'étude est plus faible que le poids utilisé pour le calcul des doses fixes, ce qui entraine un surcoût par rapport aux schémas en mg/kg. Ce surcoût n'est pas compensé par la diminution de la fréquence d'administration. En revanche, l'espacement des administrations pourrait entrainer une amélioration de la qualité de vie des patients dont le coût devrait être évalué.  

Justine CLARENNE

D'après Clarenne J. et al. Economical simulations for the optimal use of anti-programmed cell death-1 in advanced melanoma patients: Report of a budget impact analysis. J Oncol Pharm Pract 2020. Publication avancée en ligne le 20 avril. DOI: 10.1177/1078155220918019

Évaluation de l’observance aux traitements anticancéreux oraux après la mise en place d’un programme d’adhérence thérapeutique pour les patients ambulatoires dans un CHU

Question évaluée : Les traitements anticancéreux oraux (TAO) permettent d’améliorer la qualité de vie des patients ambulatoires mais créent de nouvelles difficultés pour les patients et pour les praticiens, notamment en matière d’observance. Cette étude a évalué l’observance chez des patients ambulatoires après mise en place d’un programme d’adhérence thérapeutique mené par un pharmacien clinicien. Le but était d’augmenter leur observance de 30%.

Type d’étude : Étude avant/après, quasi-expérimentale.

Méthode : L’observance a été mesurée avant et après mise en place du programme à l’aide de l’indice de possession de médicament ou Medication Possession Ratio (MPR).  Le patient était considéré comme observant si son MPR était compris entre 80 et 120%. N=54 dossiers de patients ayant eu au moins 3 délivrances de TAO ont été sélectionnés de façon randomisée entre Avril 2013 et Septembre 2016 afin de déterminer le MPR avant intervention. Une analyse de cause à effet permettant d’identifier les obstacles à l’observance a été réalisée et a conduit à l’élaboration du programme d’adhésion thérapeutique. Celui-ci comprenait notamment la planification d’entretien pharmaceutique au cours des 3 premiers cycles permettant le suivi des effets indésirables et la gestion du traitement. Les patients ayant eu une prescription de TAO entre Octobre 2016 et Novembre 2017 ont tous été inclus dans l’étude prospective et ont bénéficié du programme d’adhésion thérapeutique. D’autres indicateurs ont été relevés : le nombre d’interventions, les visites aux urgences et le nombre d’hospitalisations.

Résultats : N=54 patients ont été inclus dans la phase rétrospective et n=52 patients au programme d’adhésion mis en place. L’observance a augmenté de 37 à 85% (p<0,0001) en 1 an. Huit obstacles potentiels à l'observance ont été identifiés : problèmes liés aux patients, contraintes financières, accès aux médicaments, transport, soutien des médecins, éducation, effets indésirables et services d’accompagnement. Un total de 655 interventions a été réalisé par un pharmacien. Le nombre de visites aux urgences menant à des hospitalisations est passé de 52 à 62 % au cours de la période d'étude.

Points forts :

Identification et gradation des obstacles à l’observance effectuées à la fois par les patients sous TAO et par les professionnels de santé.

Points faibles :

- Représentativité de la population : patients précaires, sous ou non assurés.

- Facteurs extérieurs non pris en compte dans le calcul du MPR (retards de prise en charge par l’assurance ou patients allant chercher leur traitement avant la date de début de cycle par exemple).

- Durée du suivi dans le groupe d'intervention plus courte que dans la phase rétrospective (visites aux urgences et nombre d’hospitalisations statistiquement non significatives).

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude démontre que la mise en place d’un programme d’adhésion thérapeutique aux TAO mené par un pharmacien clinicien, associé à des outils à faible coût (piluliers, calendriers de prise) peut avoir un impact significatif sur l’observance. Pour cela, il est important d’avoir une approche collaborative multidisciplinaire permettant d’identifier les obstacles à l’adhésion, variables en fonction du type de patients.

Rédigé par Edouard VANGHELUWE et Constance MAURATILLE

D'après Curry MA, et al.: Adherence to Oral Anticancer Medications After Implementation of an Ambulatory Adherence Program at a Large Urban Academic Hospital. JCO Oncol Practice 2020; 16(4): e350-e356

COVID-19 et pharmacie oncologique : la SFPO publie ses recommandations

Dans le cadre de la pandémie COVID-19, la Société Française de Pharmacie Oncologique (SFPO) publie des recommandations sur l'adaptation des activités de pharmacie oncologique : https://sfpo.com/wp-content/uploads/2020/04/Recommandations-SFPO-Pand%C3%A9mie-COVID.pdf

Ces recommandations ont été construites selon la méthodologie de la Haute Autorité de Santé (HAS) pour les recommandations de bonne pratique. Elles sont désormais publiées en langue anglaise dans le JCO Oncology Practice en accès libre (https://ascopubs.org/doi/full/10.1200/OP.20.00295) et référencées dans la rubrique "COVID-19 Provider & Practice Information" de l'American Society of Clinical Oncology (ASCO) : https://www.asco.org/asco-coronavirus-information/provider-practice-preparedness-covid-19 --> https://www.asco.org/sites/new-www.asco.org/files/content-files/2020-Pourray-OP.20.00295.pdf

La SFPO a par ailleurs rédigé un article collaboratif intitulé "Cancer, immune suppression and Coronavirus Disease-19 (COVID-19): Need to manage drug safety (French Society for Oncology Pharmacy [SFPO] guidelines)" qui est publié dans la revue Cancer Treatment Reviews : https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305737220301018?dgcid=author

De nouvelles données de stabilité pour les suspensions de témozolomide buvable !

Question évaluée : le témozolomide (TMZ) est un anticancéreux utilisé dans le traitement de tumeurs cérébrales chez l'adulte et l'enfant. Il n'existe pas de forme pharmaceutique adaptée aux patients ne pouvant pas avaler les gélules (notamment en pédiatrie). Une équipe de pharmaciens canadiens s'est proposé de réaliser une étude de stabilité de plusieurs formulations de témozolomide sous forme de suspension buvable.

Type d'étude : étude de stabilité

Méthode : une première série de préparations a été réalisée à différentes concentrations (Tableau 2) mais seules 3 formulations, à la concentration de 10 mg/mL, ont été sélectionné sur la base d'une étude de stabilité physique.

Les trois préparations sélectionnées (Tableau 3) ont été conditionnées dans un flacon en verre, en plastique (PET), en seringue pour administration orale (polypropylène). Elles étaient conservées à 4°C ou à température ambiante, à l’abri de la lumière. L'évaluation de la stabilité physique était basée sur l'aspect visuel et la mesure du pH. L'évaluation de la stabilité chimique était basée sur une méthode séparative par CLHP (longueur d'onde de détection 330 nm). La validation de la méthode impliquait :

  • Dégradation forcée réalisée
  • Répétabilité, reproductibilité
  • Spécificité : chromatogramme TMZ+Oral mix SF® et chromatogramme Oral mix SF® seul
  • Linéarité : gamme étalon 5 points
  • Critère de stabilité chimique : conservation de 90% de la concentration initiale

Résultats :

1/ Étude préliminaire : les concentrations testées de 20 et 15 mg/mL présentaient des changements de coloration pour les différentes conditions testées et sont donc non-recommandées. La concentration de 10 mg/mL, conservée à 20-25°C, présente une coloration orange foncé après 7 jours et est non-recommandée également. Conservée à 4°C, la solution de 10 mg/mL présente un léger changement de coloration après 56 jours. Formation de cristaux dans toutes les suspensions.

2/ Étude de stabilité physico-chimique des 3 suspensions buvables de TMZ à 10 mg/mL :

  • Validation de la méthode analytique :
    • Linéarité, spécificité, reproductibilité, répétabilité : OK
    • Capacité indicatrice de stabilité (avec dégradation forcée) : voir ci-après
  • Pas de nécessité de rajouter de l'acide citrique ou de la povidone K-30 (PK-30) car pH<5 et formation de cristaux malgré la présence de PK-30

Points forts : Publication bien rédigée, description de la méthode analytique, validation de la méthode réalisée. L'étude de stabilité chimique retrouve une concentration en TMZ > 90% de la concentration initiale

Points faibles :

  • sur la validation de la méthode analytique par dégradation forcée :
    • les produits de dégradation (PD) ne sont pas détectés à 330 nm, mais ce n’est pas logique de se mettre à 330 nm car cela veut dire qu’on ne détectera pas les PD lors de l’étude de stabilité,
    • les auteurs utilisent un détecteur DAD donc ils auraient pu se mettre à 330 nm pour quantifier le TMZ et à 326 nm pour détecter les PD,
    • de plus les pics de PD ne sont pas bien séparés par rapport au pic de TMZ (Figure ci-dessous). Dans l’idéal, il aurait fallu modifier la phase mobile (modification du pH, proportion, concentration),
    • les auteurs n’ont pas assez exploité le fait de pouvoir quantifier les PD à 326 nm ( par exemple, ça aurait été intéressant de quantifier les PD lors des changements de couleurs des suspensions).
  • Sur la présence des cristaux dans les suspensions :
    • les auteurs confirment que les cristaux présents dans la suspension sont du TMZ,
    • ils justifient le changement de couleur par une hydrolyse du TMZ en un produit de dégradation (5-(3-monomethyl-1-triazeno)imidazole-4-carboxamide ou MTIC),
    • après remise en suspension, le mélange est homogène.

Conclusion / implications en pratique : cette publication est acceptable et les données de stabilité à 4-8°C peuvent être utilisées en pratique car après agitation, la suspension est bien homogène et les suspensions à 10 mg/mL conservent >90% de la concentration initiale. Il n'est pas utile de conserver les données à température ambiante car le changement de couleur est trop important. L’ajout d’acide citrique et de povidone K-30 ne semble pas utile.

D'après Élise D'HUART

Lingertat-Walsh K et al.: Stability of extemporaneously compounded temozolomide 10 mg/mL suspensions in Oral Mix SFVR in glass and
plastic bottles and plastic syringes. J Oncol Pharm Pract 2020. Publication avancée en ligne le 30 mars. DOI: 10.1177/1078155220914349

Identifier des nouveaux facteurs prédictifs de neuropathie périphérique à l’oxaliplatine

Question évaluée : L’oxaliplatine est l’un des médicaments les plus utilisés dans le traitement des cancers digestifs. La principale toxicité limitante est la survenue de  neuropathies périphérique (NP), qui nécessite de réduire voire de suspendre l’utilisation du médicament et peut conduire à une perte de chance. Les facteurs prédictifs individuels de survenue de cet effet indésirable sont mal connus et la présente étude avait pour objectif principal d’identifier de nouveaux paramètres cliniques et biologiques qui pourraient être associés à l’apparition des NP.

Type d’étude : Étude rétrospective

Méthode :   

Les données de patients ayant reçu de l’oxaliplatine sur presque 3 années ont été recueillies et deux groupes ont été formés : patients ayant présenté des NP de grade 0-1 versus patients ayant présenté des NP de grade ≥2 (selon la classification du NCI-TCAE). Étaient collectées les données démographiques, le type de cancer, la période de traitement, les valeurs de l’ionogramme, bilan lipidique, valeurs sériques des vitamines B9, B12, vitamine D, CRP et la numération de la formule sanguine (les toxicités hématologiques associés à la chimiothérapie étaient caractérisées).

Résultats :

Parmi les patients atteints de NP de grade ≥2 (n=78 versus n=108 dans l’autre groupe) l’analyse univariée retrouvait un risque significatif en faveur du sexe féminin (p=0,02), d’un âge plus avancé (p<0,001) et d’un état général moins bon (p=0,007) avec une hémoglobinémie (et hématocrite) plus faible (p<0,001 dans les deux cas). Étaient également retrouvés des taux sériques de magnésium, d’albumine et de vitamine D plus faibles (respectivement p=0,035, p=0,001 et p<0,001) mais sans déficit. Les gamma-GT étaient significativement augmentés (<0,001). En analyse multivariée, seuls l’âge, la valeur des gamma-GT, l’hémoglobinémie et le taux sérique de vitamine D étaient significativement différents entre les deux groupes.

Points forts :

  • Analyse de nombreux paramètres avec analyse multivariée

Points faible :

  • Étude rétrospective
  • L’étude ne précise pas si elle est mono ou bicentrique !
  • Biais possible de l’analyse en fonction de la saison car étude menée dans un pays avec des températures moyennes potentiellement plus élevées que dans d’autres pays
  • La discussion mériterait d’être plus approfondie. Les différences de valeurs observées ne sont pas mises en perspective avec les valeurs normales.

Conclusion :

Cette étude liste des paramètres biologiques ou cliniques qui semblent prédictifs de l’atteinte neurologique liée à l’oxaliplatine. Les données innovantes sont finalement rares, c’est le cas des gamma-GT. Les données identifiées mériteraient de faire l’objet d’un score prédictif à évaluer dans des cohortes multicentriques et prospectives.

