Question évaluée : Du fait du risque de réactions d’hypersensibilité (RHS) potentiellement graves durant l’administration de paclitaxel, le résumé des caractéristiques du produit (RCP) recommande une prémédication associant un corticoïde, un antihistaminique H1 et un antihistaminique H2 (ranitidine ou cimétidine). Le rationnel du recours aux anti-H2 émane des protocoles historiques de prévention des RHS lié aux produits de contraste et le rationnel pharmacologique est pour le moins controversé [1]. Une équipe néerlandaise a conduit une étude clinique afin d’apporter une réponse rigoureuse à la plus-value des anti-H2 dans la prévention des RHS au paclitaxel. L’objectif principal était l’incidence des RHS de grade ≥ 3 avec ou sans anti-H2 dans la prémédication.
Type d’étude : étude prospective monocentrique comparative non-randomisée
Méthode : Tous les patients ayant reçus entre 2 et 6 administrations de paclitaxel ont reçu la triple prémédication (entre octobre 2018 et avril 2019) ou la double prémédication sans anti-H2 (entre avril et décembre 2019). Les principales données recueillies étaient la localisation tumorale, l’antécédent de consommation d’antiallergiques et la survenue d’une RHS (tous grades ou ≥ 3)
Résultats : La population totale (n=366 patients) était majoritairement féminine (60,4%), avec des cancers de l’œsophage (42,1%), du sein (32,5%), du poumon (8,7%) et gynécologiques (7,9%). La moitié (n=183) a reçu une triple prémédication avec ranitidine, et l’autre moitié sans ranitidine (uniquement corticoïde et anti-H1). Les principaux résultats sont :
- Incidence RHS grade ≥ 3 : 8 (4,4%) versus 3 (1,6%) dans le groupe avec et sans ranitidine, respectivement (réduction risque absolu 2,7% ; [IC90% -6,2 ;+0,1]),
- Incidence RHS tous grades : 37 (20%) versus 22 (12%) dans le groupe avec et sans ranitidine, respectivement. La prémédication sans ranitidine apparaissait non-inférieure sur l’incidence des RHS tous grades (différence -8,2% ; IC95% [-15,0 ;-1,4] ; p=0,046),
- En analyse multivariée, les patients respectivement de sexe masculin (p=0,042) et recevant une prémédication sans ranitidine (p=0,043) semblaient à risque moindre de RHS (tous grades),
Points forts :
- Étude comparative prospective ayant inclus un nombre important de patients.
Points faibles :
- Étude non-randomisées avec deux groupes suivis sur deux périodes différentes (mais proches)
Conclusion/Implications en pratique : Cette étude confirme l'hypothèse formulée [1] et démontre l’inutilité a minima des anti-H2 dans la prémédication du paclitaxel. Les auteurs suggèrent le retrait des anti-H2 de tous les protocoles de prémédication du paclitaxel et appellent de leurs vœux la suppression de la mention dans les RCP du paclitaxel. Au-delà du bénéfice thérapeutique de ce retrait (les anti-H2 sont également associés à la survenue de RHS, expliquant potentiellement les résultats), les auteurs rappellent par ailleurs que même si le cout unitaire des anti-H2 est très faible, leur administration systématique chez tous les patients recevant du paclitaxel constitue un montant non-négligeable.
Rédigé par Florian SLIMANO et Pierre COLIAT
[1] Slimano F, Coliat P, Perrotin J.-M, et al. Is antihistaminergic H2 really usefull in prevention of hypersensitivity induced by paclitaxel? Support Care Cancer 2016; 24(11): 4475-4477.