2ème session Formations pratiques Juniors en Pharmacie Oncologique

2ème session Formations pratiques Juniors en Pharmacie Oncologique

Du mardi 24 septembre 2019
au mercredi 25 septembre 2019


Commission Juniors de la SFPO

Session Formations Pratiques Juniors en pharmacie oncologique

24 et 25 septembre 2019 - Compte-Rendu

Objet : Circuit des CAR-T Cells à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP)

L’hôpital Saint-Louis de l’AP-HP convie 9 juniors  à deux journées de formations sur le circuit des CAR-T Cells alternant des sessions théoriques et pratiques en immersion dans les services concernés.

Cette session s’étale sur deux journées au cours desquelles des formations théoriques et pratiques sont assurées par les intervenants du programme.

Sessions théoriques

1) Définitions et réglementation relatives aux CAR T-cells ont été présentées (Dr I. Madelaine)

Le Dr I. Madelaine (PUI) décrit les contours réglementaires des CAR-T Cells au travers des Médicaments de Thérapie Innovante (MTI) et plus précisément des médicaments de thérapie génique (Directive 2001/83/CE, règlement européen n° 1394/2007/CE).

  • Sessions pratiques : Circuit général des CAR T-cells : de l’aphérèse à l’administration

Des visites du service d’aphérèse, de l’Unité de Thérapie Cellulaire (UTC) et de la PUI sont organisées afin de suivre le circuit des CAR T-cells. Ainsi :

Ce circuit nécessite une grande coordination entre les différents services impliqués.

2) Concept immunologique de la thérapie par CAR T-cells (Dr V. Allain).

Le Dr V. Allain (laboratoire d’immunologie) défini le les propriétés immunologiques combinées par les CAR-T Cells : une reconnaissance d’un antigène non-HLA-médiée, une capacité proliférative et effectrice (voie de signalisation TCR) et un rôle mémoire. Une cible idéale serait exprimée par toutes les cellules tumorales et non-exprimée par les cellules saines. Elle  serait stable, dense et accessible. La cible la plus étudiée est le CD19. Le taux de CAR T-cells circulants suit une phase d’expansion, puis de contraction et de persistance. L’intérêt du monitoring du taux de CAR T-cells circulants est soulevé.

Des situations d’échec de traitement sont décrites suite à la perte de la cible sur les cellules tumorales ou à la dysfonction des CAR-T Cells (problème d’expansion, d’accessibilité de la cible par exemple pour les tumeurs solides ou de perte de fonction suite à l’exhaustion des CAR-T Cells). Des axes d’amélioration sont présentés tels que la modulation de la reconnaissance des  CAR-T Cells (trop forte, elle peut conduire à des phénomènes de type exhaustion = épuisement), la modulation de la taille de la partie charnière (plus longue, elle pourrait donner plus de souplesse et moins de toxicité), la co-expression de 2 cibles afin de limiter les résistances liées à une perte de CD19, la modulation de l’activité ou encore les CAR-T Cells universels (les lymphocytes d’un donneur sain et d’un patient n’ayant ni les mêmes phénotypes ni le même taux de CD4/CD8).

3) Rôle de l’UTC (Dr M. Mebarki)

Le Dr M. Mebarki (UTC) précise le rôle de l’Unité de Thérapie Cellulaire dans le circuit des cellules, avant qu’elles ne deviennent des médicaments : l’étiquetage du produit d’aphérèse, matière première à usage pharmaceutique est réalisé en présence du patient au moment de l’aphérèse puis l’UTC contrôle et attribue un numéro de produit (SEC, ISBT 128). Le prélèvement d’aphérèse doit être qualifié (bilan pré-don) et accompagné d’un consentement au don du donneur ainsi que d’un bilan sérologique de moins de 3 jours.

Un contrôle qualité est réalisé avant tout envoi aux industriels conformément aux bonnes pratiques de thérapie cellulaire : visuel, documentaire et analytique (numération cellulaire ; immunophénotypage par cytométrie de flux : CD45+CD3+ ; Viabilité cellulaire ; microbiologique : stérilité).

Un scellage numéroté accompagné d’un enregistrement de la température sont réalisés avant envoi aux industriels conformément à leurs recommandations.