Nadia HAMOUI et Florian SLIMANO

D’après Yildirim & Cengiz: Predictive clinical factors of chronic peripheral neuropathy induced by oxaliplatin. Support Care Cancer 2020. Disponible en ligne le 23 janvier. DOI: 10.1007/s00520-020-05319-x

Évaluation de l’observance chez les personnes âgées atteintes de myélome multiple récemment diagnostiqué traitées par lénalidomide

Question évaluée : Le lénalidomide est l’une des thérapies orales les plus fréquemment utilisées dans le cadre du myélome multiple. Néanmoins, peu de données sur l’observance des patients sont disponibles. Cette étude a évalué l’observance chez les personnes âgées atteintes de myélome multiple récemment diagnostiqué traitées par lénalidomide.

Type d’étude : Étude rétrospective, données issues d’une base de données administrative américaine (SEER-Medicare Linked Database).

Méthode : L’observance a été mesurée à l’aide d’un calcul de « possession médicamenteuse » à partir des données de prescription : le Medication Possession Ratio (MPR).  Les patients de plus de 65 ans, ayant initié un traitement par lénalidomide dans les 60 jours suivant le diagnostic de myélome multiple, avec au moins 2 dispensations entre 2007 et 2013 ont été inclus. Un patient était considéré comme non observant lorsque son MPR était inférieur à 90 %.

Résultats : N=793 patients ont été inclus. L’âge médian était de 73 ans (65 à 95 ans). 43% de la population avait plus de 75 ans. Le MPR moyen était de 89,5 ± 9,3 % et 62 % des patients pouvaient être considérés comme observants (MPR ≥ 90 %). L’âge (OR 1,03 IC 95 % 1,00-1,05), la polymédication (OR 1,04 IC 95 % 1,01-1,08) et l’ethnie (OR 1,72 IC 95 % 1,08-2,73) étaient associés à une moins bonne observance dans l’analyse multivariée.

Points forts :

  • Effectif relativement important par rapport aux autres études publiées dans cette population
  • Focalisation sur les patients âgés récemment diagnostiqués

Points faibles :

  • Étude rétrospective
  • Représentativité de la population (base de données américaine couvrant environ 28 % de la population américaine)
  • Situation clinique non prise en compte dans le calcul du MPR (arrêts de traitement pour des causes médicales comme les hospitalisations, les toxicités par exemple)

Conclusion/Implications en pratique : Plus d'un tiers des patients âgés récemment diagnostiqués atteints de myélome multiple traités par lénalidomide ont été considérés comme ayant une mauvaise observance en utilisant le calcul du MPR. L’analyse des données cliniques associées serait intéressante pour affiner la mesure de l’observance lors de futures études. Ces résultats soulignent la nécessité de mieux comprendre les facteurs associés à une mauvaise observance permettant ainsi de concevoir des stratégies pour optimiser la prise en charge thérapeutique dans cette population. 

Rédigé par Julie JAMBON et Amélie CRANSAC

D’après Mian H, et al.: Adherence to Lenalidomide in Older Adults With Newly Diagnosed Multiple Myeloma. Clin Lymphoma Myeloma Leuk. 2020; 20(2): 98-104. DOI: 10.1016/j.clml.2019.09.618.

Développement et validation d’une méthode de quantification LC-MS/MS de quatorze médicaments anticancéreux dans des échantillons environnementaux

Question évaluée : Le risque d’exposition du personnel hospitalier est évaluable par la mesure du niveau de contamination de l’environnement de travail. L’objectif de ce travail était donc de développer et de valider un outil analytique permettant la quantification à l’état de trace de plusieurs médicaments anticancéreux communément utilisés à l’unité de préparation des anticancéreux (UPAC) de l’hôpital Saint-Louis (APHP).

Type d’étude : Développement et validation d’une méthode analytique.

Méthodes :

  • Équipement : chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (LC-MS/MS) ;
  • Utilisation d’écouvillons et application de la technique d’essuyage décrite par Chouquet et al. lors d’une étude transversale réalisée au sein du même laboratoire ;
  • Évaluation de la linéarité, de l’exactitude, de la précision, la limite de quantification, la spécificité, du rendement d’extraction, de l’effet matrice et de la stabilité des échantillons conformément aux recommandations internationales (ICH et FDA) ;
  • Application de la méthode à des prélèvements de surface dans l’unité de préparation des anticancéreux (5 surfaces de travail, 3 jours consécutifs).

Résultats : La méthode de quantification développée est linéaire, exacte, précise avec des limites de quantification allant de 0,5 à 5 ng/mL selon les analytes étudiés. La méthode de recueil des prélèvements est validée pour 14 analytes (5-fluorouracile, cytarabine, gemcitabine, dacarbazine, méthotrexate, pemetrexed, doxorubicine, épirubicine, ifosfamide, cyclophosphamide, irinotécan, étoposide, docétaxel et paclitaxel) avec un rendement d’extraction supérieur à 75%. Des prélèvements de surface ont pu être réalisé pour la première fois dans l’UPAC de l’hôpital Saint-Louis retrouvant des traces de cytotoxiques de l’ordre du picogramme.

Points forts :

  • La méthode analytique permet la quantification de 14 traceurs cytotoxiques à l’état de trace ;
  • Le manuscrit montre une organisation, une disposition linguistique et des références favorables ;
  • Toutes les données ont été analysées et interprétées ;
  • Application de la méthode de prélèvement et de quantification à des échantillons réels.

Points faibles : Le 5-FU est dosé selon un protocole distinct car détection en ionisation négative.

Conclusion/Implications en pratique : Cet outil peut être utilisé à des fins d’amélioration des pratiques au niveau de l’UPAC : réévaluation et optimisation des procédures de nettoyage, sécurisation du personnel, etc. Des études environnementales dans les services de soin où des médicaments anticancéreux sont manipulés peuvent également être envisagées, ainsi que des études inter-établissements.

Rédigé par Alexandre ACRAMEL, Thibaut CHOUQUET et Lauriane GOLDWIRT

D’après Acramel A, et al.: Developement and validation of a liquid chromatography tandem mass spectrometry quantification method for 14 cytotoxic drugs in environmental samples. Rapid Commun Mass Spectrom 2020; 34(4): e8594. DOI: 10.1002/rcp.8594

Tamoxifène et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine : quel risque cardiaque ?

Question évaluée : Le traitement adjuvant des cancers du sein hormono-dépendants par tamoxifène peut être à l’origine d’un allongement de l’espace QT à l’électrocardiogramme (ECG), possiblement à l'origine de torsades de pointe et de mort subite. La prévalence du co-traitement de ces patientes par des inhibiteurs sélectifs ou non de la recapture de la sérotonine (IRS), avec ou sans lien avec le traitement anticancéreux, est source d’interaction médicamenteuse. D’une part les ISRS (es-citalopram, fluoxétine, fluvoxamine et paroxétine)) et IRSNa (venlafaxine) peuvent eux-mêmes allonger l’espace QT. D’autre part, ils peuvent inhiber (via le 2D6) le métabolisme du tamoxifène et donc induire une surexposition à ce dernier. Des auteurs néerlandais ont étudié cette question à la recherche du niveau de pertinence de cette interaction médicamenteuse potentielle.

Type d’étude : Multicentrique, rétrospective et prospective mixte.

Méthode : Recueil des ECG de patients traités par tamoxifène +/- IRS concernés (exclusion des patients avec autres traitements qui allongent le QT). L’objectif principal était une différence entre l’espace QT corrigé (QTc) avec ou sans IRS, en prenant la définition d’un allongement QTc significatif lorsque > 470 ms (femme) ou 450 ms (homme). Les autres facteurs de risque connus (sexe féminin, âge avancé, hypokaliémie, bradycardie, …) étaient également recueillis.

Résultats : N=100 dossiers patientes étaient évaluables (n=50 avec IRS dont venlafaxine (30%) et paroxétine (20%)). L’intervalle QTc était de 419,9±241 ms dans le groupe IRS et 407,5±22,1 ms dans le groupe contrôle (p=0,023). Une seule patiente présentait un ECG avec allongement du QTc (groupe contrôle). L’analyse en sous-groupe a montré que la paroxétine, le citalopram et l’escitalopram étaient les 3 IRS à l’origine des plus grandes différences de QTc avec le groupe contrôle. Les autres facteurs de risque retrouvés étaient l’hypokaliémie, une altération de la fonction rénale et la prise d’autres médicaments (non-connus pour allonger le QT car critère d’exclusion).

Points forts :

  • Étude basée sur l’analyse des ECG et pas uniquement le risque théorique des médicaments.

Points faibles :

  • Pas d’ECG à la baseline, avant l’introduction du tamoxifène et des IRS,
  • Pas d’analyse selon les doses d’IRS et donc pas de notion d’effet-dose sur le QTc,
  • L’étude ne permet pas de distinguer la contribution intrinsèque des IRS à l’allongement du QT de l’effet lié à l’inhibition du métabolisme du tamoxifène.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude démontre que les patientes traitées par tamoxifène et IRS ont un QTc relativement mais significativement plus long. Elle permet également de rappeler que le risque d’allongement du QT reste faible en pratique. Elle fournit enfin des éléments de preuve pour recommander en priorité la venlafaxine et la fluvoxamine comme IRS de choix, alors qu’il convient d’éviter paroxétine, citalopram et escitalopram. Dans le cas où la patiente serait déjà traitée par une de ces trois dernières molécules, la prise en compte des autres facteurs de risque retrouvés dans cette étude peut permettre une meilleure évaluation individuelle de la balance bénéfice-risque.

Rédigé par Florian SLIMANO

D’après Hussaarts et al. The Risk of QTc-Interval Prolongation in Breast Cancer Patients Treated with Tamoxifen in Combination with Serotonin Reuptake Inhibitors. Pharm Res. 2020; 37(7). Publication avancée en ligne le 16 décembre 2019. DOI: 10.1007/s11095-019-2746-9

Etude ENFIPCO : Enquête Nationale sur la Formation des Internes en Pharmacie Clinique Oncologique

Question évaluée : La pharmacie clinique oncologique (PCO) connaît un essor important, nécessitant une formation spécifique pour les pharmaciens. Ce travail vise à dresser un état des lieux sur la formation pratique et théorique en PCO proposée aux internes en pharmacie en France en 2018 à travers une enquête nationale.

Type d’étude : Etude prospective de recueil.

Méthode : Envoi par d’un questionnaire (17 questions) par courriel à tous les internes en pharmacie français affiliés à une association locale et/ou nationale d’internes en pharmacie. Les résultats ont été recueillis sur une semaine et ont été analysés à l’aide d’un tableur Microsoft Excel®.

Résultats : Obtention de 169 réponses (taux participation 20%) dont 63% des participants sont des internes de niveau 2 (en 3ème ou 4ème année d’internat). Un tiers des répondants a suivi une formation théorique complémentaire via la réalisation d’un diplôme universitaire, d’un Master 2, d’une thèse ou encore de cours de DES. Concernant l’offre de formation théorique, 47% des internes estiment qu’elle est suffisante au niveau régional contre seulement 37% au niveau national. Presque la moitié des internes ne connaît pas l’offre de formation à l’échelon national. Pour la formation pratique, plus de la moitié des internes a réalisé au moins un stage de PCO, ayant permis d’obtenir pour 30% d’entre eux une communication affichée ou orale dans un congrès. De plus, 74 internes ont déjà assisté à des réunions de concertation pluridisciplinaire et 36 ont déjà réalisés des séances d’éducation thérapeutique.

Points forts : Représentativité des 23 CHU pharmaceutiques français à travers les internes interrogés. Représentation à la fois des internes de niveau 1 et de niveau 2. Recueil exhaustif ayant permis de mettre en évidence les points forts et faibles des formations pratique et théorique des internes en pharmacie en France, ainsi que leurs attentes et leurs connaissances sur l’existence de ces formations.

Points faibles : Faible taux de participation (20%). Etude basée sur le volontariat et limitée aux internes affiliés à un syndicat local ou national, pouvant entraîner un biais de participation et de sélection avec des internes mieux informés sur la PCO et les offres de formation.

Conclusion/Implications en pratique : Première étude française sur la formation des internes à la PCO. Les résultats montrent que l’attrait des futures générations de pharmaciens hospitaliers pour cette discipline est en adéquation avec les besoins grandissants. Des pistes d’amélioration semblent possibles tant sur l’offre de formation théorique et sa visibilité, que sur l’ouverture de nouveaux terrains de stages et l’évolution des activités sur ceux existants. La SFPO et sa commission junior semblent avoir un rôle important à jouer.

Rédigé par Jeanice AMIOT, Anas GAHBICHE, Aurélie ROCHEFOLLE, Vincent LECLERC

Amiot J, et al. Étude ENFIPCO: Enquête nationale sur la formation des internes en pharmacie clinique oncologique. Pharm Hosp Clin 2019. Publication avancée en ligne le 1er novembre. DOI: 10.1016/j.phclin.2019.07.006  

Performance de DRUGCAM® en activité réelle de production

Question évaluée : Évaluation de la performance de DRUGCAM®, un outil de contrôle vidéonumérique de la préparation des chimiothérapies, en activité réelle de production en le comparant au double contrôle visuel. Pour se baser sur une réalité de production, une méthode de travail par la simulation a été choisie. Les facteurs influençant la performance de ces deux méthodes de contrôle ont aussi été analysés afin de comprendre l’origine des erreurs enregistrées.

