Question évaluée : La prise en charge médicamenteuse des patients âgés atteints de cancer est associée à de nombreux facteurs de risques de iatrogénie médicamenteuse pouvant avoir un retentissement important sur leur qualité de vie. Depuis avril 2022 (Décret no 2022-693), les établissements de santé doivent proposer aux patients âgés à risque ou en perte d'autonomie atteints de cancer, un traitement adapté à leur profil gériatrique. Pour cela, le dépistage de fragilités doit être systématiquement réalisé et si besoin, une prise en charge gériatrique personnalisée doit pouvoir être mise en place. De par son expertise, le pharmacien peut contribuer à limiter la iatrogénie médicamenteuse par la réalisation de bilans de médication, et donc sécuriser le parcours de soins de ces patients.
 Type d’étude : Étude interventionnelle relative à la mise en place d’entretiens pharmaceutiques d’oncogériatrie (EPOG) sur une période de six mois.
 Méthode : L'EPOG a été proposé aux patients de 65 ans et plus, pris en charge en hôpital de jour ou de semaine, débutant un protocole anticancéreux injectable et répondant à minima à un des critères suivants : polymédiqué (≥ 5 traitements de fond) et/ou identifié à risque de fragilité gériatrique (G8 ≤ 14). Les patients dans l'incapacité de participer à l'entretien ainsi que les patients institutionnalisés et/ou non ambulatoires ont été exclus.
Pour chaque EPOG, le pharmacien a effectué un bilan de médication et réalisé un entretien pharmaceutique permettant la recherche d’automédication, l'évaluation de l'autonomie du patient vis-à -vis de son traitement de fond, l'évaluation de ses connaissances concernant son protocole anticancéreux et la conduite à tenir pour prévenir/gérer les effets indésirables. A l’issue de l’EPOG, le pharmacien a orienté le patient vers d’autres professionnels de santé et soins de supports si nécessaire. Le compte rendu de l’EPOG était ensuite envoyé au médecin traitant et à la pharmacie de ville du patient. Les interventions pharmaceutiques (IP) proposées ont été analysées et leur potentiel impact clinique évalué par un binôme pharmacien/oncologue.
Résultats : Au total, trente patients ont bénéficié d’un EPOG (âge médian 76 ans ; 21 patients ayant G8 ≤ 14). Au cours de leur prise en charge, deux tiers des patients ont rencontré d’autres intervenants dont quatre après orientation par le pharmacien. Grâce à la réalisation des bilans de médication, au moins une IP a été faite chez 93 % des patients (en moyenne 3,5 par patient). La majorité des IP proposait des suivis thérapeutiques et des arrêts de traitement. Au total, 97 % des IP auraient un impact clinique positif dont 13 % un impact clinique majeur. Les principales classes médicamenteuses concernées par les IP étaient les analgésiques, les médicaments du diabète et les psycholeptiques.
Points forts : L’intégration d’un pharmacien hospitalier dans un parcours de soins dédié aux patients âgés fragiles en cancérologie apparait être une véritable valeur ajoutée. Le nombre important d’IP souligne l’intérêt de l’expertise pharmaceutique dans la lutte contre la iatrogénie médicamenteuse.
Points faibles : L’étude porte sur un faible échantillon de patients notamment en raison du manque de moyens humains (activité reposant sur un Docteur Junior en Pharmacie à temps partiel), matériels (absence de salle dédiée) et de difficultés organisationnelles. Malheureusement l’étude n’a pas permis d’évaluer le taux d’acceptation des IP par les médecins traitants.
 Conclusion/Implications en pratique : Les soins pharmaceutiques proposés semblent apporter une vraie valeur ajoutée dans la prise en charge des patients âgés en cancérologie. La prise en charge oncogériatrique pourrait être optimisée par la coordination d’intervenants multidisciplinaires sous la forme d’hôpitaux de jour.
 Rédigé par Manon MAUMUS & Caroline STREICHER
D’après Maumus M, et al. Patients âgés et anticancéreux injectables : étude de faisabilité de la mise en place d’entretiens pharmaceutiques d’oncogériatrie dans un centre hospitalier. Bulletin du Cancer. 2024 Sep;111(9):861-869. https://doi.org/10.1016/j.bulcan.2024.03.001