Question évaluée : Dans notre rubrique, nous rapportions l’intérêt d’ingérer l’erlotinib avec du Coca-cola® comme acidifiant pour améliorer l’absorption lors de la prise concomitante d’inhibiteurs de la pompe à protons (https://sfpo.com/oncopharmactu-article-1/). Nous résumons ici la situation des patients traités par un autre inhibiteur de tyrosine kinase (ITK), l’imatinib, pour une tumeur stromale gastro-intestinale (GIST) ayant subi une gastrectomie majeure. Chez ces patients l’absorption d’imatinib est réduite et les concentrations plasmatiques minimales retrouvées (Cmin < 1100 µg/L) exposent à des résultats cliniques défavorables. La question posée est de savoir si l‘utilisation de Coca-cola® peut restaurer l’absorption d’imatinib chez ces patients.
Type d’étude : Essai clinique de pharmacocinétique contrôlé, randomisé, en cross-over.
Méthode : les patients étaient exposés à la posologie de 400 mg par jour pendant 7 jours pris avec de l’eau. Au 7ème jour, une pharmacocinétique de l’imatinib était réalisée puis les patients poursuivaient 7 jours de plus mais en prenant l’imatinib avec du Coca-cola®. Au 14ème jour les mêmes procédures pharmacocinétiques étaient effectuées.
Résultats : Sept patients ont participé à l’étude. Les ratios des moyennes géométriques des aires sous la courbe (AUC), concentration max (Cmax) et Cmin, temps max et temps de demi-vie ne retrouvent pas de différence statistiquement significative entre les deux groupes. Dans les deux situations la Cmin est inférieure à la borne de 1100 µg/L.
Points forts : étude en cross over permettant de limiter les variations interindividuelles du fait de différents contextes chirurgicaux. La méthode de dosage est décrite et la méthodologie est bien construite (et similaire à l’étude de Van Leeuwen).
Points faibles :
- dans la méthode les auteurs évoquent une randomisation entre les patients commençants par l’eau et ceux par le Coca-cola® mais les résultats ne précisent pas la répartition,
- même si il s’agit d’une étude en cross over le nombre de sujets est faible et il semble que l’étude soit multicentrique (affiliations des auteurs) mais le manuscrit ne précise pas le nombre de patients par centre.
Conclusion/Implications en pratique : chez les patients atteints de GIST et opérés la restauration d’un pH faible ne permet pas d’améliorer l’absorption pour obtenir des concentrations cliniquement efficaces. Les auteurs émettent l’hypothèse d’une implication de transporteurs gastriques (en l’occurrence ABCC4) dans l’absorption d’imatinib (démontré avec dasatinib chez l’animal) qui seraient absent chez les patients gastrectomisés. En pratique, l’utilisation du Coca-cola® pour améliorer l’absorption des ITK est une piste intéressante mais cette étude confirme qu’elle doit être évaluée au cas par cas et dans le cadre d’études de pharmacocinétique bien conduites.
Rédigé par Florian SLIMANO