Type d’étude : étude monocentrique, prospective, simple aveugle.

Méthode : N=75 seringues ont été préparées et triées selon une suite aléatoire. Pendant 30 jours, sur un créneau d’une heure, n=20 contrôles de volumes de seringues différents ont été effectués par contrôle visuel humain puis par vidéo en condition réelle de production. Dans un premier temps le manipulateur testeur se plaçait à l’un des postes DRUGCAM® et choisissait une des seringues sélectionnées pour la série de test. Dans un second temps le testeur appelait un double contrôle visuel humain. Le testeur présentait ensuite la seringue à DRUGCAM® en l’absence du second préparateur ayant fait le contrôle visuel. A chaque présentation de seringue étaient relevés : la seringue présentée, l’heure, les volumes contrôlés et les perturbations de l’environnement direct (interruptions de tâche). Les données collectées étaient analysées à l’aide de tests statistiques appropriés.

Résultats : Le taux d’erreur était respectivement de 4% pour le contrôle visuel et de 0,17% pour DRUGCAM®. Pour le contrôle visuel les erreurs étaient en lien avec un volume énoncé supérieur (n=7) ou inférieur (n=17). Pour DRUGCAM® la seule erreur enregistrée était un volume inférieur de 1mL. Pour ce qui concerne les facteurs perturbants, le type de seringue semble être impliqué puisque n=13 erreurs ont été enregistrées sur la seringue de 1 mL (possible manque de précision de l’œil humain) et n=8 sur la seringue de 10 mL (graduations en 0,2 possiblement trompeuses pour l’œil humain) alors que DRUGCAM® est peu perturbé par les facteurs environnementaux. Les résultats montraient par ailleurs un taux d’erreurs plus important chez les préparateurs « permanents » du secteur (5,3%) par rapport à ceux dont la présence est ponctuelle (1,8%). En présence du pharmacien, les préparateurs commettaient également plus d’erreurs (13%) qu’en son absence (4%).

Points forts :

- montre l’efficacité de l’outil DRUGCAM® en activité réelle de production grâce à l’utilisation de la simulation,

- permet l’identification de l’origine des erreurs grâce à leurs analyses, puis la mise en place d’action corrective,

- appuie les conclusions du rapport HAS 2016 sur le lien entre interruption de tâche et survenue des erreurs.

Points faibles :

- les limites de la méthode de la simulation : la réalité ne peut pas être représentée de façon exacte (contraintes éthiques exigées par l’application de cette méthode),

- extrapolation des erreurs du contrôle visuel au manipulateur.

Conclusion/Implications en pratique : L’étude montre la supériorité de la performance de DRUGCAM® sur la lecture des volumes vs. double contrôle visuel humain. De plus, l’analyse des facteurs qui perturbent les performances des méthodes de contrôle montrent que, contrairement à DRUGCAM®, le contrôle visuel humain est possiblement influencé par des facteurs extérieurs. DRUGCAM® est une solution à envisager dans le cadre d’actions préventives et du contrôle des facteurs perturbants de l’environnement grâce à l’analyse de l’origine des erreurs par la vidéo.

Rédigé par Marie LAPLACE

D’après Laplace et al.: Simulation to assess intelligent video camera system's actual production performance during chemotherapy preparation. Eur J Oncol Pharm 2019. Publication avancée en ligne le 28 juin. DOI: 10.1097/OP9.0000000000000017

 

Étude de la qualité des bras contrôle des essais cliniques randomisés ayant conduit à la mise sur le marché des anticancéreux.

Question évaluée : La plupart des essais cliniques conduisant à une approbation de nouveaux traitements anticancéreux sont conçus par des promoteurs industriels. L’hypothèse est émise que ces essais peuvent présenter un traitement comparateur suboptimal afin d’augmenter la probabilité d’obtenir un avis favorable pour la nouvelle molécule. Une équipe américaine a évalué la proportion d’essais cliniques présentant un bras contrôle suboptimal parmi les anticancéreux ayant été récemment mis sur le marché.

Type d’étude : Revue de la littérature.

Méthode : L’ensemble des dossiers de mise sur le marché d’anticancéreux (oncologie et hématologie) parus entre le 1er janvier 2013 et le 31 juillet 2018 et disponibles sur le site de la Food & Drug Administration (FDA) est examiné selon plusieurs critères. Les essais non randomisés sont exclus de l’étude. Les bras contrôles sont jugés suboptimaux si le choix du traitement comparateur est limité et exclut un agent recommandé, s’il n’est pas spécifié ou si des données d’essais cliniques antérieurs ont démontré que l’agent contrôle utilisé est inférieur aux alternatives disponibles. Le choix de la thérapie de référence est déterminé en évaluant la littérature et les recommandations publiées un an avant l’Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) de chaque anticancéreux.

Résultats : Du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2018, 143 AMM d’anti-cancéreux sont accordées par la FDA ; 95 le sont sur la base de données d’essais cliniques randomisés. Dix-sept pour cent (16) utilisent un bras de contrôle suboptimal ; parmi eux 15 sont des essais internationaux, 1 a été conduit aux États-Unis uniquement. Le processus de mise sur le marché est classique pour 15 essais alors qu’il est accéléré pour 1 essai. Le critère de jugement principal de ces essais est la survie sans progression (11 essais), le taux de réponse complète (1), un autre critère de substitution (3) ou la survie globale (1). Sur les 16 essais présentant un bras de contrôle suboptimal, 11 ont utilisé un agent contrôle connu pour être inférieur aux autres alternatives disponibles, 4 ont été limités dans le choix de l’agent contrôle excluant la thérapie recommandée, et 1 a choisi d’utiliser un traitement précédemment utilisé dans un bras contrôle mais ne présentant pas de bénéfice en cas de réexposition.

Points forts :

  • Analyses réalisées de façon indépendante par 3 auteurs,
  • Encourage à avoir un regard critique sur les essais cliniques aboutissant à une AMM.

Points faibles :

  • Ne décrit pas les recommandations utilisées,
  • Ne fait pas état de la difficulté à retenir un unique standard de thérapie à l’international.

Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude a permis d’évaluer la qualité des bras contrôle des essais cliniques randomisés ayant permis la mise sur le marché des anticancéreux de janvier 2013 à juillet 2018. Il apparaît que 17% des autorisations de ces anticancéreux par la FDA ont été fondés sur des essais cliniques utilisant des bras contrôle suboptimaux. Ceci suggère une remise en cause de la supériorité de ces molécules et les auteurs rappellent l’importance du regard critique sur les essais réalisés par les promoteurs industriels.

Rédigé par Sara BELHADJ

D’après Hilal et al.: Analysis of Control Arm Quality in Randomized Clinical Trials Leading to Anticancer Drug Approval by the US Food and Drug Administration. JAMA Oncol. 2019; 5(6): 887-892. DOI: 10.1001/jamaoncol.2019.0167

Surmenage en unité de préparation: augmentation du risque d’erreur ?

Les unités de production doivent parfois faire face à une augmentation de l’activité, entrainant une augmentation de la charge de travail et du stress associé.

Question évaluée : Evaluation de l’impact de la charge de travail, estimée en nombre de préparation/unité de temps sur la sécurité et la précision de la préparation manuelle de chimiothérapie.

Type d’étude : Etude ouverte et multicentrique, coordonnée par les Hôpitaux Universitaire de Genève.

Méthode : Evaluation sur 21 membres du personnel (préparateurs et pharmaciens) qualifiés en production de chimiothérapie ayant au moins 5 ans d’expérience en production stérile.

Le personnel était soumis à trois niveaux de charge de travail, toujours limité sur une heure :

  • séquence A, charge minimale, préparation de 8 seringues;
  • séquence B, charge modérée, 16 seringues;
  • séquence C, charge importante, 24 seringues.

Chaque manipulateur réalisait de manière aléatoire les 3 séquences sous isolateur. Le produit utilisé était un marqueur non-cytotoxique : phenylephrine et lidocaïne. Pour permettre d’évaluer le reflet de la fatigue, les manipulations étaient réalisées après une journée de travail, et analysées par électrophorèse capillaire

Évaluation qualitative et quantitative :

  • Temps nécessaire pour la préparation de chaque seringue : étape de reconstitution (pour mimer la reconstitution de lyophilisat) et étape de dilution,
  • Sécurité (évaluation des erreurs évitables par le manipulateur) : mauvaise étiquette, mauvais PA ou diluant, erreur de concentration (erreur fixée à ± 30%),
  • Précision : mesure de la concentration de phenylephrine et de lidocaine attendue. Précise si ± 0-5% de déviation retrouvée par rapport à la cible ; faiblement précise si ± 6-10% ; imprécise si ± 11-30 % ; et fausse si supérieure à ±30%,
  • Évaluation de la contamination croisée (présence d’un PA à la concentration supérieure à la limite de quantification (LOQ).

Résultats : 21 manipulateurs, 63 sessions, 1007 seringues préparées.

  • Temps nécessaire par préparation: A : 4min39s, B : 3min13s, C 2min38s,
  • Sécurité: 39 erreurs au total : 3 dans la séquence A (erreurs de concentration) ; 9 dans la B (1 erreur d’étiquetage, 2 erreurs de diluant et 6 erreurs de concentration) et 27 dans la partie C (6 erreurs d’étiquetage, 1 erreur de PA et 20 erreurs de concentration),
  • Précision : les défauts constatés n’étaient pas corrélé à la charge de travail,
  • Contamination croisée: on retrouvait respectivement 4,19%, 4,76% et 7,56% de préparations avec contamination croisée pour les séquences A, B et C (non-significatif).

Points forts :

  • Évaluation expérimentale. Montre l’impact du surmenage sur la qualité la sécurité de la production de cytotoxiques et autres produits en zone stériles (nutrition, analgésiques, …) mais aussi sur la qualité de vie au travail,
  • L’étude confirme que l’augmentation d’activité s’accompagne d’une augmentation du risque d’erreur à différents niveaux.

 Points faibles :

  • Évaluation seulement sur le conditionnement en seringue,
  • Biais de l’évaluation expérimentale puisque risque de renforcement probable de la vigilance. A reproduire a priori des unités de production.

Conclusion/Implications en pratique :

Le surmenage influence la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients. Il est donc primordial de gérer les flux de demande d’activité et de favoriser les contrôles surtout en période d’activité accrue. Les auteurs proposent par ailleurs la mise en place de la robotisation en unité de préparation afin de diminuer la charge de travail, de même que la réflexion sur le « dose banding » pour permettre de produire en campagne ou par lots et donc d’adapter la production à l’activité.

Rédigé par Clément CARBASSE

D’après Carrez L, et al.: Work overload is related to increased risk of error during chemotherapy preparation. J Oncol Pharm Pract 2019. Publication avancée en ligne le 13 mai 2019. DOI: 10.1177/1078155219845432

La consommation de curcuma diminue l’exposition au métabolite actif du tamoxifène

Question évaluée : La consommation de médecines alternatives et complémentaires (CAM) chez les patients atteints de cancer mammaire est importante (estimée de 20 à 30%). Parmi celles-ci le curcuma jouit d’une grande popularité notamment du fait d’hypothétiques propriétés anticancéreuses. En revanche il peut interagir avec les enzymes du métabolisme et modifier l’exposition des médicaments, comme le tamoxifène par exemple, qui est activé en endoxifène après biotransformation par les cytochromes CYP3A4 et 2D6. L’objectif principal était d’étudier l’impact du curcuma sur la pharmacocinétique du tamoxifène en évaluant les AUC0-24h du tamoxifène et de l’endoxifène selon l’exposition.

Type d’étude : Étude prospective et randomisée de pharmacocinétique du tamoxifène chez des patientes atteintes de cancers du sein.

Méthode : Les patients inclus ne consommaient pas d’autres molécules susceptibles d’interférer avec les CYP 3A4 ou 2D6. Ils étaient randomisés en 2 groupes selon le type d’exposition au curcuma et à la pipérine (un extrait de poivre noir qui augmente la biodisponibilité du curcuma) :

  • Groupe 1 : Cycle 1 (28 jour) monothérapie par tamoxifène. Puis cycle 2 (28 j) : tamoxifène + curcuma (1200 mg 3x/j à 10h, 16h et 20h). Puis cycle 3 (28 j) : tamoxifène + curcuma (même schéma) + pipérine (10 mg 3x/j à 10h, 16h et 20h),
  • Groupe 2 : exposition en ordre inversé (cycle 3, puis cycle 2, puis cycle 1).

L’analyse pharmacogénétique des CYP2D6 et CYP3A4 était réalisée pour chaque patient.

Résultats : Le traitement concomitant tamoxifène + curcuma (sans pipérine) conduisait à une diminution significative de l’AUC0-24h du tamoxifène (-8 %, p=0,02) et à une diminution non-significative de l’AUC0-24h de l’endoxifène (-7,7 %, p=0.07). Le traitement concomitant tamoxifène + curcuma + pipérine conduisait à une diminution significative des  AUC0-24h du tamoxifène (-12,8 % ; p<0,01) et de l’endoxifène (-12,4 %, p=0,02).

