Question évaluée : Le sunitinib est un inhibiteur de plusieurs récepteurs à tyrosine kinase (TK) indiqué dans le cancer du rein métastatique ou avancé (MRCC), les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST), et les tumeurs neuroendocrines du pancréas (pNET). Un des effets indésirables fréquent du sunitinib est la survenue de saignements. Cette étude pose la question du rôle de sunitinib dans la diminution des fonctions hémostatiques des plaquettes, qui contiennent des protéines TK essentielles pour l’hémostase.
Type d’étude : Etude monocentrique ouverte, non randomisée. Analyse de l’effet du sunitinib, in vitro et in vivo, sur l’activation plaquettaire, l’agrégation plaquettaire et la formation du thrombus.
Méthode : Etude in vitro sur 15 échantillons sanguins issus de donneurs sains et incubés avec du sunitinib ou un solvant ; étude in vivo sur des échantillons sanguins issus de 8 patients atteints de MRCC versus 8 patients sains. Les analyses utilisent des méthodes d’immunofluorescence, western blot, agrégométrie, perfusion sur matrice de collagène, cytométrie en flux, et ELISA.
Résultats : Les plaquettes incubées avec sunitinib accumulent la drogue dans des granules. Le sunitinib inhibe in vitro et in vivo la phosphorylation de tyrosines induite par le collagène. Après incubation des plaquettes avec le sunitinib il est observé une réduction significative et dose-dépendante d’une part de l’agrégation plaquettaire induite par le collagène et l’ADP et d’autre part de la formation du thrombus. La sécrétion plaquettaire de ?-thromboglobuline et du PDGF induite par le collagène est diminuée.
Après 14 jours de traitements par sunitinib, il est observé :
- une réduction du taux de plaquettes moyen dans le groupe traité,
- une réduction de l’activation et l’agrégation plaquettaire uniquement lorsqu’elle est induite par collagène (pas de changement lors de l’induction par l’ADP).
La formation du thrombus et l’exposition plaquettaire de phosphatidylsérine sont augmentées avant traitement comparé avec les sujets sains et diminuent significativement après 2 semaines de traitements.
Points forts : L’étude s’intéresse directement à l’effet du sunitinib sur les fonctions plaquettaires (il est déjà montré que les inhibiteurs non-sélectifs de TK ont des effets sur les TK plaquettaires).
L’étude montre une réduction de la libération plaquettaire du PDGF par le sunitinib, ce qui participe, avec l’inhibition du PDGF-R, à l’effet anti-angiogénique.
Points faibles : Seuls les patients atteints de MRCC sont étudiés alors que l’on sait qu’il existe des profils différents selon la pathologie (moins d’évènements hémorragiques chez les patients atteints de GIST) et/ou le schéma d’administration (pas de fenêtre thérapeutique dans le pNET).
Les patients cancéreux avec métastases ont un risque thrombotique augmenté ce qui explique la formation supérieure du thrombus observée chez les patients avant traitement comparé au groupe sain. L’étude met en avant la réduction de la formation du thrombus après 14 jours de traitement sans préciser la normalisation de ce processus par rapport au groupe non-traité.
Conclusion/Implications en pratique : Le sunitinib réduit l’activation et l’agrégation plaquettaire ainsi que la formation du thrombus contribuant à un risque augmenté d’évènements hémorragiques chez les patients atteints de MRCC. Une surveillance rapprochée du taux de plaquettes est recommandée ainsi que le TP et l’INR en cas d’association avec un anticoagulant.
Rédigé par Jérémie ZERBIT