4) Qualification des hôpitaux à l’usage des CAR-T Cells (Dr I. Madelaine)

Par le laboratoire : réunion de démarrage, audit qualité, formations, minimisation des risques, test à blanc, accord (3 à 4 mois). Actuellement il n’y a pas d’harmonisation entre les laboratoires.

Par l’ARS : Autorisation de reconstitution des MTI à la PUI.  Possibilité d’une convention entre l’UTC et la PUI avec une annexe de la convention pour chaque MTI.

Décret n° 2019-489 du 21 mai 2019 relatif aux pharmacies à usage intérieur et publication de 2 arrêtés en 5 mois (Arrêté du 8 août 2019 modifiant l'Arrêté du 28 mars 2019).

5) Place des CAR-T Cells dans les Lymphomes B diffus à grandes cellules (Dr R. Di Blasi)

Le Dr R. Di Blasi (Onco-hématologie) revient sur les indications des CAR-T Cells dans les DLBCL et leurs bénéfices.

1ère ligne par R-CHOP à 10% rechute et 30% réfractaire

2e ligne par Ritux+ ARA-C + Platine ou R-DHAP +/- autogreffe

3e ligne pour 30% des cas à CAR-T Cells = First screen ; 1ère visite= éligibilité (VIH, VHB…) ; Lymphodéplétion (chimiothérapie) ; Bridging éventuel (Rituximab + Cyclophosphamide + Etoposide) ; Administration des CAR-T Cells.

Deux toxicités sont principalement à redouter : Syndrome de relargage cytokinique (en fonction de la masse tumorale et de la dose de CAR T-cells) et la neurotoxicité.

6) Place des CAR-T Cells dans les Leucémies Aigues Lymphoblastiques (Dr F. Rabian)

Le Dr F. Rabian (hématologie clinique) décrit la place des CAR-T Cells dans les LAL.

Cancer le plus fréquent chez l’enfant. Il représente la première cause de décès chez l’enfant. Il s’agit d’un défaut de différentiation cellulaire, engendrant la présence de blastes dans la moelle osseuse, une insuffisance médullaire et un syndrome de lyse tumorale. A l’heure actuelle, la prise en charge est longue et lourde (2 ans de traitement, greffe de moelle).

Environ 75% des patients font un syndrome de relargage cytokiniques dont ¼ un SRC sévère. Il n’existe pas de score de prédiction fiable à ce jour. Seuls 20% des patients chez qui une aphérèse a été réalisée dans le but d’un traitement par CAR-T Cells, recevront effectivement ce traitement. Pour eux, une réponse complète est effective dans 96% des cas.

  • Sessions pratiques : Coordination des acteurs et administration (M. Berquier et J. Baylac)

L’infirmier de coordination des CAR-T Cells, M. Barquier explique comment l’un des enjeux dans la prise en charge des patients est la coordination. Les patients sont souvent fragiles, et les poches décongelées ont une stabilité courte (entre 30 minutes et 2h) jusqu’à l’administration. La coordination entre les acteurs est donc essentielle : échanges avec la PUI sur l’éligibilité des patients (RCP CAR-T Cells hebdomadaire), sur l’aphérèse et l’UTC, entre le l’UTC et le labo, entre le labo et la PUI pour la réception, entre l’arrivée du patient et la décongélation, entre l’envoi des CAR-T Cells dans le service et l’administration. Pendant le 1er mois, le patient doit rester à moins de 2 heures de l’hôpital.

7) Toxicités liées aux CAR T-cells (Pr M. Darmon)

Le Pr M. Darmon (Réanimation médicale) décrit les toxicités liées aux CAR-T Cells. La plus redoutée est le SRC, précoce, avec un pic à J5. Il s’agit d’une réaction inflammatoire macrophagique systématique pouvant mener à une défaillance multiviscérale. 50% des SRC seraient en fait des sepsis infectieux. Il faut TOUJOURS rechercher une infection (PL, imagerie cérébrale). SRC sevère chez 30 % des patients. Le traitement prévu est le TOCILIZUMAB (RoActemra®) = anti-IL-6.

L’ICANS, l’atteinte neurologique est plus tardif. Lien entre le CRS et la neurotoxicité : les patients ayant fait un CRS sévère ont plus de risque de neurotoxicité.

Grande variabilité des durées d’hospitalisation en réanimation (de 2 à 25 jours) puis retour en hématologie.