La diminution de l’AUC0-24h du tamoxifène et de l’endoxifène était plus importante chez les métaboliseurs rapides pour le CYP2D6 que chez les métaboliseurs intermédiaires : -22% (p<0,01) et -18, 4% (p=0,09) versus -5,3 % (p=0,16) et -10,3 % (p=0,14) respectivement.

Aucun effet indésirable grave n’est survenu lors des traitements concomitants avec le curcuma et la pipérine.

Points forts :

  • Étude inédite, mesurant l’effet en vie réelle du curcuma et de la pipérine sur les paramètres pharmacocinétiques du tamoxifène et de l’endoxifène, montrant l’impact potentiellement négatif des thérapies complémentaires sur un traitement adjuvant du cancer du sein,
  • Analyse en sous-groupe selon le polymorphisme du CYP2D6.

Points faibles :

  • Formulations de curcuma et de pipérine choisies arbitrairement (celles utilisées en pratique courante sont multiples),
  • Grande variabilité interindividuelle au niveau du métabolisme du tamoxifène et non prise en compte de l’effet du curcuma et de la pipérine sur les enzymes de phase II et les transporteurs,
  • Très complexe en pratique (contexte adjuvant) mais il serait intéressant de pouvoir évaluer l’impact de cette interaction sur la survie sans rechute.

Conclusion et Implications en pratique :

Une diminution modeste mais significative des concentrations plasmatiques en tamoxifène et en endoxifène a été mise en évidence lors de l’administration concomitante de curcuma (+/- pipérine). Cette différence est plus marquée chez les métaboliseurs rapides du CYP2D6. En pratique, chez les patients traités par tamoxifène, il est important d’effectuer un bilan médicamenteux et de détecter les médicaments et CAM comme le curcuma qui sont susceptibles de diminuer l’exposition à l’anticancéreux. Une proposition d’arrêt de ces CAM, partagée avec le patient, semble raisonnable.

Rédigé par Benjamin BERTRAND et Thibault CATALOT

D’après Hussaarts et al.: Impact of Curcumin (with ou without Piperine) on the Pharmacokinetics of Tamoxifen. Cancers 2019. Publié en ligne le 22 Mars. DOI: 10.3390/cancers11030403

GaLIEN

Le Centre de Pharmacologie et Pharmacie Clinique en Cancérologie (CPPCC) du centre Oscar Lambret est un centre de documentation, de ressources et d’études orienté sur les nouvelles thérapeutiques médicales en cancérologie. Il assure une veille stratégique et diffuse la lettre d’information sur les médicaments innovants en cancérologie (GaLien) qu'il est possible de consulter grâce à son partenariat avec la SFPO.

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Encéphalopathie induite par l’ifosfamide : Holoxan® versus Ifosfamide EG®

Question évaluée : La survenue des encéphalopathies à l’ifosfamide est un évènement rare mais grave causés par la présence de produits de dégradation neurotoxiques (chloroacetaldehyde et chloroéthylamine), mais les facteurs favorisant sont imparfaitement connus. L’étude présente souhaitait comparer l’incidence des encéphalopathies induites par l’ifosfamide selon qu’il appartient au médicament princeps ou à un générique. L’étude souhaitait par ailleurs décrire d’autres facteurs de risque.

Type d’étude : Étude rétrospective

Méthode : Collection des données à partir de deux centres : l’institut de cancérologie de Lorraine et le CHRU de Nancy. Critères d’inclusion : patients adultes recevant d’ifosfamide (Holoxan® ou générique EG®) entre janvier 2013 et mars 2017.

Résultats : Sur 191 patients inclus, n=103 ont reçu Holoxan® et n=88 Ifosfamide EG®. Les caractéristiques-patients (âge, sexe, diagnostic, dose reçue, dose cumulée, état général, hypercréatininémie) rendaient  les populations comparables. Onze patients ont présenté une encéphalopathie incriminant l’ifosfamide, dont 9 patients traités par la forme EG® (différence significative). Parmi les autres facteurs de risque, la durée d’administration longue (12h vs. 3h) et l’état général (score OMS 2) étaient retrouvés. Les patients atteints de sarcome semblaient également plus à risque que les autres.

Points forts :

  • identification de facteurs de risque,

Points faibles :

  • effectif faible limite l’interprétation des résultats,
  • l’exclusion de la population pédiatrique dans cette étude, habituellement plus exposée à cet effet indésirable et présentant des facteurs de risque par exemple antécédent de traitement par cisplatine) non-retrouvées dans l’étude présente,
  • le manque de données biologiques (albuminémie, bilan hépatique) et des co-médications potentiellement sources d’interactions médicamenteuses.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude confirme les résultats de l’enquête nationale de pharmacovigilance [1] et ceux de deux études équivalentes réalisées dans d’autres CHU [2,3] : la spécialité Ifosfamide EG® est associée à un risque plus important d’encéphalopathies que la spécialité Holoxan® (multiplication du risque par 5). Dans cette étude, deux facteurs de risques ont été identifiés : score OMS ≥ 2 et durée de perfusion ≥ à 12h. Ce dernier constat laisse à penser que l’ifosfamide en solution et stocké à température ambiante (plus de 3h) entrainerait la formation accélérée des produits de dégradation neurotoxique.

La collecte de données multicentriques, y compris dans d’autres pays, permettrait de poursuivre la compréhension de cette problématique. En pratique, par mesure de précautions, de nombreux centres hospitaliers ont déréférencé la spécialité Ifosfamide EG®.

François LESAUVAGE

D’après Chambord J. et coll: Ifosfamide-induced encephalopathy : Brand-name (HOLOXAN®) vs generic formulation (IFOSFAMIDE EG®). J Clin Pharm Ther 2019. Publication avancée en ligne le 4 mars. DOI: 10.1111/jcpt.12823

[1] Réunion du Comité technique de Pharmacovigilance – CT012015083 - Séance du mardi 22 septembre 2015 de 09h30 à 17h00 en salles 1 & 2 (compte-rendu disponible en ligne)

[2] Incidence et facteurs de risque de l'encéphalopathie à l'ifosfamide chez les patients suivis pour un sarcome (23/10/2015) CHU de Lille Stern N.

[3] La spécialité Ifosfamide EG® engendre-t-elle plus d’encéphalopathie que la spécialité Holoxan® ? Étude au CHU de Grenoble 11/01/2017

Evaluation du pronostic de l’impact de la polymédication et des interactions médicamenteuses chez les patients traités pour un cancer de stade avancé

Question évaluée :

Les patients traités pour un cancer avancé sont plus fréquemment sujets à une polymédication liée à leur maladie mais également à leur âge et à leurs comorbidités. Il est connu que le risque d’interaction augmente avec le nombre de médicaments consommés. L’étude présentée pose ici la question de l'impact clinique de ces interactions chez les patients traités pour un cancer, notamment l’impact sur le taux de survie.

Type d’étude : Étude observationnelle, rétrospective, non randomisée.

Méthode :

Tous les traitements anticancéreux, non anticancéreux ainsi que la phytothérapie ont été recueillis pour chaque patient d’un centre hospitalier puis une recherche des interactions médicamenteuses a été effectuée. Les interactions ont ensuite été classifiées en 3 groupes : pas d'interaction, risque faible d'interaction et haut risque d'interaction (risque majeur ou contre-indication)

Résultats :

Au total, 105 patients souffrant d'un cancer bronchique non à petites cellules avancé, 100 patients d'un cancer du sein avancé et 100 patients en soins palliatifs suite à un cancer ont été inclus. Un risque majeur d'interaction a été retrouvé chez un quart des patients : celui augmentait de 17,1% chez les patients recevant par 3 médicaments maximum, à 83,3% chez les patients traités par plus de 11 médicaments. La relation entre un risque majeur d'interaction et une diminution du taux de survie a été retrouvée faiblement mais statistiquement significative (p=0.049) et uniquement chez les patients atteints d'un cancer du sein.

Un lien entre le nombre de médicaments pris par le patient et le taux de survie a en revanche été identifié comme hautement significatif (p=0.008) sur l’ensemble de la population, mais pas dans chaque cohorte étudiée séparément.

Points forts :

  • Recherche de corrélation entre la prévalence de la polymédication, des interactions médicamenteuses et la survie,
  • Évaluation de la question sur une pathologie à fort risque de polymédication mais pas encore étudiée,
  • Suivi des patients sur du long terme (5 ans en moyenne).

Points faibles :

  • Design rétrospective,
  • Manque d’hétérogénéité des patients (avancée de la maladie) à l'intérieur de chaque cohorte,
  • Les auteurs n'ont pas vérifié que les interactions détectées grâce aux bases de données ont réellement mené à un effet indésirable chez les différents patients concernés.

Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude confirme que les interactions médicamenteuses sont fréquentes chez les patients traités pour un cancer, mais les liens entre le nombre de médicaments, les interactions majeurs et les taux de survie sont statistiquement faibles.

Pour autant, une communication efficace entre les différents professionnels de santé et le patient ainsi que la mise en place d'un suivi spécifique à cette question semblent indispensable à la détection exhaustive et à la prévention des risque d'interaction dans cette population.

Rédigé par Justine CLARENNE

D'après Hoemme A and al: Prognostic impact of polypharmacy and drug interactions in patients with advanced cancer. Cancer Chemother Pharmacol 2019 ; 83(4) : 763-774. DOI: 10.1007/s00280-019-03783-9

Y a-t-il une augmentation du risque d’éruption cutanée et d’hypomagnésémie chez les patients traités par cetuximab et recevant des IPP ?

Question évaluée : Le cetuximab (anti-Epidermal Growth Factor receptor) peut entraîner des hypomagnésémies et des éruptions acnéiformes +/- sévères. L’effet hypomagnésémiant des anti-EGFr peut théoriquement être accentué par la consommation d’inhibiteurs de la pompe à proton (IPP), eux-mêmes hypomagnésémiants. Le rôle de ces derniers sur la toxicité cutanée des anti-EGFr est en revanche inconnu.

Type d’étude : Rétrospective et monocentrique.

Méthode : Inclusion en 2015 et 2016 des patients traités par cetuximab pour des cancers colorectaux métastatiques (mCRC) ou de la sphère ORL. Les données ont été recueillies à partir des dossiers patients. Une analyse univariée a été réalisée, suivi d’une analyse multivariée sur les variable significatives en univariée (p<0,05).

Résultats : Un total de 118 patients ont été inclus dans l’étude (66 ORL et 57 mCRC) et 58 patients recevaient un traitement par IPP. Prises ensemble, la présence des deux toxicités était significativement plus importante chez les patients traités par IPP quel que soit le grade. Individuellement, il y avait une tendance à l’hypomagnésémie, non-significative (25,9% vs 10,4% ; p=0,08). De même, seule la survenue d’une toxicité cutanée de grade 3 ou plus était significativement plus élevée (32,8% vs. 3,3% ; p=0,001) chez les patients traités par IPP. En analyse multivariée seule la consommation d’IPP apparaissait également significative.

Points forts :

  • exploration des troubles de la magnésémie dans une étude clinique en oncologie

Points faibles :

  • étude rétrospective et monocentrique, certaines données sont manquantes, la présence d’une prémédication par doxycycline n’est pas précisée,
  • Le mécanisme théorique d’interaction sur la toxicité cutanée est discordant avec les mécanismes mis en jeu pour les inhibiteurs de tyrosine kinase anti-EGFr,
  • Pas d’informations sur la posologie et la nature des IPP (profils d’interaction différents).

Conclusion/Implications en pratique :

Il semble y avoir un lien statistique entre la consommation d’IPP et la survenue de certaines toxicités du cetuximab. Cette étude a au moins le mérite de soutenir un suivi de la magnésémie plus fréquent que cela n’est fait en pratique en oncologie (et pas que !) Le lien avec la toxicité cutanée est moins clair et devra être évalué de manière plus robuste qu’à travers une étude rétrospective, qui limite notamment la précision du grade de toxicité cutanée.

Rédigé par Thibault VALLECILLO

Abu-Amna M and Bar-Sela G. Increase in cetuximab-induced skin rash and hypomagnesemia in patients receiving concomitant treatment with proton pump inhibitors (PPIs): a possible drug interaction? Cancer Chemother Pharmacol 2018. Publication avancée en ligne le 13 décembre. DOI: 10.1007/s00280-018-3758-6

Les contaminations chimiques retrouvées en unité de préparation des chimiothérapies cytotoxiques sont-elles mutagènes ?

Question évaluée : De nombreuses études rapportent une contamination chimique à plusieurs niveaux dans les unités de production des chimiothérapies anticancéreuses. Pour autant, le risque pour les travailleurs reste difficile à appréhender. Une équipe parisienne s’est proposé d’évaluer la toxicité des contaminations chimiques aux quantités retrouvées dans leur unité de préparation des cytotoxiques.

Type d’étude : étude analytique transversale

Méthode :

  • Utilisation d’isotopes stables marqués comme étalon interne. Deux prélèvements étaient effectués dans cinq zones différentes d’une unité de production puis analysés par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse,
  • Évaluation des échantillons retrouvés au test de AMES (utilisation de deux souches différentes : TA 98 et TA 100).

Résultats :

Dans la première partie de l’étude, seules les anthracyclines ont été identifiées comme mutagènes, et seulement lorsqu’elles étaient utilisées sur la souche TA 98 (ainsi qu’en association à du S9 pour des concentrations plus faibles).

