Question évaluée : De nouveaux inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK) viennent compléter l’arsenal thérapeutique de la Leucémie Aigüe Myéloïde (LAM) au côté des régimes conventionnels de chimiothérapies anticancéreuses. Ces ITK sont associés à des interactions médicamenteuses (IAM) pouvant entrainer une toxicité importante ou une perte d’efficacité. L’objectif de cette revue conduite par une équipe espagnole est d’analyser la pertinence des interactions de 7 molécules utilisées dans le traitement des LAM : Venetoclax, Glasdegib, Midostaurine, Quizartinib, Gilterinib, Enasidenib et Ivosidenib.
Type d’étude : Revue systématique de la littérature.
Méthode : Recherche bibliographique dans des bases de données selon les recommandations (PRISMA) : Medline, Embase, Cochrane, Web of Science, DARE, ASCO, ASH, EHA.
Résultats :
• Venetoclax (inhibiteur de BCL-2) : métabolisé par le CYP3A4, sensible aux inducteurs et inhibiteurs puissants de cette enzyme. Cette molécule est inhibitrice des transporteurs P-gp et BCRP modifiant la cinétique de leurs substrats telle que la digoxine.
• Midostaurine (inhibiteur de multikinase, principalement FLT3 et KIT) : faible biodisponibilité (30%) car important effet de premier passage hépatique. La midostaurine est métabolisée par les CYP3A4 et est un inhibiteur faible de cette enzyme. Il s’agit d’un inhibiteur de transporteurs tels que la P-gp, BCRP et OATP suggérant un potentiel effet sur les substrat de ces transporteurs.
• Quizartinib (inhibiteur de FLT3) : métabolisme assuré par le CYP3A4 causant des interactions avec les inducteurs/inhibiteurs forts et modérés de cette enzyme. Cette molécule est également responsable d’un allongement de l’intervalle QT à l'électrocardiogramme d’autant plus si elle est associée à un autre médicament allongeant le QT et inhibiteur du CYP3A4.
• Gilteritinib (inhibiteur de FLT3) : métabolisé par le CYP3A4 sensible à la co-administration d’inducteurs puissants du CYP3A4. Le gilteritinib est également un inhibiteur puissant de transporteurs comme la P-gp, MATE1 et OCT2 générant des interactions avec leurs substrats.
• Enasidenib (inhibiteur de IDH2) : son métabolisme implique de nombreuses isoformes du CYP450 (1A2, 2B6, 2C9…) et UGT (1A1, 1A3…). Aucune interaction significative n’a été relevée lors de l’administration d’inhibiteurs ou inducteurs forts du CYP450. L’enasidenib est inhibiteur de l’UGT1A1, de la P-gp et de BCRP générant des interactions avec les substrats de ces transporteurs.
• Ivosidenib (inhibiteur de IDH1) : une réduction de dose est nécessaire lorsqu’il est administré avec un inhibiteur puissant du CYP3A4. L’ivosidenib est également inhibiteur de plusieurs CYP générant des interactions avec leurs substrats et des contre-indications avec ceux dont la marge thérapeutique est étroite.
• Glasdegib (inhibiteur de la voie Hedgehog) : métabolisé majoritairement par le CYP3A4. Cette molécule peut également provoquer un allongement de l’intervalle QT notamment en association à d’autres molécules allongeant le QT (d’autant plus si elle sont inhibitrices du CYP3A4).
Points forts :
- Vue d’ensemble des interactions documentées des ITK indiquées dans la LAM,
- Application aux IAM fréquemment retrouvées chez des patients atteints de LAM,
- Étude des interactions impliquant de nombreuses voies de métabolisme.
Points faibles :
- Manque d’informations selon l’âge ou les fonctions organiques (rénale et hépatique) des patients
Conclusion/Implications en pratique :
Cette revue de la littérature apporte des éléments d’aide à la décision dans l’analyse des interactions médicamenteuses des ITK indiqués dans la LAM.
Rédigé par Samy HOUARI