Question évaluée : Le pemetrexed, comme le méthotrexate, sont éliminés par un mécanisme de sécrétion tubulaire impliquant les transporteurs d’anions organique humains (hOAT). Les inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) inhibent hOAT3 majorant de fait la toxicité hématologique du méthotrexate par diminution de sa clairance d’élimination. Une équipe japonaise a étudié l’interaction potentielle IPP - permetrexed.
Type d’étude : combinaison d’une étude expérimentale et d’une analyse rétrospective non-contrôlée
Méthode :
- étude du mécanisme pharmacologique de pénétration cellulaire du pemetrexed en présence et absence d’IPP chez des cellules exprimant hOAT3 et détermination des constantes associées (Km, Vmax et IC50).
- analyse rétrospective d’une série de patients traités par pemetrexed et carboplatine pour un cancer bronchique non-à petites cellules. Analyse multivariée sur la comédication avec les IPP, les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS), l’âge, la clairance de la créatinine (Cockroft-Gault), la dose de pemetrexed, les baselines de la NFS.
Résultats : L’étude pharmacologique mets en évidence une pénétration cellulaire concentration-dépendante du pemetrexed avec phénomène de saturation (Km 68,3±11,1 et Vmax 157±9 pmol/mg protéine/min). Les expérimentations avec IPP montrent pour le lansoprazole un potentiel inhibiteur compétitif important (IC50 0,57±0,17) comparé à un inhibiteur de référence (probénécide), qui n’est pas retrouvé chez les autres IPP testés.
Dans une cohorte de 108 patients, la consommation de lansoprazole apparaît comme (seul) facteur de risque indépendant de survenue d’une hématotoxicité par pemetrexed (OR 10,004 p=0,005) (7 des 26 patients recevant IPP et pemetrexed).
Point fort :
- étude pharmacologique qui renforce les connaissances sur la capacité des IPP à interagir avec les transporteurs rénaux en démontrant avec le pemetrexed un effet similaire à celui connu avec méthotrexate.
Points faibles :
- les auteurs justifient le caractère pertinent de l’interaction sur la base du critère FDA (Cmax/IC50?0,1) mais ne le démontrent que pour une dose de lansoprazole de 30 mg alors que la majorité des patients (87%) recevaient 15 mg par jour,
- design retrospectif sur faible cohorte (108 patients, 26 sous IPP dont 15 sous lansoprazole),
- biais de confusion des thrombopénies possiblement induites par la carboplatine non discuté.
Conclusion/Implications en pratique : C’est la première étude qui suggère une hématotoxicité du pemetrexed en cas d’association aux IPP. Le concept de combiner une approche expérimentale et clinique se révèle peut-être un mauvais choix car la faiblesse de cette dernière déteint sur la robustesse de l’étude expérimentale. Ce résultat préliminaire n’est pas suffisant pour incriminer le lansoprazole comme facteur d’exacerbation de l’hématotoxicité du pémétrexed. Cependant, cette étude a le mérite d’apporter un argument supplémentaire à la nécessité de rationnaliser l’usage des IPP chez les patients hospitalisés.
Rédigé par Florian SLIMANO