Dans la seconde partie de l’étude, aucune des concentrations retrouvées, notamment d’anthracyclines, n’était suffisante pour générer un potentiel mutagène.

Points forts :

  • association de l’étude de la contamination environnementale et de la mutagénicité dans la « vrai vie », au sein d’une unité de préparation des cytotoxiques.

Points faibles :

  • même si les différentes zones d’une unité de préparation des cytotoxiques sont connues, la publication de fournit pas de plan précis des locaux, ce qui aurait été un plus,
  • malgré des résultats allant dans le sens d’une absence de risque, la discussion de l’article semble s’en dissocier un peu pour reprendre les recommandations classiques.

Conclusion/Implications en pratique :

Cette étude intéressante est innovante puisqu’elle cherche à corréler les traces de contamination chimique, et leur pouvoir toxique pour l’environnement professionnel. Les anthracyclines doivent être intégrées aux suivis de la contamination environnementale si elles ne le sont pas déjà. En revanche il est possible que, malgré un design transversal, la contamination chimique de l’environnement ne soit finalement pas en mesure de produire des effets mutagènes significatifs. La conduite d’une étude similaire dans un service clinique serait d’un réel intérêt.

Rédigé par Manon PANTANELLA et Florian SLIMANO

Chouquet T, et al.: Mutagenicity assessment of environmental contaminations in a hospital centralized reconstitution unit. Ecotoxicol Environ Saf 2018; 165:174-81

L’amisulpride, un autre neuroleptique atypique utile dans la prévention des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie ?

Question évaluée : La prévention des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie (NVIC) est un enjeu majeur de la prise en charge des patients en oncologie. Récemment un antipsychotique, l’olanzapine, a intégré les recommandations américaines en prévention systématique des protocoles hautement émétisants. Une équipe européenne a évalué l’intérêt de l’amisulpride, un autre neuroleptique atypique, dans la prévention des NVIC.

Type d’étude : Étude contrôlée randomisée en double aveugle versus placebo

Méthode : Des patients recevant un protocole hautement émétisant étaient répartis en 5 groupes : quatre groupes recevaient au jour 1 ondansetron (8-16mg) et 20 mg d’amisulpride IV puis dans les 3 jours suivants de l'amisulpride par voie orale 10, 20, 40 mg, ou placebo. Le dernier groupe recevait un triplet conventionnel associant fosaprepitant, ondansetron et dexamethasone par voie IV. L’objectif principal était la réponse complète (CR) en phase retardée, c’est à dire l’absence de vomissement et de recours à un traitement de secours entre les 24-20 heures après le traitement hautement émétisant.

Résultats : Entre 61 et 68 patients étaient inclus dans chacun des 5 groupes de traitement. Le taux de CR dans le groupe amisulpride 10 mg était supérieur au groupe placebo sur la phase retardée et globale, ce qui n’était pas le cas pour les deux autres doses. Même constat statistique pour l’absence de nausées. En revanche, l’ensemble des résultats des groupes traités par amisulpride apparaissaient inférieurs à ceux du groupe triplet.

Points forts : étude prospective ayant inclus un grand nombre de patients et permettant d’évaluer de manière robuste les observations. Le design est complexe mais permet d’évaluer différentes doses d’amisulpride. Le profil de sécurité semble bon à ces doses.

Points faibles :

  • le choix des groupes test est discutable en l’absence de corticoïdes (au moins au jour 1) et ils empêchent une comparaison raisonnable avec le groupe triplet,
  • les résultats du groupe triplet sont très probablement supérieurs à ceux des groupes test, sans qu’une évaluation statistique n’ait été faite,
  • les auteurs affirment que l’effet de l’amisulpride est prédominant sur les nausées, ce qui ne peut pas être affirmé au regard du design de l’étude.

Conclusion/Implications en pratique : cette étude a multiplié les groupes avec une approche qui permet, au mieux, de valider l’amisulpride 10 mg versus placebo et de discuter de l’intérêt d’une faible dose, notamment en matière de sécurité d’utilisation. En revanche, alors que l’on pouvait attendre un positionnement similaire à l’olanzapine, c’est-à-dire en ajout à un triplet standard, l’étude actuelle ne permet pas d’envisager cela.

 Rédigé par Florian SLIMANO

D’après Herrstedt J et al.: Amisulpride prevents nausea and vomiting associated with highly metogenic chemotherapy: a randomised, double-blind, placebo-controlled, dose-ranging trial. Support Care Cancer 2018. Publication avancée en ligne le 28 novembre. DOI: 10.1007/s00520-018-4564-8

Médecine complémentaire : refus de thérapeutiques conventionnelles anticancéreuses et survie chez les patients atteints de cancers curables

Question évaluée :

Comparaison de la survie globale entre les patients recevant des thérapeutiques anticancéreuses conventionnelles, avec ou sans médecine complémentaire (Complementary and Alternatives Medicines, CAM), et comparaison de l’adhésion thérapeutique et des caractéristiques patients entre ces deux groupes.

Type d’étude :

Étude de cohorte observationnelle et rétrospective.

Méthode :

Inclusion des patients ayant reçu un diagnostic de cancer curable entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2013 aux États-Unis et ayant reçu au moins un traitement conventionnel anticancéreux (chimiothérapie, radiothérapie, chirurgie ou hormonothérapie). Les patients inclus dans cette étude souffraient d’un des 4 cancers les plus fréquents aux États-Unis : sein, prostate, poumon ou colorectal. Le refus de traitement était défini comme 1) le refus du patient à recevoir un traitement conventionnel (mais pas le fait d’annuler un traitement pour raisons médicales) et 2) le délai de traitement correspondant au nombre de jour entre le diagnostic de la maladie et le début du traitement.

Résultats :

Il y avait 1032 sujets dans le groupe contrôle et 258 dans le groupe CAM. Les patients du groupe CAM avaient un taux de refus de chirurgie (7% vs 0,1%), de chimiothérapie (34,1% vs 3,2%), de radiothérapie (53% vs 2,3%) et d’hormonothérapie (33,7% vs 2,8%) statistiquement plus important que le groupe contrôle. La survie globale à 5 ans dans le groupe CAM était significativement plus faible que dans le groupe contrôle (82,2% vs 86,6%), du fait notamment que les patients CAM avaient un taux de refus de traitement plus important. L’ajustement sur ce critère et sur le délai entre le diagnostic et le début de traitement supprimait la différence significative de survie.

Points forts :

  • Peu d’études évaluant la survie globale moyenne vis-à-vis de la consommation de CAM,
  • Évaluation quantitative du refus de thérapeutiques anticancéreuses conventionnelles,
  • Grand nombre de patients inclus dans chacun des 2 bras,

Points faibles :

  • Le nombre de sujets consommant des CAM est très probablement sous-estimé (sous-déclaration par les patients ou par les médecins),
  • Non-prise en compte de certains facteurs pouvant influencer le taux de mortalité et ainsi biaiser les résultats : corpulence, tabagisme, revenus et niveau d’éducation, diminutions posologiques, autres comorbidités,
  • Pas de stratification en fonction du type de CAM, ni vis-à-vis du risque d’interaction entre les CAM et les traitements médicamenteux conventionnels,
  • L’objectif de traitement lié à la prise de CAM n’est pas renseigné et pourrait être un biais à l’analyse de la survie (amélioration de la tolérance de la thérapeutique conventionnelle, ou objectif curatif propre).

Conclusion/Implications en pratique :

Les patients utilisant une thérapeutique complémentaire ont un taux de mortalité plus élevé que ceux qui n’en utilisent pas car ils ont un plus fort taux de refus de thérapeutique conventionnelle. La place de l’approche pédagogique est essentielle, afin d’identifier ce type de consommation et les profils de patients à risque de refuser les traitements complémentaires.

Rédigé par Antoine CORNATON et Frédéric GERVAIS

D’après Johnson et coll: Complementary Medicine, Refusal of Conventional Cancer Therapy, and Survival Among Patients With Curable Cancers. JAMA Oncol, 2018; 4(10): 1375-81

Faisabilité d’une hydratation orale après une perfusion de cisplatine chez des patients traités en hôpital de jour de cancérologie

Question évaluée : L’hydratation avant et après une perfusion de cisplatine est recommandée dans le but de limiter le risque de néphrotoxicité. L’étude actuelle, dans le contexte de développement des hôpitaux de jour de cancérologie, est une comparaison entre deux méthodes d’hydratation, par voie intraveineuse ou par voie orale.

Objectif principal : Évaluation de l’apparition d’une néphrotoxicité chez les patients traités par cisplatine.

Type d’étude : Rétrospective et monocentrique, menée de 2010 à 2016.

Méthode :

De 2010 à 2012, les patients traités par cisplatine recevaient 2 litres de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 sur 6 heures avant la perfusion puis 1 litre de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 pendant 2h [groupe IV/IV]. Après la publication d’un nouveau protocole d’hydratation en 2013 mettant en avant la faisabilité d’une hydratation orale post-cisplatine1, les patients du centre ont reçu de 2014 à 2016 2 litres de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 pendant 6 heures avant la perfusion puis ils se voyaient recommandé de boire au minimum 1 litre par jour d’eau minérale [groupe IV/PO].

Résultats :

L’étude a recueilli et analysé les données de n=241 patients dans le groupe IV/IV et n=276 patients dans le groupe IV/PO. La population était homogène entre les deux groupes. L’étude retrouvait une néphrotoxicité de grade ≥ 1 pour 39,4% et 25,7%, respectivement pour les groupes IV/IV et IV/PO (p= 0,001). Un âge supérieur à 70 ans semblait associé à une augmentation du risque de néphrotoxicité (p= 0.004). Le cas des patients ayant switché vers le carboplatine a permis de mettre en évidence deux facteurs prédictifs de changement thérapeutique, le DFG < 90mL/min et un âge > 70ans.

Points forts :

Deux points clefs: la réalisation d’une hydratation orale post-cisplatine en ambulatoire est aussi sécuritaire que l’utilisation d’une perfusion IV, et le risque de néphrotoxicité est accru chez les patients âgés de plus de 70 ans.

Points faibles :

  • Pas d’évaluation de la fonction rénale en phase de maintenance (après arrêt des perfusions de cisplatine),
  • Pas d’évaluation des traitements associés pouvant entrainer une néphrotoxicité (ex : AINS …), probablement du fait du design rétrospectif.

 Conclusion/Implications en pratique :

Cet article permet de confirmer en vie réelle la faisabilité de l’utilisation d’une hydratation orale post perfusion de cisplatine. Cette application dans nos centres permettra de réduire la durée d’hospitalisation des patients et donc le cout associé à cette prise en charge. Elle permet également de rassurer les oncologues qui préfèrent souvent le carboplatine au cisplatine pour limiter les contraintes de l’hydratation, au dépend d’un profil d’efficacité … différent2. Elle permet d’apporter un nouvel élément de réflexion à la  balance bénéfice / risque pour chacune de ces deux molécules.

Rédigé par Clément CARBASSE

D’ après Puisset et al : Safety of oral hydration after cisplatin infusion in an outpatient lung cancer unit. Support Care Cancer 2018. Publication avancée en ligne le 17 août. DOI: 10.1007/s00520-018-4415-7.

1Lavolé et al. Routine administration of a single dose of cisplatine ≥ 75 mg/m² after short hydration in an outpatient lung-cancer clinic. Bull Cancer 2012. 99(4): E43-8

2Ardizzoni A et al. Cisplatine- versus carboplatine-based chemotherapy in first-line treatment of advanced non-small-cell lung cancer: an individual patient data meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2007. 99(11): 847-57

Faisabilité de l’auto-administration de trastuzumab par voie sous-cutanée : un case report

Question évaluée : Le trastuzumab est disponible sous forme sous-cutané (SC) depuis 2014 mais son administration n’est possible qu’en hospitalisation. Une patiente traitée par trastuzumab SC dans un contexte adjuvant, par ailleurs médecin de profession, souhaitait pouvoir se rapprocher de sa famille en dehors de France tout en poursuivant le traitement (non disponible dans son pays). Elle souhaitait partir avec 6 injections et pouvoir se les administrer elle-même.

Type d’étude : Case report

Méthode : La pharmacie de l’établissement a pris en charge la réalisation d’un  manuel d’instruction pour cette patiente basé sur le RCP du produit et leur expertise professionnelle. Ce guide contenait des informations suivantes :

  • le stockage du produit, la préparation de la seringue de façon aseptique et l’injection du produit est expliquée de manière détaillée.
  • des recommandations sur la surveillance post-injection, les principaux effets indésirables et leur prise en charge, un calendrier des dates d’injections et des sites à privilégier, ainsi qu’un annuaire des contacts et un chapitre questions/réponse.

Par  ailleurs, des sessions de formation avec une IDE de l’hôpital ont été réalisées.

Résultats : Durant les auto-administrations, plusieurs échanges par e-mail ont eu lieu entre la patiente et le pharmacien pour le suivi à distance. La patiente n’a remonté aucun problème de tolérance (mis à part de la fatigue). Un report de ces échanges a été tracé dans le dossier médical informatisé de la patiente. Le ressenti de la patiente vis-à-vis de l’auto-administration était qu’elle permettait d’atténuer la notion de maladie et sa gravité. Elle concluait à la fin de cette expérimentation qu’elle ne voyait que des avantages à l’auto-administration.

