Question évaluée : Le gingembre possède des propriétés antiémétiques qui font l’objet d’investigations régulières dans la prévention des nausées et vomissements chimio-induits (NVCI). La dernière étude publiée donnait des résultats négatifs et avait été résumée dans notre rubrique fin 2016. Une nouvelle étude, de grande ampleur (dans le domaine de la phytothérapie) vient de paraître chez des patients traités par des doses de cisplatine < 50 mg/m².
Type d’étude : Randomisée, contrôlée versus placebo, en double aveugle et multicentrique.
Méthode : Deux groupes traités soit par gingembre (deux capsules matin et soir d’un extrait standardisé contenant 40 mg de gingembre) soit placebo pendant deux cycles de chimiothérapie hautement émétisante en plus d’une prévention conventionnelle. L’objectif principal était une amélioration de la proportion de patient sans nausées (Visual Analogue Scale VAS < 5 mm) et de patients avec nausées cliniquement non-significatives (VAS < 25 mm) dans le bras traité. Les objectifs secondaires étaient en lien avec la qualité de vie via les questionnaires FLIE (Functional Living Index Emesis) et BFI (Brief Fatigue Inventory).
Résultats : Les données de 244 patients répartis en groupe traité (n=121) et placebo (n=123) ont pu être analysées. Les localisations les plus représentés étaient les cancers bronchiques (49%) et ORL (35%). Après deux cycles de traitement, aucune différence significative entre les deux groupes n’a pu être mise en évidence sur l’incidence et la sévérité des nausées. Aucune différence n’a été retrouvée sur les autres objectifs. L’analyse en sous-groupe a mis en évidence une amélioration du score des nausées (questionnaire FLIE) chez les femmes (p=0,048) et chez les patients atteint de cancer ORL (p=0,038). Des troubles digestifs à titre de dyspepsies, douleurs gastriques et hoquets ont été plus fréquemment retrouvés dans le groupe traité.
Points forts : Étude de grande ampleur et de bonne qualité méthodologique. Utilisation de différentes méthodes validées de mesure des nausées. La population semble peu hétérogène.
Points faibles : Les auteurs ne discutent pas des différentes posologies de gingembre et ne parlent que de « dose standardisée ». Il n’y a aucune discussion autour de la présence et/ou sévérité des vomissements pour des patients recevant pourtant une chimiothérapie hautement émétisante.
Conclusion/Implications en pratique : Cette étude de bonne qualité permet de confirmer l’absence de bénéfice du gingembre dans la prévention des nausées chimio-induites. Le bénéfice (la tendance) retrouvé en sous-groupe ne semble pas pertinent pour de futures investigations et cette thérapie complémentaire, sous forme d’extraits en capsule, doit être écarté de l’arsenal thérapeutique anti-nauséeux. Les effets indésirables retrouvés dans cette étude, même si ils semblent mineurs, contribuent à accentuer le caractère défavorable de la balance bénéfice/risque du gingembre dans cette indication.
Rédigé par Florian SLIMANO