Question évaluée : Dans le traitement des Diarrhées Chimio-Induites (DCI) et particulièrement pour les chimiothérapies à base d’irinotecan, des fortes doses de lopéramide peuvent être prescrites (jusqu’à 24mg par jour) en comparaison aux posologies recommandées dans le Résumé des Caractéristiques Produit. En s’appuyant sur une mise en garde récente de la Food and Drug Administration (FDA) sur le risque d’une toxicité cardiaque liée à des doses élevées de lopéramide, les auteurs posent la question de savoir si les posologies utilisées pour le traitement des DCI sont sans danger pour le patient.
Type d’étude : Revue de la littérature
Méthode : Les auteurs ont réalisé une recherche bibliographique des cas cliniques associant des doses élevées de lopéramide (toutes situations confondues) et une toxicité cardiaque. Ils ont également recherché une corrélation entre les concentrations plasmatiques de lopéramide et la dose journalière afin d’évaluer l’hypothèse d’une toxicité cardiaque dose-dépendante.
Résultats : Les auteurs ont recensé 48 cas de patients présentant une toxicité cardiaque (allongement de l’espace QT, troubles du rythme ou arrêt cardiaque) associée à une forte dose de lopéramide sur une période de 39 ans. Les doses prescrites allaient de 64 mg à 1600 mg par jour, ce qui est nettement supérieur aux doses prescrites habituellement dans le traitement des DCI. Les concentrations plasmatiques associées à ces fortes doses (de 22 ng/mL à 210 ng/mL) semblent être corrélées à la posologie journalière prescrite chez les patients. Celles-ci sont bien supérieures aux concentrations mesurées avec des posologies usuelles, de 1,18 ng/mL à 3,35 ng/mL pour des posologies de 8 à 16 mg par jour.
Points forts : Cette étude permet de conforter les pratiques actuelles à dépasser les doses maximales de lopéramide sans pour autant exposer le patient des évènements cardiaques graves.
Points faibles : La recherche réalisée par l’auteur ne prend en compte que les risques cardiaques associés au lopéramide ou d’autres effets indésirables peuvent être potentiellement majorés (somnolence, vertiges, douleurs abdominales, nausées-vomissements…). Les autres principes actifs à toxicité cardiaque ne sont pas mentionnés. De plus, les posologies retrouvées ne sont pas représentatives de celles utilisées en pratique pour le traitement des DCI, malgré l’effort de l’auteur à essayer de corréler les concentrations plasmatiques avec la posologie prescrite. On regrettera aussi le manque de détail sur la méthodologie de sa recherche bibliographique.
Conclusion/Implications en pratique : L’incidence d’un évènement cardiaque grave associé à des fortes doses de lopéramide reste assez faible au vue du nombre de cas rapportés dans la littérature. La balance bénéfice/risque reste en faveur de la prescription de lopéramide à haute dose dans le traitement des DCI qui représentent une complication plus fréquente et potentiellement grave si non contrôlées.
Rédigé par Thibault VALLECILLO