Points forts :

  • Actuellement, les délais et les coûts d’une hospitalisation de jour sont non négligeables : les auto-administrations de trastuzumab SC à la maison ou mixte maison/hôpital en alternance semblent être envisageables pour certaines patientes,
  • Le travail pluridisciplinaire entre la direction du centre, le personnel soignant et la pharmacie.

Points faibles :

  • Difficile d’extrapoler la faisabilité de ce cas (patiente médecin) à la population générale,
  • Les critères ayant permis de considérer que la patiente était formée ne sont pas décrits, de même que l’éventualité d’une évaluation finale des acquis théoriques et pratiques,
  • La formation pratique aurait pu être plus encadrée/formalisée pour être reproductible : la méthodologie aurait pu être plus détaillée sur ce point-ci,
  • Le temps dédié pour cette formation n’est pas décrit.

Conclusion/Implications en pratique  Ce case report mets en évidence un cas d’auto-administration de trastuzumab SC. La mise en place d’un programme d’ETP pourrait apporter de la légitimité à cette formation et rassurer les autorités de santé quant à une auto-administration. Il est probablement prématuré d’envisager cette solution en l’absence de critères de sélection des patients. De même, il sera indispensable d’y associer un cadre réglementaire approprié, un financement associé ainsi que de définir le temps alloué à la formation de chaque patient.

Rédigé par Anne DELDICQUE

D’après Deppenweiler M. et al: Subcutaneous auto-administration of trastuzumab following therapeutic education: A case report. J Oncol Pharm Pract 2018. Publication avancée en ligne le 20 août. DOI: 10.1177/1078155218792364

Robot vs Humanoïde : la préparation automatisée réduit-elle la contamination aux cytotoxiques ?

Question évaluée : Nos collègues allemands ont comparé le niveau de contamination environnementale d’une unité de reconstitution des chimiothérapies lors de la fabrication d’une série de poches et de seringues par deux robots différents et un préparateur en pharmacie hospitalière (PPH).

Type d’étude : Étude transversale

Méthode : Différents prélèvements de surface dans l’enceinte de fabrication de deux robots (CytoCare®, APOTECAchemo®) dont les versions de logiciel ont été prises en compte ont été analysés et comparés avec une fabrication manuelle sous hotte par un PPH. Concernant le robot, le PPH veillait au remplissage des flacons de cytotoxiques dans l’enceinte, récupérait les poches et seringues réalisées et effectuait leur entretien. Chaque surface a été préalablement nettoyée avec une solution de NaOH ethanoléique et d’un désinfectant. Les gants des PPH ont été changés toutes les 15 minutes pour les préparations sous hotte ou 30 minutes pour les robots. Le niveau de qualification du PPH a également été pris en compte. Les robots et les PPH ont réalisé des poches standardisées de 5-Fluorouracile (5-FU) et de différents Platines (Oxaliplatine, Cisplatine et Carboplatine). Plusieurs points de prélèvements ont été analysés par spectrométrie de masse couplée à une chromatographie gazeuse (5-FU) ou par voltampérométrie (Platines).

Résultats :

CytoCare® : 40 échantillons analysés, tous supérieurs à la limite de détection (LOD) pour le platine (0,02 ng/échantillon ; 0,05-0,4 pg/cm²) et 90% pour le 5-FU (0,2 ng/échantillon ; 0,5-4,4 pg/cm²). Les concentrations étaient plus élevées après la manipulation.

APOTECAchemo® : 40 échantillons analysés, tous supérieurs à la LOD pour le 5-FU et 90% pour le platine. Les concentrations étaient du même ordre avant et après manipulation.

Hotte : 20 échantillons analysés, tous supérieurs à la LOD pour le platine et 60% pour le 5-FU. Les concentrations étaient plus importantes sur le champ de la zone de manipulation, sur le champ de la zone de stockage des flacons cytotoxiques ainsi que sur les gants du PPH.

Pour les 135 poches de chimiothérapie fabriquées (105 par un automate, 30 par un PPH) les concentrations de cytotoxiques retrouvées sur la surface de celles-ci étaient du même ordre de grandeur dans tous les cas. Pour les 35 seringues fabriquées avec l’automate, les surfaces étaient plus contaminées lorsqu’un PPH effectuait l’ajustement de volume et apposait un bouchon obturateur. Cette contamination était plus faible avec un PPH plus expérimenté.

 Points forts :

  • Peu d’études réalisées avec des systèmes de reconstitution automatisée,
  • La comparaison de 2 systèmes robotiques avec des versions de logiciel différentes apporte des éléments intéressant pour le choix d’un robot de reconstitution des cytotoxiques,
  • La prise en compte du niveau de qualification du PPH.

 Points faibles :

  • Le nombre d’échantillon est faible,
  • Difficultés de comparer les études (méthodes d’analyses et méthodologies différentes).

Conclusion/Implications en pratique :

On aurait pu s’attendre à retrouver une contamination plus faible avec une méthode de fabrication automatisée. Le fait est que même si l’automatisation abolie les risques de piqures pour le préparateur et harmonise les procédures de fabrication, il réside un risque de formation de microgouttelettes générées par l’utilisation d’aiguilles, une contamination résiduelle sur les flacons de cytotoxiques fournis par les fabricants ainsi que des étapes effectuées par les PPH générant un manuportage des éventuels contaminants. A l’heure actuelle, aucun produit n’élimine en totalité les molécules cytotoxiques, c’est pourquoi on retrouve même avant fabrication des traces de contaminants. L’utilisation d’équipements de protection individuelle ainsi que la formation des préparateurs à la fabrication des chimiothérapies restent aujourd’hui la meilleure prévention pour éviter les risques d’exposition des travailleurs.

Rédigé par Pauline ZELLER

D’après Krämer I. et al: Environmental and Product Contamination during the Preparation of Antineoplastic Drugs with Robotic Systems. Pharm Technol Hosp Pharm 2018; 3(3); 153-164

Est-il possible de supprimer la prémédication par corticoïdes des traitements hebdomadaires par paclitaxel ?

Question évaluée : Le traitement des cancers mammaires par une séquence de paclitaxel hebdomadaire sur 12 semaines est un standard pour les prises en charge (néo)adjuvantes. Du fait du risque d’hypersensibilité (HSR) à l’administration de paclitaxel, une triple prémédication associant un corticoïde, un antihistaminique H1 et H2 est systématiquement proposée. La survenue d’effets indésirables associés à une exposition séquentielle de corticoïde sur plusieurs semaines (prise de poids, hyperglycémies, immunodépression, …) pose la question de la faisabilité de suspendre cette prémédication après les deux premiers cycles, durant lesquels surviennent la quasi-totalité des HSR au paclitaxel. L’objectif principal de cette étude était la non-infériorité du taux d’HSR entre les deux premières semaines S1 et S2 et la suite du protocole. Une évaluation de la qualité de vie et de la variation pondérale était également associée.

Type d’étude : Étude prospective monocentrique menée au Brésil entre août 2016 et janvier 2017.

Méthode : Inclusion continue des patients en traitement (néo)adjuvant par paclitaxel hebdomadaire (80 mg/m²). L’ensemble des prémédications (dexamethasone 20 mg, ranitidine 50 mg, diphenhydramine 50 mg) étaient administrées par voie intraveineuse 30 minutes avant le paclitaxel. A partir de la troisième semaine, la prémédication par dexamethasone était suspendue.

Résultats : En 5 mois les données de 25 patients ont été recueillies (âge moyen 49,5 [25-71]), dont la majorité (56%) dans un contexte néo-adjuvant. Au total 50 cycles avec (S1 et S2) et 250 cycles sans dexamethasone ont donné lieu à deux HSR durant les deux premiers cycles (respectivement de grade 1 et 2) et aucune HSR à partir de la troisième administration. Aucun changement de poids notable n’était relevé, et l’évaluation de la qualité de vie était également non-différente entre les deux premières semaines et la suite du traitement.

Points forts :

  • Étude associant le taux d’HSR avec la mesure de la qualité de vie des patients.

Points faibles :

  • Étude non-contrôlée,
  • Il existe un biais du fait que la totalité des patients avait reçu de la dexamethasone à visée antiémétique durant les cycles à base d’anthracycline,
  • Il existe un biais méthodologique du fait que les patientes pouvaient également recevoir des corticoïdes à visée antiémétique pendant l’étude, même si aucune n’y a eu recours,
  • Sur ce type d’étude, même si la puissance semblait suffisante, il semble dommage de n’inclure qu’un nombre réduit de patients.

Conclusion/Implications en pratique : Les questions autour de la prémédication des HSR au paclitaxel sont nombreuses. S’agissant de l’utilisation des corticoïdes, même si la tolérance semble acceptable au vu du schéma séquentiel, il est éthique de se poser la question de l’exposition des patients à une molécule qui semble inutile au-delà des deux premiers cycles. Cette question a été posé également pour l’utilisation d’un anti-H2 mais pour des raisons pharmacologique cette fois. Malheureusement, les auteurs n’abordent pas le caractère obligatoire de cette triple prémédication (RCP) et l’ensemble des études qui mettront en évidence la faisabilité d’une désescalade ne pourront être mises en pratique qu’à la condition d’une modification des RCP.

Rédigé par Florian SLIMANO

D’après de Castro Baccarin et al.: The feasibility of dexamethasone omission in weekly paclitaxel treatment for breast cancer patients. Support Care Cancer 2018. Publication avancée en ligne le 1er août. DOI: 10.1007/s00520-018-4381-0

Rôle du pharmacien dans la déprescription en oncogériatrie

Question évaluée : L’étude traite de la problématique de la polypharmacie chez les patients âgés atteints de cancer. L’objectif principal est la comparaison d’une utilisation séquentielle de trois échelles d’évaluation de la pertinence de la prescription (les critères Beers, START/STOPP et le Medication Appropriatness Index MAI) contre les seuls critères de Beers. Les objectifs secondaires étaient d’évaluer le nombre moyen de médicaments déprescrits par patient, les couts évités et le temps associé aux interventions du pharmacien.

Type d’étude : Prospective monocentrique menée sur 8 mois.

Méthode : Pour chaque patient recueil des données cliniques (type de cancer, ECOG, symptômes ressentis, allergies), réalisation d’un bilan médicamenteux optimisé et détection d’interactions médicamenteuses. Dans un premier temps, une utilisation séquentielle des trois outils versus Beers permettait la détection des prescriptions potentiellement inappropriées Dans un second temps, le pharmacien engageait, si pertinent, une déprescription des médicaments potentiellement inappropriés après discussion avec le patient, l’oncologue et l’équipe soignante.

Résultats : Au total les données de 26 patients ont été colligées (âge 81 ans [65-92]), le nombre moyen de médicaments était de 12 [5-24], le temps pharmacien associé de 30 minutes [18-77]. En cumulé n=312 médicaments ont été recueillis (197 prescrit et 113 hors prescription) avec en moyenne 4 interactions/patient [0-11] dont n=10 interactions médicamenteuses en lien avec leurs traitements oncologiques. Au total 119 prescriptions potentiellement inappropriées ont été détectées avec l’utilisation simultanée des 3 outils versus 38 avec Beers uniquement. Parmi elles 73% (87 sur 119) des médicaments identifiés ont été déprescrits soit 3  par patients (0-12). Seize patients ont pu être suivi permettant de mettre en évidence une réduction de certains symptômes et effets indésirables (seules deux médicaments ont été réintroduis). Le gain estimé était de 111 390 $ (4 282,27 $ / patient). Le cout associé au salaire du pharmacien a été mesuré pour 26 patients à 110 470 $.

Points forts :

  • Confirme l’impact du pharmacien en oncogériatrie et la nécessité de bilans médicamenteux systématiques,
  • L’étude associe des critères pharmaceutiques, économiques et a réussi à mesurer le temps associé à ces démarches de pharmacie clinique.

Points faibles :

  • L’évaluation de l’amélioration clinique après déprescription semble subjective,
  • Faible nombre de patient et un seul centre d’étude,
  • Extrapolation de certains coûts comme ceux d’évitement d’un évènement indésirable grave,
  • Cout en dollars : estimation du coût par exemple : évitement d’un évènement indésirable grave 2 200 $.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude met en évidence l’impact positif d’un processus de révision des prescriptions médicamenteuses dans la pratique quotidienne. La déprescription doit être réalisée de manière collégiale pour permettre une bonne acceptation du processus (ici 73%).

Rédigé par Clément CARBASSE

Whitman et al: Pharmacist-led medication assessment and deprescribing intervention for older adults with cancer and polypharmacy: a pilot study. Support Care Cancer, 2018. Publication avancée en ligne le 4 juin.

Le nivolumab peut s’administrer en 30 minutes !

