Question évaluée : L’hydratation avant et après une perfusion de cisplatine est recommandée dans le but de limiter le risque de néphrotoxicité. L’étude actuelle, dans le contexte de développement des hôpitaux de jour de cancérologie, est une comparaison entre deux méthodes d’hydratation, par voie intraveineuse ou par voie orale.
Objectif principal : Évaluation de l’apparition d’une néphrotoxicité chez les patients traités par cisplatine.
Type d’étude : Rétrospective et monocentrique, menée de 2010 à 2016.
Méthode :
De 2010 à 2012, les patients traités par cisplatine recevaient 2 litres de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 sur 6 heures avant la perfusion puis 1 litre de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 pendant 2h [groupe IV/IV]. Après la publication d’un nouveau protocole d’hydratation en 2013 mettant en avant la faisabilité d’une hydratation orale post-cisplatine1, les patients du centre ont reçu de 2014 à 2016 2 litres de NaCL 0,9%, 1 g/L de KCL et 1 g/L de MgSO4 pendant 6 heures avant la perfusion puis ils se voyaient recommandé de boire au minimum 1 litre par jour d’eau minérale [groupe IV/PO].
Résultats :
L’étude a recueilli et analysé les données de n=241 patients dans le groupe IV/IV et n=276 patients dans le groupe IV/PO. La population était homogène entre les deux groupes. L’étude retrouvait une néphrotoxicité de grade ≥ 1 pour 39,4% et 25,7%, respectivement pour les groupes IV/IV et IV/PO (p= 0,001). Un âge supérieur à 70 ans semblait associé à une augmentation du risque de néphrotoxicité (p= 0.004). Le cas des patients ayant switché vers le carboplatine a permis de mettre en évidence deux facteurs prédictifs de changement thérapeutique, le DFG < 90mL/min et un âge > 70ans.
Points forts :
Deux points clefs: la réalisation d’une hydratation orale post-cisplatine en ambulatoire est aussi sécuritaire que l’utilisation d’une perfusion IV, et le risque de néphrotoxicité est accru chez les patients âgés de plus de 70 ans.
Points faibles :
- Pas d’évaluation de la fonction rénale en phase de maintenance (après arrêt des perfusions de cisplatine),
- Pas d’évaluation des traitements associés pouvant entrainer une néphrotoxicité (ex : AINS …), probablement du fait du design rétrospectif.
Conclusion/Implications en pratique :
Cet article permet de confirmer en vie réelle la faisabilité de l’utilisation d’une hydratation orale post perfusion de cisplatine. Cette application dans nos centres permettra de réduire la durée d’hospitalisation des patients et donc le cout associé à cette prise en charge. Elle permet également de rassurer les oncologues qui préfèrent souvent le carboplatine au cisplatine pour limiter les contraintes de l’hydratation, au dépend d’un profil d’efficacité … différent2. Elle permet d’apporter un nouvel élément de réflexion à la balance bénéfice / risque pour chacune de ces deux molécules.
Rédigé par Clément CARBASSE
1Lavolé et al. Routine administration of a single dose of cisplatine ≥ 75 mg/m² after short hydration in an outpatient lung-cancer clinic. Bull Cancer 2012. 99(4): E43-8
2Ardizzoni A et al. Cisplatine- versus carboplatine-based chemotherapy in first-line treatment of advanced non-small-cell lung cancer: an individual patient data meta-analysis. J Natl Cancer Inst 2007. 99(11): 847-57