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Question évaluée : Entrée en vigueur en juillet 2021, la réforme de l’Accès Précoce (AP) en France vise à simplifier les procédures, accélérer l’accès aux médicaments innovants et garantir la soutenabilité financière du système de santé. Ce nouveau cadre a réduit les six voies du système d’autorisation temporaire d’utilisation (ATU) à deux dispositifs : l’Autorisation d’Accès Précoce (AAP) et l’Autorisation d’Accès Compassionnel (AAC). La réforme a également modifié le parcours d’évaluation : alors que le système ATU impliquait uniquement l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la Haute Autorité de Santé (HAS) intervient désormais également dans l’évaluation des AAP. Cette étude analyse les caractéristiques des autorisations délivrées via le dispositif d’AAP, ainsi que l’impact de la réforme en oncologie, en termes de nombre d’indications autorisées, de patients traités et de coûts de remboursement, par localisation tumorale.
Type d’étude : Étude en deux étapes :
- Analyse rétrospective longitudinale des indications soumises à l’évaluation de la HAS dans le cadre de l’AP.
- Étude rétrospective longitudinale des données issues du Système National des Données de Santé (SNDS) sur les médicaments en oncologie avec un AAP administré à des patients hospitalisés.
Méthode : Les demandes d’AAP soumises à la HAS entre le 1er juillet 2021 et le 31 décembre 2022 ont été identifiées ainsi que la méthodologie des essais cliniques supportant la demande d’AP. Leurs décisions d’autorisations ou de refus, ainsi que leurs justifications, ont été analysées. L’impact de la réforme a ensuite été évalué à partir des données SNDS, en examinant le nombre d’indications approuvées, le nombre de patients traités (en hospitalisation) et les coûts de remboursement associés, tant en onco-hématologie que pour les tumeurs solides.
Résultats : Sur 110 décisions publiées, 88 indications d'AAP (80%) ont été accordées par la HAS dans un délai moyen de 70 jours, dont 46 (52%) en oncologie (67% pour des tumeurs solides, 33% pour des hémopathies malignes). La majorité des indications autorisées étaient supportées par des essais randomisés de phase III (67%), tandis que les refus reposaient plus fréquemment sur des études non randomisées (57%). La survie globale était le critère principal dans 28% des autorisations accordées, contre aucune dans les demandes refusées, et 41% des autorisations d’AP accordées présentaient des données de survie globale (critère principal ou secondaire). Les données du SNDS montrent une forte augmentation du nombre de patients hospitalisés traités avec un médicament sous AAP en oncologie, passant de 3 137 en 2019 à 18 341 en 2022 (+484%), ainsi qu'une hausse du nombre d’indications, de 12 à 62 sur la même période. Les principales localisations concernaient l’onco-hématologie (n=17), le cancer du poumon (n=12), les cancers digestifs (n=9) et le cancer du sein (n=9). Parallèlement, les coûts de remboursement associés aux traitements sous AAP ont considérablement augmenté, passant de 42 à 526 millions d’euros (+1159%).
Points forts : Les autorisations d’AAP reposent principalement sur des études avec un haut niveau de preuve (essais de phase III), souvent accompagnées de données matures sur la survie globale. Il s’agit de la première étude utilisant les données du SNDS pour évaluer l’impact de la réforme de l’AP, mettant en évidence une augmentation notable du nombre de patients traités et des coûts de remboursements associés.
Points faibles : Les coûts de remboursement présentés ne reflètent pas la dépense finale pour l’Assurance maladie, en raison des remises appliquées par les laboratoires en fonction des ventes réalisées et du prix final négocié. Le périmètre est également limité aux patients hospitalisés bénéficiant d’un traitement en AAP et exclue le champ de la rétrocession. La réforme est également encore trop récente pour permettre une estimation précise de son impact à long terme.
Conclusion/Implications en pratique : La réforme de l’AP a permis un accès rapide pour les patients à un nombre significatif d'innovations thérapeutiques, notamment en oncologie. Toutefois, un suivi régulier reste nécessaire pour analyser les décisions d’AP (approbations et refus), surveiller les données épidémiologiques et économiques, et garantir la soutenabilité financière du dispositif à long terme.
Rédigé par Tess MARTIN et Isabelle BORGET