Question évaluée : la question du temps d’administration des médicaments anticancéreux est discutée au regard des paramètres liés à la molécule et au volume administré mais également, virage ambulatoire oblige, aux contraintes organisationnelles des services de type « hôpital de jour ». En d’autres termes, il est toujours intéressant de réduire la durée d’administration des chimiothérapies tant que la sécurité du patient est garantie. Parmi les anticorps monoclonaux utilisés en cancérologie, des travaux ont permis par exemple de réduire la durée d’administration du bevacizumab ou de l’ipilimumab. L’étude présentée ici pose la question de la durée d’administration du nivolumab, actuellement de 60 minutes.

Type d’étude : analyse rétrospective sur la base des données de l’étude CheckMate 153 (nivolumab dans le traitement du cancer bronchique pré-traité)

Méthode : amendement au protocole en cours d’essai avec diminution de la durée d’administration de 60 à 30 minutes. L’objectif principal était le taux de réactions d’hypersensibilité (RHS) de grade 3-5. Les objectifs secondaires étaient en lien avec le taux d’évènements indésirables (EI) et l’utilisation associée de traitements immuno-modulateurs.

Résultats : Au total 737 patients ont été inclus dans l’analyse rétrospective (respectivement n=369 dans le groupe 30 min et n=368 dans le groupe 60 min). Les données démographiques entre les deux groupes (âge, sexe, état général, paramètres oncologiques et traitements précédents) ne différaient pas significativement. N=18 patients ont présenté une RHS (dont 3 de grade >2) dans le groupe « 30 min » n=15 (dont 4 de grade 2) dans le groupe « 60 min ». Parmi les autres EI la fatigue était retrouvée dans 18% et 15% des cas, respectivement dans les groupes « 30 min » et « 60 min ». Il y avait par ailleurs plus de diarrhées (10% vs. 5%) dans le groupe « 30 min » et un taux de nausées comparable (8% vs. 7%).

S’agissant de l’exposition du patient au nivolumab, l’utilisation d’un modèle de pharmacocinétique de population a permis de prédire une concentration max de 58,5 µg/L après la première dose et de 128 µg/mL à l’état d’équilibre pour les deux groupes. Ces données étaient cohérentes avec la longue demi-vie du nivolumab (25 jours).

Points forts :

  • Cette étude intègre à la fois des données de tolérance et d’exposition,
  • Le nombre de patients est important.

Points faibles :

  • Etude rétrospective et en cours d’essai, les données de survie sont incomplètes et déséquilibrées,
  • Pas d’analyse statistique et donc uniquement des tendances.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude valide la faisabilité d’administrer le nivolumab en 30 minutes. Cela représente un réel intérêt pour la diminution du temps de présence dans la mesure où ces molécules sont administrées en monothérapie. En théorie ces données ne sont applicables qu’aux patients traités pour un cancer bronchique mais il semble légitime d’extrapoler au moins aux patients traités pour un mélanome métastatique.

Rédigé par Florian SLIMANO

Waterhouse et al.: Safety profil of nivolumab administered as 30-min infusion: analysis of data from CheckMate 153. Cancer Chemother Pharmacol 2018; 81(4): 679-86.

Impact de l’administration des anticorps monoclonaux par voie sous-cutanée sur le temps passé en hôpital de jour

Question évaluée : Le développement de la voie sous-cutanée (SC) pour l’administration des anticorps monoclonaux a un impact à la fois sur la qualité de vie des patients et sur l’organisation des Hôpitaux de Jour (HDJ). L’objectif de cette étude est d’évaluer l’apport de la voie SC en comparaison à la voie intraveineuse (IV) sur l’organisation d’un HDJ d’oncologie en conditions réelles et en matière de gain de temps.

Type d’étude : Étude française prospective observationnelle monocentrique menée sur 5 jours en mars 2015 dans un HDJ disposant de 50 lits et traitant exclusivement des tumeurs solides (dont 62% de cancer du sein).

Méthode : Les patients recevant un traitement adjuvant et volontaires ont reçu à leur arrivée en HDJ une feuille de relevé à compléter durant leur séjour. Le relevé des horaires était structuré de manière à distinguer les temps médicaux des temps d’attente. Les traitements prescrits et préparés par anticipation ont été distingués des prescriptions non anticipées.

Résultats : Les données de 48 patientes ont été analysées. La prescription et la préparation ont été anticipées pour 89% des patientes.

La durée totale de présence en HDJ était de 1h32 pour la voie SC (n=13) versus 2h28 pour la voie IV (n=35). La réduction du temps total était principalement due au temps d’administration réduit de 82%. Le temps d’occupation du fauteuil par le patient était réduit de 62% avec la voie SC tout en permettant une augmentation du temps de surveillance post administration par rapport à la voie IV. La répartition temps médicaux/temps d’attente était de 50%/50% pour la voie SC contre 66%/34% pour la voie IV.

Points forts :

  • Comparaison de traitements en monothérapie : la seule variable est la voie d’administration (IV ou SC),
  • Séquençage en temps médicaux et temps d’attente permettant de cibler les périodes sans valeurs ajoutées,
  • Peu d’articles ont été publiés sur l’impact des voies SC sur le temps d’attente en HDJ.

Points faibles :

  • Les auteurs semblent se focaliser sur une thérapie ciblée sans jamais la citer (même si on devine le trastuzumab), ce qui limite la portée de l’étude,
  • Faibles cohortes de patientes dans le bras « SC » (12 patients) et dans le bras « non anticipés » (5 patients) rendant difficile l’interprétation et l’extrapolation des résultats.
  • Perception du parcours par les patients jugée exclusivement sur les temps d’attente et pas sur la satisfaction,
  • Hormis la réduction du temps d’administration, les résultats sont difficilement transposables à d’autres établissements car ils dépendent de l’organisation interne à chaque HDJ et de leur proximité avec l’unité de préparation. L’impact de la voie SC sur l’organisation actuelle du service n’est pas clairement défini et une réorganisation autour de la voie SC n’est pas proposée. Enfin l’argument du temps de surveillance est limité dans la mesure où ce temps est avant tout règlementaire.

Conclusion/Implications en pratique :

La voie SC peut permettre de réduire significativement le temps de présence des patients en HDJ et d’optimiser l’occupation des fauteuils mais cela implique qu’une réorganisation spécifique autour de cette voie soit préalablement mise en place. D’autre part, l’intérêt économique de la voie SC par rapport à la voie IV devra être rediscuté avec l’arrivée des biosimilaires du trastuzumab IV attendu en 2018.

Rédigé par Marie PETER et Johan BOURBON

D’après Despiau et al.: Étude observationnelle du temps passé en hôpital de jour selon la voie d’administration (intraveineuse vs sous-cutanée) d’une thérapie ciblée.  Bull Cancer,  2017; 104(10) : 869-74

Olanzapine dans la prévention des nausées et vomissements induits par la chimiothérapie : 5 mg non-inférieur à 10 mg, avec moins de somnolences

Question évaluée : L’olanzapine est un antipsychotique dont les propriétés antiémétiques chez les patients recevant des chimiothérapies hautement émétisantes ont été démontré. L’administration discontinue (en général pendant 4-5 jours) permet une bonne tolérance à l’exception de somnolences fréquentes (jusque 75% des patients) et possiblement dose-dépendantes. La question de la dose – 10 mg ou 5 mg par jour – est donc particulièrement d’intérêt.

Type d’étude : Phase 2 multicentrique randomisée en double aveugle.

Méthode : Deux groupes de patients recevant une chimiothérapie à base de cisplatine (> 50 mg/m²), une prévention antiémétique composée d’aprepitant, palonosetron et dexamethasone et olanzapine 5 mg ou 10 mg pendant 4 jours. L’objectif principal était la non-infériorité des taux de réponse complète (RC), c'est à dire l'absence de vomissements et l'absence de recours à un traitement antiémétique supplémentaire. Un des objectifs secondaires était le taux de somnolence évalué par une échelle analogique visuelle avec baseline.

Résultats : Le groupe 10 mg a inclus n=75 patients et le groupe 5 mg n=77 patients. Les taux de CR étaient comparables : 77,6% (IC80% 70,3-83,8) versus 85,7% (79,2-90,7). Le taux de somnolence semblait plus fréquent dans le groupe 10 mg que dans le groupe 5 mg, respectivement 53,3% vs. 45,5%. Cette différence s’estompait au 5ème jour, après la fin de l’olanzapine.

Points forts :

  • étude prospective randomisée en double-aveugle.

Points faibles :

  • Pas de groupe contrôle (sans olanzapine). Les deux cohortes sont comparées à une cohorte publiée et de dimension différente,
  • Le critère principal est la RC alors que ce critère est à abandonner. Il semble préférable aujourd’hui d’adopter l’absence de nausées, et éventuellement l’absence de vomissements en critère principal,
  • On devine que l’efficacité d’une dose de 5 mg est (au moins) non-inférieure mais sans l’appui d’analyses statistiques (et un intervalle de confiance de 80% !).

Conclusion/Implications en pratique : étude très utile en pratique puisque si l’intérêt d’olanzapine dans la prévention (et le traitement) antiémétique est démontré, plusieurs schémas posologiques cohabitent. La dose de 10 mg est recommandée par les sociétés savantes mais elles ne s’appuient pas sur des études comparatives. Cette étude permet d’affirmer que la dose de 5 mg fait, au moins, aussi bien, et avec a priori moins de somnolences. L’absence de comparaison statistique de cet objectif est par contre préjudiciable.

 Rédigé par Florian SLIMANO

D’après Yanai T. et al. A double-blind randomized phase II dose-finding study of olanzapine 10 mg or 5 mg for the prophylaxis of emesis induced by highly emetogenic cisplatin-based chemotherapy. Int J Clin Oncol, 2017. Publication avancée en ligne le 16 octobre. DOI: 10.1007/s10147-017-1200-4

Interventions pharmaceutiques en oncologie dans un hôpital universitaire Brésilien

Question évaluée : évaluer les différents types d’erreurs de prescriptions, les interventions pharmaceutiques (IPs), leur taux d’acceptation et leur impact clinique.

Type d’étude : étude prospective transversale d’une période de 8 mois (juillet 2014- mars 2015) dans un service d’oncologie de 15 lits. Critère d’inclusion : prescription informatique ayant au moins deux médicaments.

Méthode : analyse pharmaceutique avec référentiels (UptodateTM, Thomson MicromedexTM, protocoles d’établissement). Les erreurs étaient transmises aux internes et classées par catégories : interaction médicamenteuse, sur/sous dosage, médicament non-indiqué, rythme/voie d’administration, contre-indication, effet indésirable, inefficacité thérapeutique. Les IPs étaient classées comme : acceptée, partiellement acceptées, non acceptées. L’impact clinique d’une erreur de prescription était gradé en 5, de « vital » à « nul ». L’impact de l’IP était classé en : extrêmement significatif, très significatif, significatif, peu significatif, non significatif, dangereux.

Résultats : au total n=1874 prescriptions ont été analysées chez 248 patients, le nombre moyen de médicaments par patient étaient de 7,6±7,7. Il y avait n=283 erreurs rencontrées impactant 133 patients, les plus fréquentes étant les interactions médicamenteuses dangereuses (31%), les surdosages (23%). Les principales classes concernées étaient les médicaments de la voie digestive et du métabolisme, les anti-infectieux. N=294 IPs pour 216 acceptées (taux d’acceptation 73,5%) et le type d’erreur n’influençait pas statistiquement ce taux. Au final 76% des erreurs étaient classées comme étant cliniquement significatives et 72% des IPs sont classées comme étant très significatives.

Points forts : peu d’études focalisées sur l’analyse pharmaceutique en oncologie sont publiées dans les revues avec comité de lecture. La notion de pertinence clinique de l’erreur et de l’IP est également un point fort.

Points faibles : cette étude manque de précision au moins dans sa rédaction concernant :

  • le mode de transmission de l’IP (oral, informatique ou autre),
  • présence pharmaceutique dans le service (temps dédié),
  • le type de pharmacien (interne, senior),
  • nombre d’erreurs (283) est inférieur au nombre d’IP (294).

La cotation de l’impact clinique réalisée uniquement par les pharmaciens est une faiblesse méthodologique. Il aurait été plus pertinent de réaliser une double cotation de l’impact clinique (pharmacien et médecin). Se pose la question de l’intérêt de deux cotations cliniques (erreur de prescription et intervention pharmaceutique). Le choix de l’échelle de cotation n’est pas discuté. Le choix d’une échelle largement utilisée comme celle de Hatoum aurait été plus pertinent.

Conclusion/Implications en pratique : cette étude renforce l’intérêt d’actions de pharmacie clinique en service d’oncologie tout en mettant en évidence la difficulté d’évaluer impact réel de ces actions. Le développement de référentiels internationaux et d’indicateurs standards spécifiques à l’oncologie pourrait permettre une meilleure comparaison des pratiques.

Rédigé par François Lesauvage

Ferracini et al.: Prescribing errors intercepted by pharmacist intervention in care of patients hospitalised with breast and gynaecological cancer at a Brazilian teaching hospital. Eur J Cancer Care 2017. Publication avancée en ligne le 19 septembre. DOI: 10.1111/ecc.12767

Evaluation de l’impact économique potentiel de l’arrondi de dose des chimiothérapies injectables dans un centre hospitalier

Question évaluée : Dans un contexte de maîtrise des dépenses associé à l’explosion des coûts des chimiothérapies, la mise en place de stratégies de minimisation des coûts s’avère nécessaire, comme par exemple l’arrondi de doses. Le but de cette étude est de déterminer si l’arrondi de dose permet de diminuer les coûts et le gaspillage dans un centre ayant une faible activité oncologique.