  • Sessions pratiques : Aphérèse (Dr N. Parquet)

Le Dr N. Parquet (unité d’aphérèse) décrit une séance d’aphérèse pour le recueil des cellules mononuclées : pas besoin d’hospitalisation, le recueil dure une demi-journée. Cela peut se faire en réanimation si l’état du patient le nécessite. Consultation de l’état veineux du patient.  Volume recueilli de 250-300 mL. Il ne faut pas plus de 5 heures pour avoir le maximum de CD3. Au labo, le contrôle qualité par cytométrie de flux dure 1h30.

8) Perspective MTI (Dr M. Mebarki)

MTG

CAR-T Cells : dates d’autorisation par la FDA le 30 août et le 18 octobre 2017. Au niveau Européen, les accords ont été publiés en même temps le 29 juin 2018. Prix du YESCARTA : 327 000 euros, prix de KYMRIAH : environ 320 000 euros. Prespectives : CAR T-cells bi-spécifiques afin de palier aux rechutes CD19- par exemple ; UCAR T-cells = CAR T-cells universels.

Luxturna (adénovirus 1-6 retinal). Utilisé pour traiter la perte visuelle due à une dystrophie rétinienne héréditaire chez des patients présentant encore suffisamment de cellules fonctionnelles dans la rétine et lorsque la maladie est causée par des mutations dans le gène RPE65.

Zynteglo dans le traitement bêta thalassémie est indiqué chez les patients qui ne manquent pas complètement de bêta-globine et qui sont éligibles à une transplantation de cellules souches, mais qui ne disposent pas d’un donneur apparenté compatible.

MTCS

Alofisel cellules souches mésenchymateuses de tissu adipeux. Alofisel est indiqué pour le traitement de fistules périanales complexes chez les patients adultes atteints de maladie de Crohn luminale non active/légèrement active, lorsque les fistules ont répondu de manière inadéquate à au moins un traitement conventionnel ou une biothérapie

MIIT

Spherox, sphéroïdes de chondrocytes autologues humains associés à une matrice utilisé pour réparer les lésions cartilagineuses au genou chez les adultes qui souffrent de symptômes tels que des douleurs et des problèmes de mobilité du genou.

  • Sessions pratiques : Présentation de la plateforme MEARY (Dr H. Boucher)

Le Dr H Boucher (centre MEARY) organise une visite du centre MEARY de thérapie cellulaire et génique de l’AP-HP. Ce centre offre tous les services et compétences de pointe pour produire, contrôler et libérer des lots de médicaments dans les domaines des thérapies géniques et cellulaires et de l’ingénierie tissulaire. Il s’appuie sur une dynamique d’innovation et sur des liens avec l’industrie permettant un développement accéléré de projets précliniques et cliniques de MTI : réglementation, optimisation et validation des procédés de production, définition des spécifications du MTI, validation des contrôles de qualité inhérents.

9) Accès au marché (Dr A. Degrassat)

Le Dr A. Degrassat (AGEPS) explique comment la négociation des prix est repensée pour ces médicaments onéreux avec toujours la prise en compte de l’ASMR et le SMR (réflexion d’une fusion des 2 : index thérapeutique relatif). L’impact budgétaire est demandé si le CA prévu est de plus de 150000 euros. Accord cadre LEEM-CEPS avec une recherche du prix optimal pour rémunérer justement l’innovation et respecter l’équilibre de l’ONDAM.

Circuit financier à l’hôpital : l’hôpital a 50 jours pour ne pas avancer le CAR-T Cells (hors T2A). En cas de réception et de non administration des CAR T-cells qui paye ? Par exemple en cas de décès du patient. Est-ce le laboratoire ? La sécurité sociale ? Pour le moment le laboratoire accepte de faire un avoir, le traitement n’est donc pas remboursé.

Remerciements

Les participants remercient la SFPO pour avoir permis la conduite de cette session, et sont très reconnaissants envers Isabelle Madelaine et les pharmaciens, biologistes et cliniciens de l'hôpital Saint-Louis pour la qualité de leur formation et leur accueil chaleureux. A l'occasion de ces journées, un film de présentation a été réalisé et est disponible au lien suivant : https://sfpo.com/blog/2019/10/11/cart-cell-sfpo2019/