Question évaluée : le cisplatine est un cytotoxique néphrotoxique provoquant des lésions directes au niveau du tube proximal et de la branche ascendante de l’anse de Henlé (altération de l’ADN, stress oxydatif, dysfonctionnement mitochondrial, inhibition de la synthèse des protéines). Le magnésium possède des propriétés néphroprotectrices donc le mécanisme est mal expliqué. Le but de cette étude était de :
- Mettre en évidence l’effet néphroprotecteur du magnésium par voie intraveineuse chez des patients traités par cisplatine,
- Caractériser la relation entre l’effet néphroprotecteur et magnésémie.
Type d’étude : Étude rétrospective
Méthode : Cohorte de 58 patients atteint d’un cancer ORL ayant tous reçu un protocole à base de cisplatine 75mg/m² et docétaxel 75mg/m² au J1, 5-fluorouracile 750mg/m² du J1 au J5.
Deux groupes de patients (entre 2010-2012 et 2012-2015, respectivement) :
- n=29 patients sans prémédication par magnésium (groupe contrôle)
- n=29 patients avec prémédication par magnésium (2,46 grammes dilués dans du NaCl 0,9% et administrés 30 minutes avant le cisplatine).
L’hydratation commune à tous les patients comprenait 2500 mL de NaCl 0,9% + 300 mL de Mannitol 20%. La clairance de la créatinine (Clcr) était estimée à l’aide de la formule de Cockcroft-Gault et la néphrotoxicité selon les critères du CTCAE.
Résultats : Dans le groupe contrôle, n=5 patients ont présenté une néphrotoxicité à l’issue de la première cure et n=6 patients ont développé une néphrotoxicité lors des cures suivantes. Dans le groupe test, aucune néphrotoxicité n’a été notifiée (différence significative p<0,01 en analyse univariée) et les variations de la Clcr étaient plus faibles. Il n'y a pas eu de différence dans les profils de tolérance et d’efficacité. Il a été observé dans les deux groupes une diminution du magnésium plasmatique à des taux équivalents (effet hypomagnésémiant connu des sels de platine). Enfin l’administration concomitante d’AINS semblait être associé à une néphrotoxicité au cisplatine plus importante (p<0,02 en analyse univariée).
Points forts : Première étude mettant en évidence l’effet protecteur de la prémédication par du magnésium intraveineux et prenant en compte la magnésémie en parallèle.
Points faibles :
- étude rétrospective, faible nombre de patients (et 90% de sujet masculins),
- design ne permettant pas de déterminer le mécanisme de néphroprotection induit par le magnésium,
- l’étude ne compare pas différentes doses de magnésium et ne permet donc pas de déterminer la dose nécessaire ou minimale pour prévenir efficacement la néphrotoxicité induite par le cisplatine.
Conclusion/Implications en pratique : la prémédication par magnésium intraveineux semble avoir un effet protecteur sur la néphrotoxicité induite par le cisplatine mais ne dispense en aucun cas d’une hydratation importante. Des études prospectives testant plusieurs doses et schémas d’administration du magnésium seront indispensables pour caractériser l’effet néphroprotecteur du magnésium intraveineux.
Rédigé par Nelly LONCA