Type d’étude : monocentrique rétrospective sur les prescriptions informatisées de chimiothérapies injectables sur une année dans le centre de Durham, en Caroline du Nord.

Méthode : Les prescriptions informatisées de chimiothérapies injectables (basées sur la surface corporelle) avec

  • calcul des doses après arrondi à 5 % par défaut pour toutes les prescriptions d’une part,
  • et jusqu’à 10 % pour les cas où des métastases sont documentées d’autre part.

Dans les deux cas, les auteurs ont sélectionné les prescriptions pour lesquelles l’arrondi entrainerait une économie de flacon en calculant le pourcentage de différence avec et sans arrondi sur la base du prix d’achat ainsi que les quantités totales potentielles de chimiothérapies économisées.

L’objectif principal était d’évaluer la minimisation potentielle des coûts et l’objectif secondaire d’évaluer la minimisation potentielle du gaspillage.

Résultats : Les auteurs ont analysé 877 prescriptions (70 patients), dont 52 % documentaient des métastases.

Avec un arrondi des doses à 5 % : n=140 prescriptions auraient permis une économie potentielle de flacon évaluée à 22 849 $ soit un coût 3,8% inférieur au coût sans arrondi. La majorité (74 %) de l’économie concernait 3 molécules : bortezomib, rituximab, carfilzomib. Au total, 83 802 milligrammes de chimiothérapies auraient pu être économisés.

Avec un arrondi des doses à 10 % : n=248 prescriptions permettraient une économie de flacon évaluée à 30 911 $ soit un cout 5,2 % inférieur au coût sans arrondi. Deux tiers de l’économie concernait les mêmes molécules. Au total, 129 011 milligrammes de chimiothérapies auraient pu être économisés.

Points forts

  • Étude incluant beaucoup de molécules,
  • Cette stratégie aurait un impact même dans un centre de petite taille comme dans l’étude.

Points faibles

  • Biais principal : tous les flacons sont considérés comme monodoses et tous les flacons entamés sont considérés comme jetés,
  • Étude basée sur des coûts potentiels et non réels,
  • Non exhaustive : n’inclue pas les prescriptions en fonction du poids des patients,
  • L’arrondi à 10 % pose des questions d’ordre éthique : le pronostic du patient doit-il influer sur le degré d’arrondi de dose? Qu’en est-il de l’efficacité ?

Conclusion/Implications en pratique : Même pour un centre oncologique de petite taille, un arrondi de dose systématique à 5 % par défaut pourrait permettre une économie significative pour l’établissement. Cette étude réalisée dans le système de financement américain doit être évaluée en prenant en compte l’environnement français. Cette stratégie est simple et facile à mettre en place, peut être paramétrée informatiquement. En revanche la quantité de chimiothérapie non gaspillée est difficilement interprétable en matière de coûts ou d’économie puisque la plupart des établissements réutilisent les reliquats de flacons.

Rédigé par Leslie GUILLEMETTE et Olivier REGNIER-GAVIER

D’après Chillari et al.: Assessment of the potential impact of dose rounding parenteral chemotherapy agents on cost savngs and drug waste minimization. J Oncol Pharm Pract. 2017. Publication avancée en ligne le 21 juillet. DOI: 10.1177/1078155217722205

La prescription de lopéramide à haute dose dans le traitement des diarrhées chimio-induites est-elle sans risque pour le patient ?

Question évaluée : Dans le traitement des Diarrhées Chimio-Induites (DCI) et particulièrement pour les chimiothérapies à base d’irinotecan, des fortes doses de lopéramide peuvent être prescrites (jusqu’à 24mg par jour) en comparaison aux posologies recommandées dans le Résumé des Caractéristiques Produit. En s’appuyant sur une mise en garde récente de la Food and Drug Administration (FDA) sur le risque d’une toxicité cardiaque liée à des doses élevées de lopéramide, les auteurs posent la question de savoir si les posologies utilisées pour le traitement des DCI sont sans danger pour le patient.

Type d’étude : Revue de la littérature

Méthode : Les auteurs ont réalisé une recherche bibliographique des cas cliniques associant des doses élevées de lopéramide (toutes situations confondues) et une toxicité cardiaque. Ils ont également recherché une corrélation entre les concentrations plasmatiques de lopéramide et la dose journalière afin d’évaluer l’hypothèse  d’une toxicité cardiaque dose-dépendante.

Résultats : Les auteurs ont recensé 48 cas de patients présentant une toxicité cardiaque (allongement de l’espace QT, troubles du rythme ou arrêt cardiaque) associée à une forte dose de lopéramide sur une période de 39 ans. Les doses prescrites allaient de 64 mg à 1600 mg par jour, ce qui est nettement supérieur aux doses prescrites habituellement dans le traitement des DCI. Les concentrations plasmatiques associées à ces fortes doses (de 22 ng/mL à 210 ng/mL) semblent être corrélées à la posologie journalière prescrite chez les patients. Celles-ci sont bien supérieures aux concentrations mesurées avec des posologies usuelles, de 1,18 ng/mL à 3,35 ng/mL pour des posologies de 8 à 16 mg par jour.

Points forts : Cette étude permet de conforter les pratiques actuelles à dépasser les doses maximales de lopéramide sans pour autant exposer le patient des évènements cardiaques graves.

Points faibles : La recherche réalisée par l’auteur ne prend en compte que les risques cardiaques associés au lopéramide ou d’autres effets indésirables peuvent être potentiellement majorés (somnolence, vertiges, douleurs abdominales, nausées-vomissements…). Les autres principes actifs à toxicité cardiaque ne sont pas mentionnés. De plus, les posologies retrouvées ne sont pas représentatives de celles utilisées en pratique pour le traitement des DCI, malgré l’effort de l’auteur à essayer de corréler les concentrations plasmatiques avec la posologie prescrite. On regrettera aussi le manque de détail sur la méthodologie de sa recherche bibliographique.

Conclusion/Implications en pratique : L’incidence d’un évènement cardiaque grave associé à des fortes doses de lopéramide reste assez faible au vue du nombre de cas rapportés dans la littérature. La balance bénéfice/risque reste en faveur de la prescription de lopéramide à haute dose dans le traitement des DCI qui représentent une complication plus fréquente et potentiellement grave si non contrôlées.

Rédigé par Thibault VALLECILLO

De Lemos et al. Loperamide and cardiac events: Is high-dose use still safe for chemotherapy-induced diarrrhea? J Oncol Pharm Pract 2017. Publication avancée en ligne le 16 juillet. DOI: 10.1177/1078155217718384

Le Coca-cola® n’améliore pas l’absorption d’imatinib chez les patients atteints de GIST après gastrectomie

Question évaluée : Dans notre rubrique, nous rapportions l’intérêt d’ingérer l’erlotinib avec du Coca-cola® comme acidifiant pour améliorer l’absorption lors de la prise concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons (https://sfpo.com/oncopharmactu-article-1/). Nous résumons ici la situation des patients traités par un autre inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), l’imatinib, pour une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) ayant subi une gastrectomie majeure. Chez ces patients l’absorption d’imatinib est réduite et les concentrations plasmatiques minimales retrouvées (Cmin < 1100 µg/L) exposent à des résultats cliniques défavorables. La question posée est de savoir si l‘utilisation de Coca-cola® peut restaurer l’absorption d’imatinib chez ces patients.

Type d’étude : Essai clinique de pharmacocinétique contrôlé, randomisé, en cross-over.

Méthode : les patients étaient exposés à la posologie de 400 mg par jour pendant 7 jours pris avec de l’eau. Au 7ème jour, une pharmacocinétique de l’imatinib était réalisée puis les patients poursuivaient 7 jours de plus mais en prenant l’imatinib avec du Coca-cola®. Au 14ème jour les mêmes procédures pharmacocinétiques étaient effectuées.

Résultats : Sept patients ont participé à l’étude. Les ratios des moyennes géométriques des aires sous la courbe (AUC), concentration max (Cmax) et Cmin, temps max et temps de demi-vie ne retrouvent pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. Dans les deux situations la Cmin est inférieure à la borne de 1100 µg/L.

Points forts : étude en cross over permettant de limiter les variations interindividuelles du fait de différents contextes chirurgicaux. La méthode de dosage est décrite et la méthodologie est bien construite (et similaire à l’étude de Van Leeuwen).

Points faibles :

  • dans la méthode les auteurs évoquent une randomisation entre les patients commençants par l’eau et ceux par le Coca-cola® mais les résultats ne précisent pas la répartition,
  • même si il s’agit d’une étude en cross over le nombre de sujets est faible et il semble que l’étude soit multicentrique (affiliations des auteurs) mais le manuscrit ne précise pas le nombre de patients par centre.

Conclusion/Implications en pratique : chez les patients atteints de GIST et opérés la restauration d’un pH faible ne permet pas d’améliorer l’absorption pour obtenir des concentrations cliniquement efficaces. Les auteurs émettent l’hypothèse d’une implication de transporteurs gastriques (en l’occurrence ABCC4) dans l’absorption d’imatinib (démontré avec dasatinib chez l’animal) qui seraient absent chez les patients gastrectomisés. En pratique, l’utilisation du Coca-cola® pour améliorer l’absorption des ITK est une piste intéressante mais cette étude confirme qu’elle doit être évaluée au cas par cas et dans le cadre d’études de pharmacocinétique bien conduites.

Rédigé par Florian SLIMANO

Lubberman FJE et al.: Does a glass of Coke boost the exposure to imatinib in gastrintestinal stromal tumour patients after gastrectomy? Br J Clin Pharmacol 2017. Publication avancée en ligne le 4 juillet. DOI: 10.1111/bcp.13333

Gingembre et prévention des nausées chimio-induites : échec … et mat ?

Question évaluée : Le gingembre possède des propriétés antiémétiques qui font l’objet d’investigations régulières dans la prévention des nausées et vomissements chimio-induits (NVCI). La dernière étude publiée donnait des résultats négatifs et avait été résumée dans notre rubrique fin 2016. Une nouvelle étude, de grande ampleur (dans le domaine de la phytothérapie) vient de paraître chez des patients traités par des doses de cisplatine < 50 mg/m².

Type d’étude : Randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle et multicentrique.

Méthode : Deux groupes traités soit par gingembre (deux capsules matin et soir d’un extrait standardisé contenant 40 mg de gingembre) soit placebo pendant deux cycles de chimiothérapie hautement émétisante en plus d’une prévention conventionnelle. L’objectif principal était une amélioration de la proportion de patient sans nausées (Visual Analogue Scale VAS < 5 mm) et de patients avec nausées cliniquement non-significatives (VAS < 25 mm) dans le bras traité. Les objectifs secondaires étaient en lien avec la qualité de vie via les questionnaires FLIE (Functional Living Index Emesis) et BFI (Brief Fatigue Inventory).

Résultats : Les données de 244 patients répartis en groupe traité (n=121) et placebo (n=123) ont pu être analysées. Les localisations les plus représentés étaient les cancers bronchiques (49%) et ORL (35%). Après deux cycles de traitement, aucune différence significative entre les deux groupes n’a pu être mise en évidence sur l’incidence et la sévérité des nausées. Aucune différence n’a été retrouvée sur les autres objectifs. L’analyse en sous-groupe a mis en évidence une amélioration du score des nausées (questionnaire FLIE) chez les femmes (p=0,048) et chez les patients atteint de cancer ORL (p=0,038). Des troubles digestifs à titre de dyspepsies, douleurs gastriques et hoquets ont été plus fréquemment retrouvés dans le groupe traité.

Points forts : Étude de grande ampleur et de bonne qualité méthodologique. Utilisation de différentes méthodes validées de mesure des nausées. La population semble peu hétérogène.

Points faibles : Les auteurs ne discutent pas des différentes posologies de gingembre et ne parlent  que de « dose standardisée ». Il n’y a aucune discussion autour de la présence et/ou sévérité des vomissements pour des patients recevant pourtant une chimiothérapie hautement émétisante.

Conclusion/Implications en pratique : Cette étude de bonne qualité permet de confirmer l’absence de bénéfice du gingembre dans la prévention des nausées chimio-induites. Le bénéfice (la tendance) retrouvé en sous-groupe ne semble pas pertinent pour de futures investigations et cette thérapie complémentaire, sous forme d’extraits en capsule, doit être écarté de l’arsenal thérapeutique anti-nauséeux. Les effets indésirables retrouvés dans cette étude, même si ils semblent mineurs, contribuent à accentuer le caractère défavorable de la balance bénéfice/risque du gingembre dans cette indication.

Rédigé par Florian SLIMANO

D’après Bossi P et al.: A randomized, double-blind, placebo-controlled, multicenter study of a ginger extract in the management of chemotherapy-induced nausea and vomiting (CINV) in patients receiving high dose cisplatin. Ann Oncol 2017. Publication avancée en ligne le 28 juin. DOI: 10.1093/annonc/mdx315