
Question évaluée : Le passage d’un calcul de doses des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI), initialement en fonction du poids, à des doses fixes, ont fait l’objet de nombreux commentaires et critiques notamment sur le plan de l’impact économique sur nos systèmes de santé [1]. En revanche, l’hypothèse d’un impact écologique de ces choix n’a jamais fait l’objet d’une évaluation. Une équipe de l’Erasmus MC Cancer Institute de Rotterdam (Pays-Bas) s’est penché sur la question.
Type d’étude : étude descriptive, rétrospective et monocentrique. L’analyse s’est basée sur l’utilisation de la méthodologie d’analyse du cycle de vie du médicament, pour les deux ICI considérés, sur une période donnée.
Méthode :
- Analyse du cycle de vie du pembrolizumab et du nivolumab de la production jusqu’à l’élimination des déchets,
- Calculs des émissions de carbone pour les doses fixes et les doses adaptées au poids des deux ICI selon plusieurs schémas, incluant notamment des modulations d’intervalle de dose,
- Étude de l’impact des stratégies de doses adaptées versus doses fixes sur les émissions de carbone associées au traitement à partir des données :
- sur la prescription et l’utilisation des deux ICI recueillies dans les dossiers médicaux électroniques de l'hôpital et dans une base de données de la fondation néerlandaise des données hospitalières,
- sur les émissions liées à la fabrication des médicaments, la consommation d’énergie de l'hôpital, le carburant pour la distribution des produits pharmaceutiques, le déplacement des patients et du personnel, l’élimination des déchets, les équipements médicaux utilisés et les conditionnements pour les préparations prêtes à être administrées.
- Le critère de jugement utilisé était le dioxyde de carbone émis (CO2) par administration d’ICI (en cas de modulation posologique) et par intervalle de dose (pour les modulations impliquant un espacement des administrations).
Résultats : Sur une année, 796 patients ont été traités par pembrolizumab ou nivolumab dans le centre (total de 4710 administrations) entre le 1er janvier et le 31 décembre 2022. Le traitement de ces 796 patients a entraîné une émission carbone cumulée de 445 tonnes de CO2e (émission moyenne de 94 kgCO2e par administration).
Pour le Pembrolizumab, l’application de stratégie de doses adaptées au poids toutes les 3 semaines (Q3W) a permis une réduction de -26% des eCO2 par administration vs. -21% en cas d’intervalle allongé (Q6W). La combinaison des deux stratégies permettant une réduction hebdomadaire du CO2 émis de -25%.
Pour le Nivolumab, l’application de stratégie de doses adaptées au poids a permis une diminution de -9% pour une administration Q2W, de -10% pour une administration Q3W et de -11% pour une administration mensuelle. La combinaison des deux stratégies permettant une réduction hebdomadaire du CO2 émis de -15%.
Tableau 1 : Émissions de Dioxyde de carbone par catégorie (kg de CO2 émis) pour chaque stratégie de dose
Points forts : L’utilisation des émissions de carbone par semaine de traitement comme mesure a facilité l’analyse comparative des différents intervalles de dosage.
Points faibles :
- Aucune donnée provenant d’une évaluation des risques environnementaux disponible pour étudier les risques potentiels au cours de la phase d’élimination,
- L’analyse du cycle de vie s’est concentrée sur la catégorie d’impact du changement climatique et en a exclu d’autres en raison de l’insuffisance de données,
- Données extraites à partir d’un seul hôpital,
- N’inclut pas les émissions de carbone liées au gaspillage potentiel de médicaments.
Conclusion/Implications en pratique :
Cette étude originale met en évidence un autre type de bénéfice que celui jusqu’ici mis en avant pour les ICI. Ainsi, l’impact économique particulièrement important des doses fixes s’ajoute un impact écologique non-négligeable même si la littérature offre actuellement peu de comparaisons possibles. Compte-tenu de l’augmentation croissante du recours aux ICI, l’impact prévisible de la révision des doses fixes devrait être encore plus important, à l’heure où certains auteurs suggèrent que des doses faibles de Nivolumab offriraient la même efficacité par exemple [2]. L’arrivée possible de formulations sous-cutanées et les perspectives de déploiement à grande échelle de l’administration à domicile sont d’autres perspectives à suivre.
Rédigé par Malissone VIARASAKD
D’après Malmberg R, et al. Effect of alternative dosing strategies of pembrolizumab and nivolumab on health-care emissions in the Netherlands: A carbon footprint analysis. Lancet Planet Health 2024;8(11):e915-e923
[1] Malmberg R, Zietse M, Dumoulin DW, Hendrikx JJMA, Aerts JGJV, van der Veldt AAM, Koch BCP, Sleijfer S, van Leeuwen RWF. Alternative dosing strategies for immune checkpoint inhibitors to improve cost-effectiveness: a special focus on nivolumab and pembrolizumab. Lancet Oncol. 2022 Dec;23(12):e552-e561. doi: 10.1016/S1470-2045(22)00554-X. PMID: 36455584.
[2] Gandhi KA, Shirsat A, Hj SK, Chavan A, Dicholkar P, Shah S, Menon N, Noronha V, Joshi A, Prabhash K, Patil V, Gota V. Pharmacokinetics and clinical outcomes of low-dose nivolumab relative to conventional dose in patients with advanced cancer. Cancer Chemother Pharmacol. 2024 Nov;94(5):659-668. doi: 10.1007/s00280-024-04697-x. Epub 2024 Jul 26. PMID: 39060628; PMCID: PMC11470857.